dimanche 9 avril 2017

vendredi 7 avril 2017

Mondot et merveilles! "Le mouvement de l'air" est frais! et effraye !



Après « Convergence 1.0, » Adrien Mondot revient en compagnie de Claire Bardenne au Maillon avec «Le mouvement de l'air": Il y construisait des paysages qui évoluent en fonction de l'interaction des corps avec les objets en mouvement. Lignes, points, lettres, objets numériques projetés tissent des espaces poétiques en 3D, explorés par une danseuse espiègle et un jongleur d'objets virtuels. 
Initialement chercheur en informatique, artiste pluridisciplinaire, Adrien Mondot travaille au point d'intersection de l'art du jonglage et de l'innovation informatique



Univers onirique en suspension, les corps voltigent, s'affranchissent de la pesanteur, elastonautes à la poursuite d'images animées dans un ballet aérien, derviches tourneurs épris de vertige, homme suspendu, tête bêche comme une pièce de boucher dans des lueurs rougeoyantes. On vit un rêve comme une fugue qui vous ravit et capture le temps de la représentation.
Courses folles contre la fuite du temps et des icônes éphémères qui bougent sans cesse:La création numérique est générée et animée en temps réel. La musique orignale est également intérprétée en direct, sur scène.Volutes de fumées éparses en torsade blanches, tornades légères et féeriques .On est proche de la Machine à fumée d'Etienne Jules Marey, permettant d’observer l’écoulement d’un fluide rencontrant un obstacle.


La compagnie Adrien M & Claire B crée des formes allant du spectacle aux installations dans le champ des arts numériques et des arts vivants. Elle est co-dirigée par Claire Bardainne et Adrien Mondot. Leur démarche place l’humain au centre des enjeux technologiques, et le corps au coeur des images, avec comme spécificité le développement sur-mesure de ses outils informatiques. Ils poursuivent la recherche d’un numérique vivant: mobile, artisanal, éphémère et sensible.
Alors ces "mouvements de l'air" sont autant de magie, de prestidigitation que d'effets numériques et de technologies nouvelles! Comme une fourmilière animée, le spectacle débute dans une agitation de molécules, particules qui s'accélèrent, ondulent comme une végétation aquatique En noir et blanc, images et danseurs se rejoignent, parachutés dans ce monde versatile où tout frétille sans cesse, à l'affût d'une proie: un élastonaute qui se joue d'un immense filet comme un appât tentant, mais jamais pris au piège. Une femme qui se love à terre et répond aux sollicitations de volutes tourbillonnantes.
Des particules de neige ascendante comme une voie lactée: les images défilent, se tricotent à l'envi selon les envergures des mouvements, des déplacements vifs et furtifs de ces trois circassiens en diable.
De danse, point vraiment, mais une architecture d'évolutions spatiales initiée par la fulgurance , la vitesse des effractions, des entailles dans ce décor mouvant, ce sol qui se dérobe, ces murs qui se transforment en plafond de chapelle Sixtine, comme un tableau vivant.
Et puis ces drapés qui flottent tel le lys de Loie Fuller, ces torsades à la Tony Cragg, cette plasticité virtuelle qui séduit l’œil, flatte l'esthétique frénétique de ce spectacle alléchant!
Une atmosphère de ciel d'été sur fond de chants de grillon, et la nuit s'entrouvre sur un duo sans artifice, sobre, bien "mouvementé.Déjà dans "XYZT, les paysages abstraits" la collaboration de Adrien Mondot et Claire Bardainne semblait au zénith. Nénni, ici,ils surenchérissent avec bonheur dans l'euphorie des transports en commun, dans l'enthousiasme de l'apesanteur !
Quand une pluie de feuilles blanches s'abat pour  accueillir un voltigeur, c'est pour mieux tracer sur des pages blanches, le récit des corps virtuoses de l'acrobatie;
Au final, des nuages presque "authentiques" se mêlent aux fumerolles: de quoi se perdre dans le brouillard ou rester au bord de scène à contempler  le ciel, la neige ou la voie lactée.

Au Maillon avec les Migrateurs et le TJP jusqu'au 8 Avril


jeudi 6 avril 2017

"Faim, soif, cris, danse, danse, danse" :: Rimbaud en route!


Aurélie Droesch élève metteure en scène avec le groupe 43 (3 ème année) en collaboration avec le groupe 44 (1 ère année) de l'Ecole du TNS s'attèle de front à évoquer les univers de Rimbaud: adaptation réalisée à partir du texte "Une saison en enfer": Rimbaud avait en 1873 19 ans: presque l'âge de ces jeunes comédiens, frais émoulus de leur expérience de jeunesse du Théâtre!
Scène occupée par deux grans rideaux blancs, un sol lacéré de touches de couleurs en arabesques, des instruments de musique de fortune, récupération hétéroclite d'objets, au sol.
Bruit de pas: ils arrivent, surgissent des drapés, deux femmes, deux hommes vêtus de noir et blanc en costumes d'époque contemporaine ou de "jadis"!Silence, attente, contemplation, mutisme: ils semblent nous interroger, nous observer.Les tours de manivelle d'une viole de gambe pour ambiance sonore, ritournelle, routine.Hyène damnée, la voici qui s'expose, Hélène Morelli, stable, tranquille puis vite animée de fougue et de passion, la voix posée, ample.Dans ses atours noirs style bourgeoise bienséante, elle séduit par sa présence, son côté Léa Seydoux. A ces côtés, ses compères lui font répartie, elle fragile, frêle femme épeurée, Marianne Deshayes Pour penchant masculin, Genséric Coléno Demelenaere, jeune, blond, étonné, ingénu et Roberto Jean, grand gaillard noir de peau qui sera "le nègre" haut en couleurs de cette littérature pleine de "race" et de classe !
Sur fond de voiles de navire, d'architecture en ogive et de bled en terre d'argile, les voici qui font prendre corps aux verbes de Rimbaud, à sa plume énigmatique, indomptée, résistante toute de piété et de mysticisme, d'ode à Dieu autant qu'aux péchés capitaux et autre luxure, débauche et transgression.Ils l'ont dans la peau, ce jeune rebelle insurgé de la Commune et des barricades. "Je danse le sabbat dans une rouge clairière avec des vielles et des enfants", rugit-elle, alors que démarre une scansion de marche rythmée sur des chants guerriers: danse échevelée de chacun, gestuelle mesurée ou débridée, danse sur mesure pour chacun: belle envergure de Roberto Jean qui se lâche et s'abandonne, torse offert, don de soi, comme Rimbaud qui avoue dans les illuminations"J'ai tendu des cordes de clocher à clocher ; des guirlandes de fenêtre à fenêtre ; des chaînes d'or d'étoile à étoile, et je danse. "
Comme Ernest Pignon Ernest qui trace la route de Arthur avec son "Rimbaud" de Paris à Charleville.


Du vent dans les voiles et on largue les amarres dans ce décor métaphorique, toutes voiles dehors comme à la proue d'un bateau ou dans la manipulation de cerfs volants au bout de longues ficelles que chacun tire et attire à lui, dévoilant un paysage de désert, démoniaque, solitaire, terrien.Tempête et coup de grâce pour ce poète épris de croyance singulière, tantôt bête, tantôt ange ou démon.
La danse les reprend, totem accumulé de leurs visages grimaçants, révolte de bruits de gamelles tonitruantes, fumées, musique de révolution pas passive mais affolée.
Rimbaud, intouchable roi du désert, de la mort, de la guerre, saltimbanque distingué, éperdu par sa jeunesse, sa rédemption, ou la rémission de ses péchés antérieurs
Rimbaud -rock à la guitare électrique, au saxo, dans la couleur des voyelles, dans ses hallucinations illuminées comme les petites danses exécutées en solo par chacun au creux des ogives: statues de vierges folle ou sages...
Pour un coup d'essai, cette mise en bouche et en espace, pari pas gagné d'avance, est convaincante, un peu "longue" en rebondissements successifs des textes comme autant de "fausses fins" accumulées. A trop vouloir partager, on étouffe aussi la soif et la faim sans pour autant la tarir: une petite frustration eu été nécessaire sans pour autant rester sur sa faim!

Au TNS SALLE Gruber jusqu'au 8 AVRIL
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