jeudi 23 juillet 2015

"Panpan sur le "Tutu" à Avinon le off !

    Au collège de la salle


Panpan sur le "TUTU" à Avignon! Tarlatane en feu!

Haro sur le tutu, feu la tarlatane avec Philippe Lafeuille pour les Chicos Mambo!
Un spectacle désopilant et fort intelligent sur les déboires du "tutu", ce costume emblématique de la danse romantique, classique par excellence!

"Le costume le plus pornographique" selon Maurice Béjart!
Eh bien ici pas de vulgarité, pas de travestissement outrageux pour évoquer avec six danseurs très performants, des univers fort variés, qui se rapprocheraient de l'utilisation de ce prestigieux costume.
Des références et citations multiples, du quatuor du "Lac des cygnes" à l'univers de Pina Bausch, tout y passe au crible et au peigne fin dans un langage chorégraphique jubilatoire, précis et très cohérent.
De l'humour, de l'audace, du toupet aussi pour faire vibrer tout un chacun, du premier au troisième degré de lecture.

Tutu couche culotte, tutu classique pour un pas de deux où par magie la danseuse soliste ou le porteur sont manipulés par des marionnettistes en noir, dissimulés pour le simulacre de figures improbables et irréalisables, décalées!Défi à la pesanteur!

Tutus robes à la Pina, tutu canards: quelle régalade, quel déferlement d'imagination!
On se régale en croyant y croiser "les bourgeois de calais" en posture, la danse de l'opéra garnier de Carpeaux et bien d'autres images qui surgissent!

Les costumes sont fringants, drôles et très avantageux: dans la séquence de la danse des canards, quatuor déboussolant, dans l'évocation des robes de Pina, avec nos danseurs emperruqués de longues chevelures aux allures flottantes...Bravo pour ce divertissement qui enchante petits et grands, intellos ou néophites avec justesse, délicatesse et doigtée!

Chic on y retournerait bien !


L'HOMME QUI PLANTAIT DES ARBRES : lecture en "temps réel", du fait "maison" !

D'après l'œuvre de Jean Giono (éditions Gallimard), par la Cie Le Bruit qu’ça coûte avec Luc Schillinger (comédien). Dessin Laurent Kohler, conception et musique Philippe Aubry.
Une adaptation atypique de la nouvelle L'homme qui plantait des arbres de Jean Giono. Un comédien, un dessinateur et un musicien plongent les spectateurs au cœur de cette œuvre majeure et parlent de cet humble berger qui va modifier son environnement pour en augmenter les bienfaits.

Une bien belle adaptation qui rayonne à la fois d'inventivité, de sobriété
Tout se fabrique en direct, en temps réel sur le plateau: c'est du fait maison, du théâtre du marché, selon les humeurs des protagonistes, de la cuisine inventive, moléculaire, fusion. 
 Ils sont trois à se partager la scène 50 minutes durant: un graphiste, dessinateur, "croqueur" de texte, un comédien, conteur, récitant et un musicien "bidouilleur" de bruits, de sons, de musique
Ensemble, ils vont créer un univers, une atmosphère alors que Luc Schillinger, déroule le texte, comédien inspiré, sobre, sans manière pour servir un texte lumineux, très d'actualité, équitable, écologique avant l'heure
On songe au film de Werner Herzog sur le photographe Sébastiao Salgado qui fit revivre sa forêt équatoriale en "plantant" des arbres, à Beuys aussi et ses "mille chênes"!

Un son végétal

Un dispositif, comme un établi pour Philippe Aubry, alchimiste du son qui se joue de petits accessoires vibrants, volants pour créer des sons voisins des craquements de bois, des envols et souffles de feuilles: tout un environnement sonore évocateur, fertile qui produit une atmosphère végétale inouïe. Musiques de "table", artisan du son, fabricant d'instruments de bric et broc forts savants!

Un graphisme en direct, à croquer




Et sous les doigts de Laurent Kohler, se dessinent des paysages du midi, de Provence, des arbres, un arbre, de noir et blanc, de couleurs bleue comme le ciel
C'est beau, en "live", il dessine et les icones sont projetées en direct sur un écran
On a envie de les revoir à la fin du spectacle, comme des témoins d'une histoire vécue
C'est le texte de Giono qui est le modèle et le peintre entretient une belle complicité dans ses "poses" vivantes, végétales comme un herbier, un arboretum vivant!

Un homme qui songe et conte ses "racines"

Luc Schillinger apparaît d'abord en ombre chinoise derrière l'écran, puis se délivre au regard, texte "en bouche" pour une mise en appétit de belle littérature provençale
Il révèle les mots, fait sourdre leurs couleurs et sonorités et rejoint alors ses compères pour un joli métissage des genres
Un genre théâtral hybride pour cette lecture foissonnante, résonnante et calligraphiée comme une partition, une chorégraphie textuelle et plastique, sonore en diable
La danse des mots ne cessera au final que par la belle échappée de Philippe Aubry au saxophone: comme une voie, comme une étincelle mélodique, comme un souffle de léger mistral sur ces beaux paysages livresques et picturaux!

Au TAPS Scala le mardi 21 Juillet 20H 30 dans le cadre de l'Eté culturel de Strasbourg

"Un grand merci pour ce que vous écrivez de notre spectacle. C'était une belle aventure sensible en trio . Nous aimerions bien sûr beaucoup le reprendre, mais c'est si difficile parfois... Votre sentiment , écrit noir sur blanc, nous aidera sans doute!...

A titre personnel, en tant qu’interprète du spectacle, j'ai la conviction que le très fin travail d'adaptation du texte par Philippe Aubry apporte une belle  nécessité à l'ensemble:

Il a créé de petites ellipses, n'a pas retenu certaines redites ....le texte, du coup, est  actif de bout en bout,dans une belle urgence, sans les notes un peu trop "familières" parfois, ou comme" explicatives".(j'ai relu le texte complet hier soir, pas fait depuis des lustres!)

Cette fine adaptation, au bénéfice de l'acteur, structure toutes les" formes" du spectacle, je trouve..."

de Luc Schillinger le 22 JUILLET 2015

mercredi 22 juillet 2015

YVANN ALEXANDRE: florilège pour Avignon off



« 3 Temps » et « Les Solis noirs » de la compagnie Yvann Alexandre au Grenier à Sel et à La Condition des Soies

Petites formes en « grande forme »
Belle surprise que de retrouver le chorégraphe au sein du off avec une opportunité de redécouvrir un langage éclairé sur les corps en mouvement.

Deux temps pour savourer une danse plurielle, écrite pour chaque interprète en de forts beaux solos, duo et ensembles fortement architecturés et façonnés en haute couture chorégraphique
Dans  « 3 Temps », 3 petites formes extraites de pièces plus longues laissent percevoir des phrasés fluides, une danse vive et inspirée des corps, morphologie et sculptures de la chair à triturer. Trois paysages sensuels, amoureux ou ludiques qui  se dévoilent en perspective, se répondent et tissent sur de très pertinents choix musicaux, une danse singulière, poétique.
« Les solis nois » à la condition des soies sont imprégnés du lieu, mur de pierre, étroitesse du plateau, petit matin


Les mains maculées de noir chacun laisse son empreinte dans l’espace, sans laisser de trace au sol, hormis à un instant où l’on s’aperçoit qu’aucun appui n’a été source de rebond.L'espace inspire la relation au sol pourtant et le miracle opère dans une contrainte à peine dessinée, lisible.Les visages aussi se maculeront de ce noir, témoignage de quelque trace néfaste, inquiétante......
C’est magique et lorsqu’ apparaît Christian Bourigault pour un solo final, taillé sur mesure, c’est toute l’histoire des sources du geste contemporain qui affleure et rappelle qu’on ne vient pas de nulle part !
Allure longiligne, port de tête altier, saveur du geste immaculé pour cet homme qui danse, griffé par la patte et la signature de Yvann Alexandre.Personnage vierge de noir, il apparaît comme un ange, un berger salvateur qui ne tentera qu'en vain de reproduire "la faute" noire sur son visage et envers l'autre! Sauveur très pasolinien que cette figure angevine! Rédemption finale, rémission des empreintes, salut par la danse et le geste qui laissent un gout de sacré dans les pensées très philosophiques ainsi générées!
 Beau programme, panorama incitant à découvrir plus en amont la recherche fertile d’un homme de strates qui fait sourdre les gestes du plus profond des corps et laisse sa patte noire imprimer de beaux « souvenirs » dans nos pensées dansantes !