dimanche 4 octobre 2015

MUSICA 2015 : rideau ! Fin de partitions!


Dernières étapes avant "fermeture" et pour que l'on ait bien le "spleen", le "bourdon" et le "blues", deux concerts, de l'intimiste duo Marina Chiche et son violon, accompagnée par Florent Boffard au piano, au gigantesque orchestre symphonique de la Radio de Cologne, le grand écart !
Ce qui les relie? Boulez st le cordon ombilical du concert, adage entre les deux virtuoses de leurs instruments: Marina Chiche avec son archer , vif argent, volubile, futile instrument pour caresser, frôler les cordes tendues dans "Fantaisie opus 49" de Schonberg;Dans le "Anthèmes" de Boulez écrit en 1991, dans un tournant de sa réflexion sur la composition: morceau "virtuose" de l'aveu de l'artiste interprète au toucher de velours.

Les "Vier Stucke fur Violine und Klavier Opus 7" de Webern, datés de 1910 laissent rêveur, et la "Troisième Sonate" de Boulez de 1955 fait aussi l'objet d'une introduction de l'interprète pianiste pour exposer l'étrangeté de ce morceau rigoureux, sévère et aride ! En toute modestie, il nous confie quelques clefs de lecture.
Pour clore ces isteants de grace, Debussy et sa surprenante "Sonate pour violon et piano en sol mineur" de 1916: un siècle nous sépare et pourtant, en germe, toute la modernité et la surprise d'une écriture savante, virtuose qui donne l'occasion à notre "couple" d'artistes d'exprimer connivence, complicité et résonance à leur art de s'emparer d'une musique complexe mais si brillante.

L'ORCHESTRE SYMPHONIQUE de la Radio de Cologne
En concert de clôture, à l'apogée du festival, c'est au gigantisme de l'Orchestre dirigé par Peter Rundel, que l'on confronte l'écoute de "Tableau" d'Elmut Lachenmann de 1988, les "Réflecions/Reflets" de Tristan Murail de 2013 et "MACCHINE IN ECHO" de Lucas Francesconi de 2015
Régal de musique orchestrale où le moindre détail s'écoute, se repère et quand les deux pianos de la dernière pièce magnifient les rôles de solistes au chœur de l'orchestre, on est conquis!
Séduits aussi par le duo de pianos de notre fidèle GrauSchumacher Piano Duo dans "ptyx" de Hanspeter Kyburz de 2015: étroite complicité du bout des deux pianos à queue en quinconce, musique en écho, réverbération pour ces deux géants du clavier!


Salle comble, parterre de fidèles "auditeurs" avertis, éclairés du festival, judicieusement "bouleversés" et "troublés" par une édition 2015 du festival, dantesque en diable
Un seul bémol: justement "le paradis perdu" de Arvo Part, cette soirée où l'enfer était proche pour amateur de simplicité, de vérité musicale et de cinéma.

A bientôt, 23 Septembre 2016, on a bien noté dans nos carnets de bal: on a choisit comme "cavalier du feu" l'équipe de Jean Dominique Marco, le Marco Polo de la découverte des continents musicaux, l'explorateur infatigable de la création contemporaine!
Et l'on gardera en collector le programme-guide, véritable catalogue visuel de l'oeuvre de Frantisek Zvardon !




samedi 3 octobre 2015

"Jeunes Talents": Académie de Composition, Philippe Manoury:des révélations prometteuses.


C'est un grand jour, celui des révélations des prix de l'Académie de Composition dirigée par Philippe Manoury et Hanspeter Kyburz et interprétés par les ensembles Accroche Note et Linéa, partenaires du projet!
On s'affère Salle de la Bourse pour cette remise des prix et audition en avant-première des œuvres des auteurs compositeurs, heureux élus, parrainés par Musica, porteur de nouveaux talents, de prospective, d'avenir immédiat pour la création contemporaine.
Belle et généreuse initiative, ambitieuse, réaliste, concrète."Pas de compétition, ni de concours, mais un travail collectif" confie Manoury, animateur et pédagogue hors pair!
"Primavera" de Michelle Agnès Magalhaes inaugure le concert, interprété par L'Accroche Note
La jeune compositrice parle de jardin, de graines, de latence, de floraison, de petites sonorités pour évoquer son monde, inspiré par la chanson populaire brésilienne
Au tour de Françoise Kubler de faire sienne cette langue musicale en résonance.Percussions des lèvres, piqués, sons interrompus, trilles ou tenues, vrilles...Puis chuchotements et ricochets par petits souffles, elle susurre, miaule, jodle à l'envie!Chuintements et musique à l'unisson.
Roberto Fausti succède à cette oeuvre très aboutie avec son "Trio" pour clarinette, violoncelle et piano? une musique virtuose avec accidents intentionnels, sans dramaturgie, en taches de couleurs, phrasé musical où le piano semble "dénoter", prisonnier de ses timbres Musique parfois furieuse, bruissante et onirique
Ricardo Eizirik offre, lui, son bric à brac, grand bazar d'appareils incongrus, objets de récupération: musique équitable?
A la Depoutot ou Tinguely, la scène devient sculpture musicale et tout un monde sonore en surgit: c'est "junkyard étude", une déchetterie où l'on ne triE pas les déchets mais les apprivoise et dompte en instruments sonores, à la Devos, le cown musical, bidouilleur d'instruments. A côté les instruments nobles font bon ménage: la mécanique, la machine est reine, les automates aussi dans un savant mouvement d'horlogerie.Usine à déverser le son, engrenages décalés, tuyaux sonres, boites de conserve, bris de verre, tout semble bon pour notre compositeur à la Cage.La récupération lui sied à merveille et sa "décharge" est un paradis pour bricoleur et chineur de sons hétéroclites!
Amadéus Julian Regucera avec "OPHELIA.Her heart is a clock" rassemble l'ensemble Linéa et dix interprètes sous la direction de Jean-Philippe Wurtz.
Oeuvre déployée en deux mouvements, inspirée d'un "Hamlet Machine" avec bruits et dramaturgie à l'appui.
Chaos, silences s’enchaînent en contraste, rupture tectonique, pour se fondre en berceuse contemplative, comme un coup de théâtre, un changement de situation
Echos de musique, bruitages, frissons et moments d'effroi
Des voix y bruissent, murmurent et s'éteignent, disparaissent en chuchotements.
C'est à Amadéus que Musica et son Académie "Rohan" (et pourquoi pas comme "médicis") in fine confie une commande pour l'édition 2016 !
Beau concert en prise direct avec le festival pour ces jeunes pousses immergées trois semaines durant dans le monde de la création musicale:revoir sa copie, accepter la critique, gommer, pour mieux naître à soi-même, savoir quel compositeur on est et où l'on va, accompagné par les plus grands et plus modestes artistes!




"Jeunes talents scènes TNS IRCAM et "Berlin, symphonie d'une grande ville" à MUSICA: on n'arrête pas le progrès!


Le TNS et l'IRCAM, pour cette quatrième étape de "jeunes talents 2015", avec le Conservatoire et l'Académie supérieure de musique de Strasbourg/ HEAR, explorent les relations entre musique et espace, sonore et scénographique
Trois projets sont présentés dont deux collaborations entre jeunes compositeurs et élèves de l'école du TNS;Le tout sous la direction d'Armand Angster et son "ensemble de musique contemporaine", la mise en scène, dramaturgie, scénographie assurée par les élèves du groupe 42 de l'école du TNS.


"Apopheniia" de Andréa Mancianti pour démarrer ce programme alléchant:pièce de théâtre musical où un personnage, fantoche animateur radio, conte les aventures des présidents de la république, Lincoln et Kennedy, comme un Léon Zitrone bien pensant
Aux prises avec un environnement musical électronique et deux compères dissimulés derrière un rideau opaque, il se débat, pantin en proie à de vives secousses telluriques verbales
Aperghis veille sur cette pièce théâtrale en diable où l'atmosphère rehaussée par clarinette basse, percussions et contrebasse se campe et ordonne un joyeux délire contenu.

"Karukinka" de Francisco Alvarado, en création mondiale pour continuer le voyage au coeur du théâtre musical: l'histoire d'un peuple précolombien ici conté par la voix de Ludmila Schwartzwalder, flûte, alto, percussions et une scénographie graphique rappellent l'esthétique des sculptures musicales de Peter Vogel: comme un attirail de réseau électronique, comme un tableau de méandres graphiques ou un environnement de sculptures lumineuses de Nicolas Schoeffer.Comme une partition chorégraphique, Laban notation affichée en fond de scène

Une nouvelle oeuvre de Mayu Hirano,"Singularité"également en création mondiale clot ce début de soirée salle Koltès au TNS, pour accordéon, quatuor à cordes et vidéo
Des instants musicaux sans fin, une éternité qui s'étire au son de l'accordéon et une apesanteur évoquée par un remarquable travail vidéographique de Renaud Rubiano: vagues, fluidité, flocons futiles, espaces lumineux gracieux, volatiles qui épousent cette musique proche de la sculpture sonique, lumineuse en temps réel sous un jeu de miroirs troublant, déstabilisant
Très belle scénographie, efficace, innovante et issue d'n imaginaire spirituel très musical, en phase avec la musique suspendue et planante de Hirano!





"BERLIN, symphonie d'une grande ville": un ciné concert à partir du film muet de Walter Ruttmann de 1927 sur une musique de Edmund Meisel, interprétée par l'Orchestre Philarmonique de Strasbourg, dirigé par Frank Strobel



Quand on découvre Berlin, immergé dans le rythme d'un train qui va entrer en gare, on songe aux films expérimentaux deu futurisme italien, ou d'un "Ballet mécanique" de Fernand Léger!
Symphonique d'un montage d'images fulgurantes, de passages, de lignes, de tectonique de machinerie, de ponts et architectures de ville: ce film est un témoignage à lui seul d'une époque, d'un style architectural et environnemental que plus d'un cabinet d'architectes revendiquerait comme "patrimoine" et mémoire du bâtit urbain.
Dynamique, éloge de la modernité, de la mécanique, du robot aussi tant le montage des plans en noir et blanc est vif, rythmé, rehaussé par la musique de Meisel
Ode à la modernité, à l'inhumain dans les deux premiers actes; puis tout s'humanise, les espaces s'ouvrent, portes et fenêtres, les rues s'animent, les volets des boutiques révèlent leur secret, les rideaux roulants des secrétaires, s'animent
Joyeux orchestre visuel, monde d'objets animé
Puis c'est la foule qui vient perturbé ce monde de mannequins, ces rues encore vides à potron-minet
La foule !Quel délice graphique, quel humour aussi et quelle vérité dans ce portrait de "ville symphonique" que l'Orchestre Philarmonique de Strasbourg, en "petite forme réduite" mais "grande forme" musicale, double, devance, freine avec tact et précision, opportunité et pertinence!


On n'arrête pas le progrès dans ces "lumières de la ville" dans cette mécanique infernale sans cesse en activité fébrile.Les "temps modernes" sont proches!On en sort galvanisé, encore au rythme du cabaret, des lumières , des automobiles, de train, de tout ce qui "bouge" dans une frénésie contagieuse: célébration du moderne, de la machine, des hommes au timing compté, robotisé, voici un film expérimental édifiant sur le mode de communication informative, proche d'une propagande sur le fil: 1927....Pas innocente cette date où tout va basculer dans l'euphorie d'une folie de l'absurde, du délire incontrôlé des techniques et pensées mal interprétées........