lundi 20 juillet 2015

A Avignon s' invente le texte- danse, le corps-texte avec "Retour à Berratham" d'Angelin Preljocaj


"Osez rencontrer ceux qu'on admire", leur écrire, prendre le téléphone et créer les plus fortes rencontres, celles que l'on désire!
Angelin Preljocaj sait écouter ses intuitions, suivre son fil d'Ariane qui se déroule au gré du temps et de l'espace comme le chemin non balisé des sentiers les plus surprenants
Seconde rencontre avec l'écrivain Laurent Mauvignier, première "fréquentation" avec le plasticien, sculpteur Adel Abdessemed et voilà qu'opère l'alchimie des disciplines.
"Étonnez-moi" disait Diaghilev à Cocteau au temps des "Ballets Russes" si contemporains aux yeux d'Angelin Preljocaj !Et naissait "Parade" en 1917....................



Une commande: un texte qui transpire le corps, le rythme, un texte musical pour la danse dans la Cour d'Honneur du Palais des Papes d'Avignon! C'est le pari du chorégraphe, celui de faire raconter aux corps la musique des mots, le rythme de la syntaxe, de distiller sons et résonances à travers les corps des danseurs. Pas de littérature au service du sens, unique, mais un opéra, "tragédie épique" avec tous les paradoxes contenus dans les genres ainsi évoqués.
Et pourquoi pas?
Pincez-moi, je rêve: le spectacle est là, existe, vibre dans une scénographie évoquant le désastre d'une guerre achevée, carrosseries de voitures renversées, carbonisées, sacs poubelles noirs, remplis des horreurs des conflits, boites de pandore de la barbarie humaine
Grillages amovibles, à claire voie cependant pour laisser pénétrer ou passer une lueur, un espoir d'espace à investir à travers les mailles des filets.
Juchés sur ces grilles, deux comédiens, une comédienne qui se trahit vite danseuse, entament la narration: une histoire, celle de Katia, femme, amante, danseuse de la vie qui ne s'est pas arrêtée ici pour autant.


Un récit épique, pas un monologue pour autant, un conte d'aujourd'hui va se matérialiser sans paraphrase deux heures durant dans la nuit, au creux des murailles du Palais.
La magie opère, sereine, corps et textes fusionnent sans se heurter: ils s'accompagnent, cheminent, racontent d'autres choses que le contenu , le sens des mots
D'autres images sont ainsi suggérées : jamais illustratives, toujours sensibles, décalées parfois.
Ils dansent, les autres, ceux qui font partie du voyage, engagés, jubilant dans une scène hypnotique et tournoyante du "mariage": costumes quasi issus du folklore balkanique ou d'ailleurs.
Berratham existe, ce coin de monde est là dans notre imaginaire, nommé, de chair et de géographie.
De strates, de matière, de terre, de sensualité
Et l'on se régale des plus beaux portés, emportée, ravissement des corps portés aux nues, duos amoureux dignes de la griffe d'Angelin Preljocaj.......Aériens, érotiques, pudiques, insensés, hors gravité et pesanteur.On songe à "Noces" dans l'oeuvre de Preljocaj quand les corps exultent, s'envolent aux nues.


Les voix s'élèvent, les corps se tendent, le chorus opère au plus profond des muscles, les interprètes jouissent de matière noble et pétrissent texte, gestes et espace avec foi et engagement
Saluons ici la noble modestie du chorégraphe, engagé, responsable et auteur d'une danse qu'il ne tient qu'à lui de toujours développer dans les plis et replis de la conscience.
La danse est un art de combat, la scène est le lieu de cette confrontation entre rêve et réalité tangible de l'indicible. Larmes blanches, peurs bleues...........
La part des anges lui appartient, elle s'élève au dessus des limbes du Palais dans des lumières crépusculaires, dans des échos dignes de la déesse de la disparition, Echo, celle qui danse l'absence, emplit l'espace d'empreintes suaves des fantaisies de Terpsichore.

"Retour à Berratham" à Avignon Cour d'Honneur du Palais des Papes 22H jusqu'au 25 Juillet

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