jeudi 16 avril 2015

"Entrac'te , crépuscule du soir":Carmen, te revoilà !


Carmen, sans "relâche" mais avec "entr'acte" !
Ils vont de "tache" en "tache" s'afférant au crépuscule du soir dans les jardins printaniers de la HEAR....
Au rendez-vous, ponctuel, un joyeux public, friand de surprises et d'étrangeté, habitué ou pas des élucubrations très structurées d'Olga Mesa, la reine des remparts de Madrid et son ami Francisco Ruiz de Infante!Carmen, Olga et son bel hidalgo arpentent la pelouse, y laissent des lambeaux de tissus noirs tapisser le sol.Ils marchent, elle en robe rouge seyante, lui en caraco et pantalon  noir.Caftan ou baouta, dague? Mais dans l'arène, les deux ne s'affrontent pas, vont de pair pour construire un petit monde virtuel, filmé en direct, amoncelé sur une toile tendue, écran noir de leur nuit blanche à venir.
La peau tendue du monde reflète des slogans, phrases et autres jolis poèmes sur la lumière, les corps éclairés par l'aube ou le crépuscule du soir."Le corps éclaire"
S'y révèlent des écrits où l'on pense à ce que l'on danse car "il est bon de penser" pour cette Carmen et ce Don José que Shakespeare laissa à Bizet!
La prestation est courte et brève, un pépin très furtif, un chantier ouvert, jonché de câbles, un forum, agora du geste, manifeste du zeste pensé et réflexion ouverte sur le monde.
Olga Mesa remettra sûrement sur l'établi ses canevas, brouillons et autres essais fructueux vers des happenings, bazar, marché et autres déballages joyeux de réflexions fertiles en rebondissements!
Affaire à suivre, à l'aube ou au crépuscule du matin: on y passerait alors bien une nuit blanche! Aurore, princesse à potron- minet, Olga nous surprendra toujours!A la taverne de Lillas Pastia, bienvenue!

"Etrange alliage que ce Carmen/Shakespeare qui mobilise chorégraphe et plasticien sur plusieurs pièces. Ce projet en quatre actes associe la mythique héroïne gitane à l’incontournable auteur britannique, à travers non pas son théâtre mais ses Sonnets d’amour.
De cette rencontre inédite, des matériaux qui la traversent et la hantent, sont issus d’autres objets de recherche poétique. Entr’acte est l’un d’entre eux. L’intermède est précis. Il s’attache au crépuscule, cet état flou et rêveur, avec sa durée qui s’étire, décline et se décline jusqu’au noir. Il devient un motif de plus sur la toile de scène où se projette la recherche conjuguée des deux artistes, à la poursuite des sensations. Corps, images, couleurs sont aspirés par un montage rythmé où le virtuel et la réalité entrent en collision. Là se rejouent certains mystères, avec un peu de magie, une part de mémoire, d’autres parcelles d’imaginaires._IF "


Jardins de la HEAR Strasbourg les 16 et 17 Avril à 20H 20
Dans le cadre du festival Extradanse piloté par Pôle Sud

"Dragging the bone" : Miet Warlop,les pieds dans le plâtre!! Gypsy Girl !


Pénétrez l'antre de Miet Warlop et vous serez édifié sur son degré de douce folie, son amour et désamour d'une matière pas vraiment noble mais qui fait les beaux jours des sculpteurs classiques: le plâtre et sa mythologie: les moules!Dans l'atelier de la sculptrice, des objets hétéroclites s'amoncellent, appelés à un sort pas toujours enviable.
Car si il y a de l'aristocratie à trôner sur scène, sur support, petits valets de chambre ou piédestales, ce n'est pas toujours le rêve.Elle va leur "casser les pieds", casser du plâtre sur leur personnalité et en faire les vestiges d'un vaste chantier de fouilles bientôt désaffecté, sinistré.
Au début est une chorale sur pieds d'objets piqués sur des mottes de terre, comme des visages , bouche ouverte, chantant des psalmodies: chœur à la grecque, chorale à la voix plâtrée, cassée?
Elle passe d'une "tache" à l'autre, s'afférant sur le plateau, entre sceaux, gamelle, table et autres accessoires toujours blanchis, effrités qu'elle va décortiquer, dépecer comme pour ôter la peau du monde, déchirer le voile, manipuler et malaxer, triturer la matière pour l'anéantir, la démolir.
Saccage, blasphème. Sur l'établi, une étrange sculpture à la ElmarTrenkwalder, subit le même sort que les autres: une mise à nue, une dévoration, un massacre des temps! Des visages modelés s'y révèlent à leur désavantage.
Elmar Trenkwalder
Les sculptures s'amoncellent, prennent vie, elle s'y glisse et se métamorphose: trois jambes, deux mains de plâtre qui prolongent ses bras comme des prothèses, jupette qu'elle enfile avec moulte difficulté!Mais elle reste solide, pas vulnérable comme la matière qu'elle traite et maltraite! Un petit tour de coiffage sur une machine à brosser qu'elle invente et la voici qui dévoile son visage jusqu'alors masqué par une dense chevelure qui la protège des regards inquisiteurs et intrusifs!Machine infernale comme les autres!
C'est drôle et pitoyable à la fois, tant elle ressemble à Agripine de Brétecher!
Miet Walop, démolit à satiété un petit monde figé pour le faire vivre une dernière fois: il y aura beaucoup de casse dans ces scènes de ménage, règlement de compte avec ce gypse et ses carrières de plâtre qui firent les beaux jours de la sculpture antique. Dégas des os garanti quand on pense à ce calcaire, calcium, fondement de la charpente humaine, des fondations du corps Les muscles profonds n'ont qu'à se tenir sages, sauf les zygomatiques qui ce soir là travaillèrent beaucoup dans le public du festival Extradanse!
Débris de matière aussi, éclats de rire et de plâtre pour les premiers rangs.Droit au chapitre de cet atelier que Rodin aurait qualifié de paradis: morceaux de corps, moules, sculptures tronquées, essais, brouillons et expérience pour un laboratoire jubilatoire de la création plastique. Sans podium, ni piédestal, voici Miet sur le haut du pavé à scruter l'horizon de la poudre et poussière de perlimpinpin: les artefacts du monde et leur dissolution et émiettement dans l'espace-temps: vanité, j'écris ton nom!


"Curieux déjà le titre : en français “traîner l’os“. Il se réfère à la maquette en bronze d’un foie de mouton. Il est dit de l’étrusque objet qu’il aurait à voir avec la divination. Une aubaine pour Miet Warlop qui prend l’humour très au sérieux et entreprend de rendre à la sculpture sa fonction d’oracle. Vaste projet dévastateur rondement mené par son personnage, une amante aliénée à son désir jusqu’à la transe.

Au croisement des arts visuels et de la scène, Miet Warlop décante son travail. Après l’austère et surréaliste Big Heap/Mountain, puis une fantaisie de style slapstick, Springville, elle a mis au point une série de personnages - objets autonomes, présentés comme des tableaux vivants, lors d’une précédente création remarquée Mystery Magnet. Ce théâtre débordé, remodelé en plateforme précaire, se poursuit dans Dragging the Bone. Démarche d’alchimiste, penchant singulier pour la métamorphose des corps et des objets, la signature visuelle reste forte et l’univers onirique. La jeune artiste belge lie le geste à l’illusion, ciselant ses images jusqu’au moindre détail. _IF "

Au TJP dans le cadre du festival Extradanse piloté par Pôle Sud Les 16 et 17 Avril 21H

mercredi 15 avril 2015

"Pantagruel" : rabelaisien !



"Ce Pantagruel conçu par Benjamin Lazar et Olivier Martin-Salvan, s’empare de la langue de Rabelais comme d’un territoire de liberté et de démesure, à l’image de ce géant qu’est le personnage. « Le rire est thérapeutique » a dit Rabelais. Ce savant amoureux de la langue a choisi l’excès et la figure du géant pour nous renvoyer à la dimension de nos rêves. 


L’appétit de Pantagruel est insatiable. Le metteur en scène Benjamin Lazar nous invite à l’être et à nous mettre à table pour savourer les mots de Rabelais, son humour et son irrévérence, son appétit de savoir, de partage, son désir d’humanismel"



C'est tout dire qu'il "pète" la forme ce" Pantagruel" qui apparaît sur scène, le visage éclairé faiblement par des spots lumineux amplifiant ses traits : ce sont ceux du narrateur, qui a déjà tous les attributs de celui qui sera l'objet central de l'adaptation de Benjamin Laza, ce petit monstre glouton qui sort du ventre de sa mère en compagnie de moultes autres progénitures.
Un signe précurseur de son destin atypique, de son volumineux appétit de vie, de nourriture et de tous désirs charnels!
Olivier Martin Salvan incarne ici un personnage tonitruant, démesuré, avec verve, indécence et humour.
Flatulences, sons de pets acrobatiques et performants, tout est ici au festin, au menu pour donner chair et corps au texte et à la langue de Rabelais. On songe à "Eloge du pet" de    Bernard Cochard avec délice !
La scénographie renforce l'aspect onirique de cet univers de légende, les costumes de paille et de feu, oripeaux et autres guenilles chatoyantes se rient des situations cocasses.
L'acteur Olivier Martin Salvan est ce Pantagruel de Gustave Doré, rondouillard et grassouillet à souhait, agile aussi du corps et du verbe se glissant dans la peau de ce personnage multiple, menaçant autant qu’attendrissant
Deux compères musiciens rythment et accompagnent en complice cette fable rocambolesque avec malice.
Et quand au finale, une marée de méduses s'envolent, dorées et rutilantes pour faire miroiter ce monde généreux et opulent, on y croit à cette pantagruélique performance, festin du verbe, de la lumière et du bon vivre !
Au TNS jusqu'au 25 Avril à Strasbourg

Éloge du pet
Éloge du pet
ou (Anti?) Manuel de dissertation à l'usage des préparationnaires
"Ce que ce livre n'est pas : un éloge paradoxal de ce que vous entendez généralement par “pet” ; une apologie malsaine de la scatologie ; un énième roman français au titre volontairement ésotérique...
Ce que ce livre est: un antimanuel de dissertation pour tout préparationnaire en quête d'une méthode originale et ludique; une critique du formalisme académique français; un pied de nez à la classe intellectuelle dominante...
Aussi, n'ayez pas honte de prendre cet ouvrage sur l'étagère. En classe préparatoire comme en société, le juge, c'est vous." (B. Cochard)