mardi 20 septembre 2016

"Sound of music": l'"Hair de rien"!


Il est des "united colors of Benetton", des locks qui mettent en scène Terpsichore en baskets: voici une comédie musicale des temps présents qui flirte avec les traditions et décale les us et coutumes en la matière: Busby Berkeley en serait troublé et la filiation des écritures dans cette oeuvre collective produite par le performeur Yan Duyvendak, est habile en la matière. Se frotter à une forme convenue, référée, voici le challenge: opérer sur le terrain du message politique et écologique aussi!
Alors réjouissez vous, l'instant est grave et chargé de sens pour ces danseurs interprètes professionnels et "apprentis" puisés dans le staff des élèves du Conservatoire de Lyon.
Sur fond de crise, avec slogans et informations pertinentes sur les catastrophes écologiques du moment qui défilent sur une bande lumineuse, ils chantent, dansent, grimacent, évoluent dans la décence et la discrétion: un collectif bigarré mais sans strass ni paillettes au départ!


On oscille rapidement vers un rythme décalé où l'on va retrouver les ficelles de la comédie musicale: chœurs, chorale et mouvements a cappella: judicieuses formes qui se font et se défont dans un beau déroulé à la Fischli Weiss ou à la Larrieu .C'est tonitruant, mené tambours battants malgré quelques petites difficultés liées au manque d'espace du plateau du Théâtre de la Croix Rousse! Mais n'est-il pas justement question de surpopulation, de manque d'espace, de heurts et de choc dans cette pièce?
Un leitmotiv musical borde la pièce:"all right, good night" et tout ira mieux dans le meilleur des mondes semble murmurer ce petit groupe compact dédié à la sauvegarde du monde
Danses populaires et ambiance garantie pour cet opus signé Christophe Fiat, accompagné des signatures chorégraphiques d'Olivier Dubois et autre compères de génération.
Marches et démarches de groupe, en batterie, en brigade avec quelques échappées belles: on songe à "Insurrection" d'Odile Duboc!
Les paillettes peu à peu gagnent du terrain, le rideau de scène fait de même pour cette quette d'orpailleurs à la recherche d'un paradis perdus, à la "Hair" avec des accents sauvages et hippies qui font sourire. Comédie sociétale, équitable et durable, on l'espère inoxydable dans le temps pour parfaire le message et vivre encore plus intensément la fougue du genre qui traverse les époques: le show, rien que le show!

"La belle et la bête" de Thierry Malandain: un conte qui fait l'ange!


Le Malandain Ballet Biarritz fait son "qui fait l'ange fait la bête" avec une très belle version d'un conte légendaire ou d'un film mythique de référence: celui de Jean Cocteau. Mais loin aussi de ces univers, Malandain se fait la belle et joue des écueils du déjà vu pour accéder à un véritable univers fantastique. Sur les pointes, dans une écriture cataloguée de "néo classique" à défaut de savoir ce que ce terme signifie véritablement. Une histoire, une narration, des personnages et une musique riche de son fougueux romantisme: Tchaikovski et sa "Symphonie Pathétique". De quoi justement éviter l'illustration, le mime ou de copier une narration de ballet classique à thème et à livret traditionnel!
Pari gagné pour un enchantement, tantôt lyrique, tantôt baroque avec quelques références au baroque et à la belle et basse danse. Des costumes couleur "soleil" d'or et de scintillement, des ornements de dentelles, des robes longues, des pourpoints savants. Du graphisme comme des dessins de tatouages sur les peaux, anatomie animale, discrète mais efficace, évoquant le filtre des visions du fantastique où tout est possible.Un régal pour l’œil et pour la pensée, une fable où se côtoient tragédie, fantaisie, suspens et romantisme.


Les danseurs, aguerris à une écriture savante, délicate, s'emparent très justement de ces héros légers, plaisants, séduisants. Les rideaux de scène jouent à cache cache avec les protagonistes, dévoilent, enroulent ou dissimulent les corps, modifient les séquences et au final inondent de leur or le décor rutilant, scintillant
Orpailleur du ballet, Malandain propose ici un divertissement magnifique, un temps où la rêverie prend le relais sur le réflexif pour mieux naviguer dans un univers très cinématographique où s’enchaînent les plans et les fondus au noir. L'immense scène de l'auditorium de la Cité Internationale comme un écrin pour accueillir l'ampleur et l'envergure d'un monde féerique, large, ouvert vers les cieux de l'imaginaire fécond du chorégraphe.
La Biennale de la Danse de Lyon s'offre un bal de dorures et de merveilleux, temps de pause et de songes salvateur

Le Ballet de l'Opéra de Lyon: découvertes singulières: danse virtuose, danse vulnérable!


Le choix d'inviter l'espagnole Marina Mascarell et l'italien Alessandro Sciarroni appartient à Yorgos Lokos et Dominique Hervieu, tous deux confiants et découvreurs, fidèles soutiens de chorégraphes émergeants talentueux. Pour les danseurs du ballet, c'est encore une occasion de se frotter à de nouvelles écritures, à de singuliers univers.
Pour "Le diable bat sa femme et maris sa fille", huit danseurs seront les inspirateurs de la chorégraphe: sur le thème de la féminité, des discriminations, la voici, militante, imaginant un manifeste à la Valentine  Saint Point et sa métachorie, manifeste de la femme futuriste.
Se livrer, nu et cru.Il pleut alors que le soleil brille! Avoue le dicton italien, source d'inspiration de la chorégraphe.

Pour conter et mettre en scène les secrets, les aveux, les récits d'êtres humains souffrant de leur différences ou tout simplement de leur existence au regard des autres. Tenues flottantes, collants couleur chair, dans un décor de ballons démultipliés, flottants aux murs, leurs évolutions, solos, duos ou collectifs touchent par leur déterminations à être ou ne pas être , soulignant grâce, fluidité et décontraction des corps en mouvement. Des images vidéo viennent se greffer sur leur corps, comme des icônes d'anatomie qui dissèquent la mémoire. Et la rend lisible.La danse, porteuse de message est loin d'être didactique et l'on songe à la violence quotidienne faite à tous ceux qui ne seraient pas dans le moule social, celui du genre aussi, questionné en filigrane. La musique de Nick Wales pour témoin et rampe de lancement pour cette écriture sobre, tenue, discrète de Marina Mascarell. Beaucoup de sensibilité, d'émotions dans ces témoignages dansées de personnes, évoquant par le geste, désespoir, tristesse et peut être aussi fatalisme.Sujet sur le vulnérable, la fragilité et l'intimité, altérité des genres d'aujourd'hui qui se cherchent, s'affichent, se racontent pas toujours au creux des oreilles les plus bienveillantes!
Après un court entracte pour respirer et engranger cet univers dérangeant, retour dans la salle du bel Opéra de Lyon: pour la pièce de Alessandro Sciarroni, "Turning", motion sickness version
Vertige de la volte
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Danse virtuose à la clef, celle d'une réflexion sur le tour, la pirouette, la giration: tous à l'épreuve de la perte, du don, de la dépense dans cette performance de 30 minutes. Tour de piste, manèges, déboulés puis exercice périlleux du giratoire tels des derviches au service du vertige maîtrisé, de la "routine" ancestrale. De ce qui fascine: pourquoi les danseurs "tournent"? Pari gagné pour cette oeuvre singulière, répétitive où chacun va de son tournoiement, en chorus, seul, dans le sens ou pas des aiguilles d'une montre... C'est affolant, enivrant, hypnotique à souhait, jamais lassant . dans un décor vierge, bleu clair d'un cyclo, costumes pastels, simples vêtements de travail, chaussettes pour mieux glisser et se jouer du sol fuyant, se dérobant sous les pas circulaires des corps, toupies remontées comme des petites mécaniques de musée d'automates.La musique de Yes Soeur pour soutien, pour accompagner et galvaniser un rythme déferlant et continu qui s'achève sur un point d'orgue rassurant: ils n'ont pas perdu l'équilibre ni la raison: dévotion, prière ou simple exercice de méditation, le tour fascine, émeut et fait mouche!La musique répétitive à la Steve Reich, impacte!