mardi 21 juillet 2015

La DANSE dans le IN : turbulences multiples!

"JAMAIS ASSEZ" de Fabrice Lambert : toujours plus équitable !


Au gymnase du Lycée Aubanel, rendez_vous avec l'indisciplinaire Fabrice Lambert
Étrange source d inspiration à partir du phénomène d'enfouissement des déchets nucléaires pour le futur dans le site de Onkalo
Déclic pour le chorégraphe, un sujet de taille et de mise en ces périodes de soucis sur l'avenir écologique de notre planète
Effet choc de ce spectacle "équitable" dont l'ambiance très juste de fin du monde dans un épais brouillard opaque nous plonge devant le miroir d'une réalité qui dépasse l'entendement
Question de "terroir" de territoire à l'heure où l'on rit des vestiges des terrils et autres paysages industriels fossilisés!
C'est parfaitement cohérent, instructif sur le devenir de nos corps, de nos déplacements, de notre souffle
De quoi sera fait l'air que l'on respire, que deviendra le "souffle" de vie qui irrigue nos poumons?
Et tout le reste!
De très belles images de champignon nucléaire qui se dilue comme les fumées de Marey dans l'espace: danse sans corps, sans matière pour mieux cacher les restes et déchets, poubelles que jamais de notre siècle!
Une réflexion pertinente, un spectacle où l'on adhère à un propos lucide, fantasmé certes mais dont la dimension incendiaire nous parle à vif!

"MONUMENT O:HANTE PAR LA GUERRE (1913-2013)" de Eszter Salamon : guerre ouverte!


Dans la cour du Lycée St Joseph, la chorégraphe, danseuse et performeuse délivre ses recherches fertiles sur la notion de "monument", pas celle à laquelle on songe: monument de la pensée, réécriture de l'histoire....
Anthropologie singulière que cette galerie de portraits ethniques, des corps et masques se succèdent savamment dessinés, ouvragés, lente monstration de gestes appropriés à cette vision extraordinaire, belle et fantastique de "monstres" singuliers
Effets réussis, atmosphère installée, danses tribales isolées, esseulées comme confinées dans un conservatoire
Plus aucune notion de collectivité jusqu'à ce que la tribu se recompose et que du coup, le charme, l'impact de cette étrangeté disparaisse.Elle entame un discours politique qui ne convainc pas et le rythme s’affaisse, le propos se dilue dans le temps, redondant, répétitif;
Ses outils pour réfléchir sur l'histoire, celle de la danse aussi, sont-ils adaptés à sa volonté de créer d'autres champs de réflexion?
Les corps se meuvent et se racontent. Une scène finale où la camarde fauche les signes des tombes
aurait pu être splendide tant le danseur qui incarne cette figure longue et dégingandée, est fascinant
Mais cela traîne et se répand et la guerre laisse ses lambeaux gésir au sol sans autre forme de résurrection, de rédemption. Seul le silence est agréablement géré et crée de l'espace à ce voyage un peu étriqué.

"LE BAL DU CERCLE" de Fatou Cissé: falbalas et bla-bla.


Au Cloître des Carmes, c'est la fête à Fatou, à la femme, aux femmes, à la palabre, à la bonne humeur
C'est l'agora, le forum de la rencontre : cela se voudrait festif, ludique, partageux, contagieux
On s'attendait au vu de la note d'intention à ce que Fatou Cissé innove dans le "défilé" , le "voguing"
Le lieu du Tanebeer , pratique collective au Sénégal d'un bal excentrique voué à la joie de vivre ensemble, ressemble ici un bien poussif rassemblement de femmes éprises de frou-frou et chiffons, certes fort chatoyants et plein de tarlatane fluorescente
Plus d'une heure durant, c'est une succession de poses, de changements d'atours suspendus à des dressings penderies de rêves de stars un peu chiches.
La vacuité du propos ennuie et submerge: dommage, l'ambiance du bal du cercle n'est pas celle du petit bal perdu!A vos carnets de bal, les rendez-vous ne sont pas inscrits!

SUJETS A VIF Programme C et D : Quatre feuilles au trèfle ne portent pas toujours bonheur!


Dans le jardin de la vierge du lycée St Joseph, une seule pièce émerge,digne du pari toujours subversif de faire se rencontrer des artistes des quatre coins de la création artistique; dans ce second volet des "Sujets à Vif" initiés par la SACD, "ALLONGER LES TOITS" est un puits de bonheur où d’emblée la simple dramaturgie opère: un jeune homme blessé, immobilisé sur un lit ambulant d’hôpital rentre en scène, poussé par un "savant fou" épris de culture, de commentaires et de discours à propos de l'étrangeté du lieu, des arbres et de la situation de cet homme alité
Tandis que l'un expose dans une fébrilité compulsive ses axiomes, l'autre semble mijoter une revanche devant tant d'agitation
Et tout bascule pour laisser place à un changement de rôle pour in fine se clore et se conclure dans l'absurdité de la situation
Frédéric Ferrer y interroge les marges dans cette conférence inspirée par l'étude d'un cas de schizophrénie, alors que Simon Tanguy se meurt de ne pas pouvoir bouger, plâtré, scotché littéralement sur son lit d’hôpital
On est bluffé quand on apprend que l'interprète s'est vraiment accidenté et que tout est vrai dans ce grand leurre.Félicitations pour ce rebondissement dans l'écriture du projet, initialement pas du tout conforme à cette version si drôle, dérisoire et pleine de distance et d'humour sur le cynisme de la vie!

Citons "INTERET POUR QUOI QUE CE SOIT" de Eleanor Bauer et Veli Lehtovaara, pour l'exploration de textes savants selon un abécédaire à l'index bien charpenté, contés lors de glissades sur patins à roulettes
Quant à "ET QUAND LE SOLEIL ETAIT AU ZENITH, UNE VOIX TRANSPERCAIT LE CIEL" de Katia Guedes er Pedro Kadivar, indigente pièce plaquée sur du mutisme feint et une voix ânonnant la habanera vocalise de Ravel, on ferme les yeux
"CONTRECHAMP" fait à peu près le même effet d'agacement: une femme, Kate Moran raconte ses chagrins d'amour alors que son pianiste l'accompagne au doigt et à l’œil: pauvreté du récit de Rebecca Zlotowski et addition obligée de textes, gestes et paroles diluées.

Où est la magie, l'alchimie des rencontres, choc, osmose que l'on a pu découvrir précédemment dans "Le vif du sujet", "Le sujet à vif" et autres expériences délicates, osées, risquées, incongrues?
Il est temps de tourner la page: mais comment et pourquoi?




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