Scène occupée par deux grans rideaux blancs, un sol lacéré de touches de couleurs en arabesques, des instruments de musique de fortune, récupération hétéroclite d'objets, au sol.
Bruit de pas: ils arrivent, surgissent des drapés, deux femmes, deux hommes vêtus de noir et blanc en costumes d'époque contemporaine ou de "jadis"!Silence, attente, contemplation, mutisme: ils semblent nous interroger, nous observer.Les tours de manivelle d'une viole de gambe pour ambiance sonore, ritournelle, routine.Hyène damnée, la voici qui s'expose, Hélène Morelli, stable, tranquille puis vite animée de fougue et de passion, la voix posée, ample.Dans ses atours noirs style bourgeoise bienséante, elle séduit par sa présence, son côté Léa Seydoux. A ces côtés, ses compères lui font répartie, elle fragile, frêle femme épeurée, Marianne Deshayes Pour penchant masculin, Genséric Coléno Demelenaere, jeune, blond, étonné, ingénu et Roberto Jean, grand gaillard noir de peau qui sera "le nègre" haut en couleurs de cette littérature pleine de "race" et de classe !
Sur fond de voiles de navire, d'architecture en ogive et de bled en terre d'argile, les voici qui font prendre corps aux verbes de Rimbaud, à sa plume énigmatique, indomptée, résistante toute de piété et de mysticisme, d'ode à Dieu autant qu'aux péchés capitaux et autre luxure, débauche et transgression.Ils l'ont dans la peau, ce jeune rebelle insurgé de la Commune et des barricades. "Je danse le sabbat dans une rouge clairière avec des vielles et des enfants", rugit-elle, alors que démarre une scansion de marche rythmée sur des chants guerriers: danse échevelée de chacun, gestuelle mesurée ou débridée, danse sur mesure pour chacun: belle envergure de Roberto Jean qui se lâche et s'abandonne, torse offert, don de soi, comme Rimbaud qui avoue dans les illuminations"J'ai tendu des cordes de clocher à clocher ; des guirlandes de fenêtre à fenêtre ; des chaînes d'or d'étoile à étoile, et je danse. "
Comme Ernest Pignon Ernest qui trace la route de Arthur avec son "Rimbaud" de Paris à Charleville.
Du vent dans les voiles et on largue les amarres dans ce décor métaphorique, toutes voiles dehors comme à la proue d'un bateau ou dans la manipulation de cerfs volants au bout de longues ficelles que chacun tire et attire à lui, dévoilant un paysage de désert, démoniaque, solitaire, terrien.Tempête et coup de grâce pour ce poète épris de croyance singulière, tantôt bête, tantôt ange ou démon.
La danse les reprend, totem accumulé de leurs visages grimaçants, révolte de bruits de gamelles tonitruantes, fumées, musique de révolution pas passive mais affolée.
Rimbaud, intouchable roi du désert, de la mort, de la guerre, saltimbanque distingué, éperdu par sa jeunesse, sa rédemption, ou la rémission de ses péchés antérieurs
Rimbaud -rock à la guitare électrique, au saxo, dans la couleur des voyelles, dans ses hallucinations illuminées comme les petites danses exécutées en solo par chacun au creux des ogives: statues de vierges folle ou sages...
Pour un coup d'essai, cette mise en bouche et en espace, pari pas gagné d'avance, est convaincante, un peu "longue" en rebondissements successifs des textes comme autant de "fausses fins" accumulées. A trop vouloir partager, on étouffe aussi la soif et la faim sans pour autant la tarir: une petite frustration eu été nécessaire sans pour autant rester sur sa faim!
Au TNS SALLE Gruber jusqu'au 8 AVRIL
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