mardi 21 juillet 2015

DANSE DANS LE OFF AVIGNON 2015 HIP HIP épopée! épHOPée !

Le hip-hop a la part belle dans le festival off: danse accessible, simple, ludique, inventive et festive, elle s'empare des lieux de la "danse" comme le Théâtre Golovine qui présente encore deux autres spectacles fort réussis

"ICI ET LA" de la compagnie Daruma :Ah, les filles !

Au bonheur des dames, des demoiselles pour cette création très féminine de la chorégraphe Milène Duhameau: un trio féminin plein de tonus et de poésie qui joue avec la structure et l'architecture de la salle. Appuis, bonds et rebonds, belle technique irréprochable pour un spectacle puissant et bien rythmé. Le mur est en dialogue et soutient leurs évolutions à la verticale, à l'horizontale: construction bien charpentée de trois corps arrimés solidement
Puis tout se défait pour mieux se reconstituer! Le mur partenaire en réclame.
Tenue sport, décontractée, durant 35 minutes, le flux et reflux se répand, ondoie, convainc par la légèreté, la fluidité de la gestuelle, bien incorporée en chacune d'elle!
Et quand au final, chacune invite un spectateur à devenir son partenaire, c'est les enjeux de la vie qui se dessinent et décident de la suite!

"INDEX" de la compagnie Pyramid au Théâtre Golovine : danse à l'index et à l’œil !


Faut-il les montrer du doigt, cette bande de compères, escogriffes, pieds nikelés ou rats de bibliothèque?
Ou les mettre à l'index tant ils font de gaffes, de gags à la Chaplin ou Keaton?
Harold Lloyd veille au grain sur cette tribu cocasse qui oeuvre dans une bibliothèque comme des monte en l'air, l'air de rien
Il leur arrive toutes sortes d'aventures burlesques inspirées du cinéma muet avec beaucoup d'intelligence et de justesse
C'est comique en diable et les livres délivrent leurs secrets de polichinelles avec flegme et insolence, douceur et patience
La place du livre dans notre quotidien les inspire et tout chavire sans cesse à travers le langage hip-hop, mimé où le détournement d'objets du quotidien
Une bouffée d'air frais souffle sur cette bibliothèque où quelques fantômes en enfer pourraient bien surgir des placards!

DANSE DANS LE OFF EN AVIGNON 2015 : jolie cuvée du cinquantenaire !Hip hip hop hourra!


Ça bascule!!!

"ZOOM DADA" c'est le coup de cœur au Collège de la Salle: un petit bijou dadaïste qui n'a rien à envier à "Entracte" de René Clair extrait du "Relâche" de Börlin du temps des ballets suédois!
Deux comédiens -danseurs-hip-hopeur questionnent amoureusement juchés sur un placard les affres du gestes, du mouvement, de la parade. Portraits, cadre transcendé, image triturée au menu de ce festin du burlesque revisité!

Ils sont gais et inventifs, malicieux et sereins, drôles et engagés dans le rire et le sourire comme pas d'eux ! Pas de deux inédits , cocasse en diables ils modifient l'espace très étriqué, agrandissent de leurs regards, l'univers microscopique pour un macrocosme singulier, se jouent des distances et dimentions

Créant des pêle-mêle, meli-melo et pop-up comme une chorégraphie livresque à mourir de rire
Toujours à vif, dans l'instant, les deux compères inventent une danse humoristique sans faille pour petits et grands.La chorégraphie de Stéphane Fortin du théâtre de la Bascule, interprétée par Ilias Mjouti et rafael Smadja relève le défi avec aisance et naturel!
A voir absolument pour dérider les plus septiques lors l'évolution de la mouvance hip_hop.

"LES TROIS SINGES" de la compagnie Par' allèles des frères M'Hanna au théâtre Golovine
Tonic et poétique!

Beaucoup d'invention dans le malaxage du langage hip-hop qui vraiment se lance un défi pour ne ressembler à rien du vocabulaire et glossaire que l'on reconnait à tout vent
Les trois singes sont anges et bêtes ,archanges et animaux de tout poil tant la gestuelle, les regards et la complicité des uns avec les autres opère pour le meilleur!
On admire la virtuosité des trois danseurs dont le brillant Maurin Bretagne et l'on passe une heure à communier avec le charme de la dépense physique de ces athlètes danseurs, artistes d'un langage revisité avecgrace
Un large vent de complicité et de partage souffle sur la compagnie, digne de faire figurer les droits de l'homme en ligne de mire
Les trois singes s'affranchissent des tabous et de l'entrave pour irriguer et rayonner sur scène!

"BOLERO" de la compagnie Chrysalide au Théâtre du Tremplin: dans la spirale du monde!


Un solo en hommage à la figure philosophique et physique de la spirale, celle du danseur, celle de l'univers: une conférence dansée sur la musique "spiralée" du Boléro de Ravel, interprétée par Maurin Bretagne, danseur infatigable! C'est tout à fait réussi et convainquant . Le récit d'un savant fou nous éclaire sur la figure de l'univers la plus énigmatique et qui séduisit plus d'un chorégraphe, Oscar Schlemmer entre autre dans son Ballet Triadique.

La DANSE dans le IN : turbulences multiples!

"JAMAIS ASSEZ" de Fabrice Lambert : toujours plus équitable !


Au gymnase du Lycée Aubanel, rendez_vous avec l'indisciplinaire Fabrice Lambert
Étrange source d inspiration à partir du phénomène d'enfouissement des déchets nucléaires pour le futur dans le site de Onkalo
Déclic pour le chorégraphe, un sujet de taille et de mise en ces périodes de soucis sur l'avenir écologique de notre planète
Effet choc de ce spectacle "équitable" dont l'ambiance très juste de fin du monde dans un épais brouillard opaque nous plonge devant le miroir d'une réalité qui dépasse l'entendement
Question de "terroir" de territoire à l'heure où l'on rit des vestiges des terrils et autres paysages industriels fossilisés!
C'est parfaitement cohérent, instructif sur le devenir de nos corps, de nos déplacements, de notre souffle
De quoi sera fait l'air que l'on respire, que deviendra le "souffle" de vie qui irrigue nos poumons?
Et tout le reste!
De très belles images de champignon nucléaire qui se dilue comme les fumées de Marey dans l'espace: danse sans corps, sans matière pour mieux cacher les restes et déchets, poubelles que jamais de notre siècle!
Une réflexion pertinente, un spectacle où l'on adhère à un propos lucide, fantasmé certes mais dont la dimension incendiaire nous parle à vif!

"MONUMENT O:HANTE PAR LA GUERRE (1913-2013)" de Eszter Salamon : guerre ouverte!


Dans la cour du Lycée St Joseph, la chorégraphe, danseuse et performeuse délivre ses recherches fertiles sur la notion de "monument", pas celle à laquelle on songe: monument de la pensée, réécriture de l'histoire....
Anthropologie singulière que cette galerie de portraits ethniques, des corps et masques se succèdent savamment dessinés, ouvragés, lente monstration de gestes appropriés à cette vision extraordinaire, belle et fantastique de "monstres" singuliers
Effets réussis, atmosphère installée, danses tribales isolées, esseulées comme confinées dans un conservatoire
Plus aucune notion de collectivité jusqu'à ce que la tribu se recompose et que du coup, le charme, l'impact de cette étrangeté disparaisse.Elle entame un discours politique qui ne convainc pas et le rythme s’affaisse, le propos se dilue dans le temps, redondant, répétitif;
Ses outils pour réfléchir sur l'histoire, celle de la danse aussi, sont-ils adaptés à sa volonté de créer d'autres champs de réflexion?
Les corps se meuvent et se racontent. Une scène finale où la camarde fauche les signes des tombes
aurait pu être splendide tant le danseur qui incarne cette figure longue et dégingandée, est fascinant
Mais cela traîne et se répand et la guerre laisse ses lambeaux gésir au sol sans autre forme de résurrection, de rédemption. Seul le silence est agréablement géré et crée de l'espace à ce voyage un peu étriqué.

"LE BAL DU CERCLE" de Fatou Cissé: falbalas et bla-bla.


Au Cloître des Carmes, c'est la fête à Fatou, à la femme, aux femmes, à la palabre, à la bonne humeur
C'est l'agora, le forum de la rencontre : cela se voudrait festif, ludique, partageux, contagieux
On s'attendait au vu de la note d'intention à ce que Fatou Cissé innove dans le "défilé" , le "voguing"
Le lieu du Tanebeer , pratique collective au Sénégal d'un bal excentrique voué à la joie de vivre ensemble, ressemble ici un bien poussif rassemblement de femmes éprises de frou-frou et chiffons, certes fort chatoyants et plein de tarlatane fluorescente
Plus d'une heure durant, c'est une succession de poses, de changements d'atours suspendus à des dressings penderies de rêves de stars un peu chiches.
La vacuité du propos ennuie et submerge: dommage, l'ambiance du bal du cercle n'est pas celle du petit bal perdu!A vos carnets de bal, les rendez-vous ne sont pas inscrits!

SUJETS A VIF Programme C et D : Quatre feuilles au trèfle ne portent pas toujours bonheur!


Dans le jardin de la vierge du lycée St Joseph, une seule pièce émerge,digne du pari toujours subversif de faire se rencontrer des artistes des quatre coins de la création artistique; dans ce second volet des "Sujets à Vif" initiés par la SACD, "ALLONGER LES TOITS" est un puits de bonheur où d’emblée la simple dramaturgie opère: un jeune homme blessé, immobilisé sur un lit ambulant d’hôpital rentre en scène, poussé par un "savant fou" épris de culture, de commentaires et de discours à propos de l'étrangeté du lieu, des arbres et de la situation de cet homme alité
Tandis que l'un expose dans une fébrilité compulsive ses axiomes, l'autre semble mijoter une revanche devant tant d'agitation
Et tout bascule pour laisser place à un changement de rôle pour in fine se clore et se conclure dans l'absurdité de la situation
Frédéric Ferrer y interroge les marges dans cette conférence inspirée par l'étude d'un cas de schizophrénie, alors que Simon Tanguy se meurt de ne pas pouvoir bouger, plâtré, scotché littéralement sur son lit d’hôpital
On est bluffé quand on apprend que l'interprète s'est vraiment accidenté et que tout est vrai dans ce grand leurre.Félicitations pour ce rebondissement dans l'écriture du projet, initialement pas du tout conforme à cette version si drôle, dérisoire et pleine de distance et d'humour sur le cynisme de la vie!

Citons "INTERET POUR QUOI QUE CE SOIT" de Eleanor Bauer et Veli Lehtovaara, pour l'exploration de textes savants selon un abécédaire à l'index bien charpenté, contés lors de glissades sur patins à roulettes
Quant à "ET QUAND LE SOLEIL ETAIT AU ZENITH, UNE VOIX TRANSPERCAIT LE CIEL" de Katia Guedes er Pedro Kadivar, indigente pièce plaquée sur du mutisme feint et une voix ânonnant la habanera vocalise de Ravel, on ferme les yeux
"CONTRECHAMP" fait à peu près le même effet d'agacement: une femme, Kate Moran raconte ses chagrins d'amour alors que son pianiste l'accompagne au doigt et à l’œil: pauvreté du récit de Rebecca Zlotowski et addition obligée de textes, gestes et paroles diluées.

Où est la magie, l'alchimie des rencontres, choc, osmose que l'on a pu découvrir précédemment dans "Le vif du sujet", "Le sujet à vif" et autres expériences délicates, osées, risquées, incongrues?
Il est temps de tourner la page: mais comment et pourquoi?