mercredi 10 mai 2017

"Je danse parce que je me méfie des mots" de Kaori Ito: tel fille, tel père!


"Dans ce portrait intimiste Kaori Ito explore ses racines, au travers d’une rencontre artistique et humaine avec son père Hiroshi Ito. Pour mettre en scène ces retrouvailles, elle invente un langage étrange, qui leur ressemble, à l’intersection des mots et de la danse. Par des questions brutes, incisives, profondes ou futiles, elle brise la glace et joue avec les silences de ce père, chargé de secrets. Fille et chorégraphe à la fois, elle le regarde évoluer sur scène – léger, appliqué et heureux, comme un enfant. Puis elle coupe court aux mots, s’abandonne à l’espace, pour tenter à son tour d’exprimer par le corps ce qui ne peut se dire. Faire bouger l’espace par sa danse comme le lui enseignait son père. Et, peut-être, danser ensemble, pour reconstruire dans l’art, ces liens de sang – invisibles et fascinants."

Quand le public pénètre dans la salle de l'espace Cardin, elle est sur scène, elle arpente le plateau et semble déjà avoir commencer à parler, seule, en playback: elle est vêtue plutôt "folklorique" et près d'elle, sur le bord de la scène, se tient assis, un vieil homme, tout de noir v^tu, filiforme, immobile et muet.Puis le silence se fait, la lumière est encore sur le public, on va commencer.....Une heure durant ce sera la joie de partager des questionnements multiples, sur son sort, sur la vie, la mort, les événements de tous les jours, les instant de vie "vernaculaire"!

Elle arpente l'espace sonore, elle va peut à peu interroger ce "père" présent à ses côtés qui va bientôt entrer dans le jeu et se mêler ce de qui le regarde aussi.
Il se positionne face à une sculpture étrange, de chaises dissimulées sous un tissus noir, formes hybrides et étranges....La repousse, la déplace....
Entre ignorance et complicité, un duo va s'esquisser, frôlements d'espaces, puis véritable contact et échanges
Ils font "la paire" ces deux personnages singuliers qui se prêtent au jeu de chache cache des retrouvailles, des comptes à se rendre comme deux enfants qui s'amusent, se cachent, se cherchent..
Deux amoureux de la vie: elle redonne à son père le gout perdu du mouvement et les voilà, côtes à côtes pour un duo de danse de salon désopilant, tendre et touchant
La fascination pour les orteils de Kaori Ito, distendus, démesurément flex et mobiles est une aubaine pour admirer vélocité et promptitude de ses gestes, de sa danse qui se libère parfois en sauts et tours majestueux
La parole et les corps se libèrent: les mots ne semblent pas si dangereux et s'en méfier pas toujours indispensable, surtout s'ils génèrent autant de légèreté, de grâce et de bonheur!

Au Théâtre de la Ville Espace Cardin jusqu'au 11 MAI


mercredi 3 mai 2017

"Chorus":Phelippeau passe son "Bach" avec mention T.B! "Extra-danse" de tradition !


Inauguration du festival "Extra-Danse" ce soir là à Pôle Sud CDC pour une soirée festive et "grand format"!
Un festival sous le signe de la multi-culturalité, des formes de danses tout azimut dont la"traditionnelle" danse festive qui rassemble, unit, et met en mode "choral" la communauté des spectateurs, danseurs et êtres humains passionnés de mouvement, de démarche, en marche, de l'avant, sans "routine" !
Avec l'opus de Mickael Phélippeau, c'est la pratique de "la chorale" qui est interrogée et revisitée, façon "chorégraphique", écrire le chœur, le chorus, le corps du chant dans l'agora. Ou le théâtre grec!
C'est Bach qui sera le témoin de cette audace scénique avec son "Nicht so traurig, nicht so sehr", un leitmotiv baroque qui va et revient sans cesse , invitant les timbres et voix des choristes à des prouesses discrètes musicales dignes de la pratique virtuose de l'écoute d'un ensemble. S'entendre chanter, se respecter, se donner le ton et garder le cap à travers la difficulté tonale de l'interprétation à capella.
Les vingt choristes entrent en scène de façon classique, les uns derrière les autres, en farandole, en guirlande ou redoute très sérieuse.Le chant démarre, le chef donne le la et la mélodie parcourt l'espace. La disposition frontale basique du chœur est posée mais bien vite elle va se "déstructurer" au profit de constructions, de dispositions anachroniques, atypiques, défendant des points de vue, des points d'écoute, variables et variés, frôlant le danger et l'incertitude. Et si on chantait du Bach, au sol, en petit groupe, en se chamaillant ou en dessinant dans l'espace des poses très esthétiques, radeau de la Méduse qui glisse peu à peu, mouvements au ralenti, piéta baroque qui se perd dans la mouvance et la musicalité de l'oeuvre, au noir, belle, profonde, recueillie.Et quand "sur le pont d'avignon" devient du baroque, trad, très racé, subtil , chanté en allemand, le leurre est gigantesque, la danse marquée par les sanctions de Bach, version populaire!

Du playback aussi, du "plait Bach" pour ravir l'oreille, pour bousculer l'interprétation classique du chant choral qui devient chanson de gestes, déplacements, circonvolutions, divagations parfois comiques. Toujours respectueuse, cette version a du souffle, de l'audace, du chien en diable et si cette géométrie variable exerce son charme, c'est bien dans des constructions savantes comme la musique de Jean Sébastien!
Batterie de chanteurs qui peu à peu entre dans le désordre, petites insurrections entre amis, féroces affrontements guerriers ou sagesse spirituelle, tout l'univers de Phélippeau, timbré à souhait, résonne, à cappella, en canon, polyphonie savante et exubérante. Et l'ensemble Vocal Campana de nous éclairer sur la diversité et le prolongement inventif à partir d'une oeuvre que l'on pourrait croire "intouchable" ! 
Quelle belle entrée en matière entre tradition et modernité que cette oeuvre pour inaugurer la programmation de EXTRA DANSE,fertile en "démonstration" de proximité du répertoire revisité, façon mouvance contemporaine! 

A propos de 
"Une chose est sûre. Il voit la vie en jaune. Mais la démarche du chorégraphe, du fait de sa géométrie variable, est plus difficile à cerner. On a découvert l’an passé, l’un de ses savoureux bi-portraits, mettant en scène la jeune Anastasia, sa vie, sa danse. On le retrouve ici avec Chorus, une étonnante performance au noir et en chœur qui chamboule les corps et les conventions.
« Détricoter une cantate de J.S. Bach, est-ce possible ? » a demandé Mickaël Phelippeau aux vingt-quatre choristes avec lesquels il a initié cette création. « Et pourquoi pas ? » auraient-ils répondu à l'unisson au chorégraphe. Et voici l’Ensemble a capella Campana reprenant à  son tour, à l’endroit, à l’envers, au sol, la tête en bas, en rewind, en playback, le superbe Nicht so traurig, nicht so sehr de la cantate bwv 384 de J.S. Bach,  mais « du Bach comme on en a jamais vu ! »
Pour interpréter la cantate, les corps chantants se mettent en marche, dessinant avec agilité des figures régulières ou aléatoires, qui embarquent la mélodie dans des zones houleuses et inexplorées jusqu'alors. Tous se prêtent à la mise en jeu du corps et du souffle. Sur fond musical, se déclinent danse, marche, chute, silence, obscurité, imitation de Gloria Gaynor, rythmes accélérés et même karaoké. Avec le chant, surgit alors une autre voie, une danse chorale du détournement.  Mais « faire chorus », n’est-ce pas manifester en chœur ?"

A Pole Sud le 3 MAI dans le cadre de EXTRA DANSE 2017

Mikael Phélippeau en Avignon "le sujet à vif" 2016

"Membre fantôme": duo plein vent,kouign amann amen!


Quel souffle dans une cornemuse qui se rit des conventions et souffle de travers, de bric et de broc , animée par un virtuose de cette outre pleine de vent, Erwan Keravec! Et pour lui donner la réplique, Mickael Phelippeau, longiligne, vêtu comme une bigoudenne, tablier blanc,cheveux au vent, détachés le long du dos. Figure d'Angelus de Millet, pause et tout démarre en fanfare: course poursuite, dialogues ou ratures, manège incessant, danse trad et folklorique virtuose, quel régal d'inventivité et de verve, vif argent, mené tambour battant. La vierge de la cour semble sourire de ravissement à cette cérémonie festive, votive sur piédestal et calvaire. Le travestissement s'achève pour renouer avec un humour plus distancé et maniéré qui font de cette pièce une référence incontournable de la contemporanéité des danses d'hier et d'aujourd'hui Cornemuse au corps, corps qui s'amuse, éructe le vent, souffle à perdre haleine sur les conventions musicales et "fest-noz".Rythme garanti, jubilation au pouvoir: là est bien le creuset de ces "sujets à vif", maltraités, sens dessus dessous pour toucher en plein dans le mille les révélations de l'acte créateur.