jeudi 26 novembre 2015

"Forbidden di Sporgersi" : Meunier, Monsieur Bricolage.


De l'eau à son moulin
"La belle meunière"est de retour avec sa verve, son burlesque et sa poésie!
Cette fois, Pierre Meunier, clown-comédien bien connu remet la main à la pâte sur un texte de l'auteure autiste Babouillec bricolé en compagnie de Marguerite Bordat, et fait fi de la bienséance avec malice, fougue et impertinence


"Algorithme éponyme" est prétexte à pulvériser les normes et franchir les frontières de la bienséance et des conventions.Alors, si tout cela était vrai,on serait dans l'atelier de confection de plaques géantes de plexiglas à se dissimuler derrière pour déformer son corps et la perception de celui-ci par le spectateur
Si tout cela n'était pas de l'artefact, nous serions en présence de quatre escogriffes bien déjantés, comédiens, musiciens, équilibristes pour le meilleur d'un singulier voyage au pays des objets non identifiés
Inspirés par les matières, le vent comme cette machine étrange, qui en ôtant ses voiles transparents qui flottent au vent, révèle une horde de ventilateurs bruissants, sonores.
Sculpture trouvée, comme certaines œuvres d'art contemporain, elle sème la zizanie, la confusion
Comme un dragon chinois de Nouvel An, une bande de sécurité de chantier, rouge et blanche tournoie dans l'air en spirale, une machinerie, chaufferie ou centrale électrique sur roulette fait le noir et l'obscurité se fait reine sur le plateau, le temps de réparer la fausse panne!
Bricoleurs en diable, manipulateurs d'objets de tout poil, les protagonistes s'en donnent à cœur joie pour construire un monde hétéroclite, en chantier, en révolte, en ébullition
La musique live à la guitare électrique de Jean-François Pauvros insuffle à cette maisonnée du brut de coffrage et du délire absurde! Tout bouge, vacille comme cette équilibriste sur ces tubes d'acier qui grimpe aux cimes, manipulées par les ficelles de ses compagnons, aux aguets, en phase avec le risque et le danger qui hante le plateau comme au cirque
Un cirque bien frontal où les embûches, les handicaps sont franchis haut la main, comme le pseudo handicap mental de l'auteure dont ces fous doux dingues se sont inspirées: si lointains, si proches de son univers décalé, incommunicable mais bien filtré par l'imaginaire débordant de "La belle meunière"
Ce soir là à Strasbourg, au TJP, la troupe s'était transformée en "Belle Strasbourgeoise" pour inventer une caverne d'Ali Baba digne des machines de Tinguely ou Daniel Depoutot.

Folie douce, désordre et charivari pour une ode à la pensée fulgurante de Babouillec, dadaïste et oulipienne en diable! Chantier très plastique aussi, plein de matières et de lumières, de constructions et déconstruction insolites et absurdes!


"Forbidden Sorgersi"au TJP jusqu'au 27 Novembre

mercredi 25 novembre 2015

"Murs": Mehdi Meddaci murmure : banlieues je vous aime.

Reda Kateb danseur

Médhi Meddaci, hors les murs, en passe muraille franchit les frontières d'un métissage galvaudé
Il nous révèle lors d'une installation vidéo très singulière, son univers citadin, spatio-temporel des banlieues, des paysages en friche, des ponts suspendus au dessus des gares.
Cinq écrans, mensuration toile de cinéma déploient des images mouvantes qui se répondent, se traversent, s'enchainent comme lors de prises de vue photographiques à la chaine
Atmosphères urbaines sur le pont du Département, à Stalingrad à Paris, quartier Auberviliers.
Des hommes, des femmes, en exil traversent les grillages bleus, comme un ciel précurseur de rédemption.

Ils voguent, naviguent, chutent au ralenti dans une grande sensualité des gestes suspendus à l'espoir, au désir, à l'envie
On songe aux "Chutes" de Denis Darzacq et ses hip-hopeurs en apesanteur, sauts à l'horizntale comme chez Wim Vandekeybus

Ballet de rue, portrait en pied d'habitants modèles des banlieues parisiennes ou de villes et ports méditerranéens
Palabre, au pied des quais portuaires, des hlm alignés comme des tranches de cake, des architectures spécifiques aux ghettos des banlieues des années 1970.
Et quand une pluie de poissons rouges dégouline de ces murailles, c'est tout une poésie du ralenti, scintillant, aqueux, rendu possible par le truchement du slow motion filmique
Installation gigantesque dans le grand hall du Maillon Wacken à Strasbourg pour mieux s'immerger dans cet univers de science fiction civile où l'on découvre un Reda Kateb, danseur de rue, sur le pont près du 104 rue d'Aubervilliers, jeune, mobile aux mouvements fluides, épousant l'espace prometteur d'une liberté rêvée

Ce dispositif immerge le spectateur dans la vie de la cité, et se déguste lentement, au rythme des images qui se glissent d'un écran à l'autre
Univers très chorégraphique au phrasé mesuré, découpé comme des séquences de jeu, de danse et de chutes où les corps se déposent lentement au sol comme des trésors au tombeau.
Une réalisation fort impliquée dans une rêverie imaginaire portée par des scènes de séquences cinématographiques

Méhdi Meddaci, auteur et performeur d'images, inventeur d'un discours esthétique sur l'exil, très affirmé et convaincant.
Esprit des lieux, topique des vies colorées de ces personnages anonymes qui traversent l'espace de la toile d'électrons libres lâchés dans l'espace urbain
Mur mures que Agnès Varda n'aurait pas reniés, chutes au ralenti que Robert Cahen ou Bill Viola se reconnaîtraient volontiers!


"Murs"au Maillon Wacken à Strasbourg jusqu'au 12 Décembre
En coréalisation avec La Chambre

"En avant, marche!": martial et en fanfare ! Enfants phares !


Quand De NTGent, les ballets C de la B, Frank Van Laecke, Alain Platel et Steven Prengels font bataillon, on imagine bien que cela ira tambour battant !

Et chose faite avec "En avant, marche" qui ne laisse aucune place à la concession, ni aux conventions.
Enfants, phares de la comédie et du burlesque voici nos créateurs réunis autour de la thématique de la fanfare, celle qui réunit, majorettes, trombones, musiciens et uniformes à tout vent!
C'est peu dire de l'ambiance qui règne sur le plateau, charivari tonitruant, caucasse et burlesque.
Mais aussi poésie et tendresse des destins qui se croisent à l'intérieur de ce microcosme festif et nostalgique!

Un vieil homme habite le plateau, bretelles et pantalon au poing, il s'exerce aux cymbales et ponctue la bande son d'un vieux poste de radio : nostalgie d'un bon vieux temps? Et comme dans un rêve, apparaissent les membres d'une fanfare retrouvée, ressuscitée Sur le pan de mur du fond de scène, des fenêtres comme un calendrier de l'avant, dévoilent une majorette sur deux niveaux: tête au premier étage et jambes au second comme dans un "méli-mélo": burlesque et croquant à souhait!
Des chaises, beaucoup de chaises pour asseoir ce petit monde qui ne manque pas de souffle pour interpréter une musique foraine, martiale, entraînante, galvanisante.
Un danseur virtuose se glisse dans la partie ,devient le compagnon de route de notre vieil homme qui s'égosille à parler toutes les langue, sà chanter du Verdi. En vain il ne parviendra pas malgré ses approches, enlacements , portés vertigineux à séduire notre homme de pierre.
On écoute du Beethoven, du Mahler et des marches populaires comme au concert d'harmonie.
Au gré des tournées une fanfare locale est recrutée et nous avons l'honneur ici de voir et d'entendre le Big Band de Bischheim en majesté!


Et tout s’enchaîne, tout roule comme des tambours et l'on passe un excellent moment à partager cet esprit communautaire survolté par la musique qui soulève l'enthousiasme et l'adhésion à toutes causes.Petites histoires et anecdotes filtrées par le biais d'une mise en scène ludique, envahissante où le défilé  prend place comme un cortège de mariés,
En rang serré comme à l'armée, alarmés petits soldats! Fanfarons et acteurs d'un monde en ébullition salvatrice, porteuse de destins croisés, unis par la force de l'être ensemble, la tribu fanfaronesque et tonale de ces joyeux lurons déboussolés.'
Et, oh solitude, notre héros de pacotille qui se perd dans la décrépitude  et plonge dans son monologue pour mieux se noyer.
Au Maillon Wacken à Strasbourg jusqu'au 26 Novembre