dimanche 25 mars 2018

"Musiques éclatées": Voix de Stras' et Axismodula s'énervent !


Voix de Stras': "Ma voix, Ma contemporaine": panique au palais !

La conférence, visite guidée du "palais", va démarrer à l'Auditorium de la BNU. Une formule pleine de charme, une "lec dem" (lecture-démonstration) comme un récital où le spectateur est aussi à l'école buissonnière, en bon apprentissage de son rôle d'écouteur participatif, en alerte et plein de bonnes attentions vis à vis des artistes. Une pratique chère à Catherine Bolzinger,, chef de chœur et de cœur et directrice artistique de cette formation sans "stras ni paillette", mais au summum de la pédagogie active et du désir de mise en scène et en espace de la musique contemporaine! C'est justement le propos du récital: faire entendre, laisser écouter en donnant quelques clefs (de sol) de lecture pour pouvoir ouvrir les portes de la réception attentive d'une musique "surprenante" a plus d'un titre d'ailleurs: De témoignages collectés sur facebook à propos de la musique d'aujourd'hui s'annonce une oeuvre plurielle aux multiples entrées. Les "cantatrices" arrivent des gradins, s'installent sur des fauteuils de cuir noir, elles même en smoking foncé: boudoir ou salon de lecture, salle d'attente, peu importe: c'est dans l'intimité de cette proximité que l'on va découvrir ces propos, ponctués d'interventions sonore, vocales, remarquables.
Avec "Living Room Music" John Cage n'est pas loin dans ces univers proches des sons du quotidien , de l'observation de la vie, de l'aléatoire.
Dans cette pièce "Il était une fois", le leitmotiv se décline à l'envi alors que gestes de bras et de mains forment une chorégraphie alerte et significative: ouverture vers l'autre dans l'espace vocal et scénique. Un peu "grotesque", appuyé, comique ou désenchanté, le jeu est présent et efficace: il opère par la justesse et le bon dosage d'expressivité. Car les chanteuses possèdent leur identité et personnalité, leur "nationalité" aussi !'On prend ce petit train en marche, en rythme, avec les "quatre ingrédients" qui font la musique: la hauteur, la durée, les intensités et les timbres!
Comme dans un poulailler en folie, vitesse et cadence, guidée par la chef, se font entendre, les commentaires, en chant déstructuré, les raclures de gorge, la récitation en inventaire (comme chez Aperghis), les accumulations structurent la pièce.



Dans "Féminité", de Nicolet Burzynska c'est de frontière dont il s'agit: des murmures en chorale, comme une psalmodie en écho, dissonante, un rituel qui s’amplifie, se répète, un tempo qui revient: de très beaux aigus sourdent des voix, en cascade Soupirs ou apnée, la respiration se fait corps et chair dans le timbre vocal La tension habite la scène en plaintes, cris comme pour des danses de rogations, d'imploration. Contraste de douceur et de force, strates tuilées des voix apaisées au final.
John Cage n'est pas loin dans ces univers proches des sons du quotidien , de l'observation de la vie, de l'aléatoire.
Dans la dernière pièce , les quatre chanteuses en résonance se répondent, s'imbriquent, se succèdent.Cadence allègre sur les sons d'une bande pré-enregistrée, chuchotements dans une salle d'attente où tout peut arriver.Elles feignent de lire des magazines, puis tout dérape, déraille, patine. Course aux sons et aux diversités des voix qui s'emballent dans un bon délire libéré, délivré. Galop ininterrompu de chevaux lâchés, brides abattues, sauvages.
On est en plein "Paralangage", fait de piqués, de sautillés, d'intensités multiples, de paroles et de textes qui viennent enrichir ou donner sens aux sons.La mélodie "à trou" laisse les sons pénétrer dans les failles et les interstices de la musique. La "démonstration" est faite, très pédagogique que la musique s'expose, s'explique et se ressent, quelques secrets et recette de fabrication dévoilés.
Jolie cacophonie organisée, sons divers quasi liturgiques, belles et longues tenues des aigus, caquetages survoltés en quatre langues aux rythmes bien distincts et le tour est joué!
Virtuoses de l'interprétation, les quatre chanteuses se donnent, malines dans un jeu à la mesure du propos: justesse, finesse et humour!
Pépiements bien féminins pour cette formation plurielle qui réunit de jeunes talents au "palais" de la voix contemporaine, magnifiée par des auteurs au service d'un instrument de chair et de souffle: le corps pulsant, respirant de joie et de créativité


POUR Mémoire
http://genevieve-charras.blogspot.fr/2018/03/live-at-home-n-11-faire-bon-menage.html





Axismodula: "Only Tonight!" : le boudoir s'affole !


Elle est en déshabillé, se fait les ongles nonchalamment dans son petit salon cosy avec son paravent japonais. Elle, Sarah Brado-Durant nous attend à la galerie AEDAEN, un lieu qui sera à la démesure du récital, spectacle mis en scène in situ pour un soir et quelle soirée!
Elle chante alanguie sur sa chaise,"Récitation" de Aperghis, fixe, rêveuse, empilant en pyramide sons et mots qui vont crescendo, en accumulations vertigineuses, en strates qui jamais ne faillissent, comme une petite géologie de la voix parlée, chantée. Psalmodie contemporaine pour cantatrice audacieuse dans un exercice périlleux d'interprétation! Fait suite l'irruption de la pianiste, Nina Maghsoodloo en noir, de cuir noir,moulée SM pour une tonitruante "Toccata Vill" de Nina Deuze. Les deux vont se partager la scène pour "Apparition n° 1" de George Crumb, un duo plein de charme, ce complicité, d'intensité de jeu.Encore quelques touches de piano retentissantes, sèches et toniques avec "Etude op. 117 N°2 de Alireza Mashayehi et c'est John Cage qui prend le relais avec "The wonderful widow of eighteen springs": voix et piano, se jouent des surprises, virtuoses du rythme, du jeu et de l'empathie avec le public. Sarah est maline, dans ses atours variés de cantatrice chevronnée, de "coquette" replète et joyeuse, sensuelle et très érotique dans ses poses, attitudes et postures. Rebelles et belles, les deux artistes règnent sur le plateau, environnées de dessins érotiques: la ligne éditoriale de Aedaen, bien appuyée!
Sans doute le "Bouffe pour une personne seule sur scène" va comme un gant à Sarah Brado Durand, comédienne de cabaret contemporain, aux yeux grand écarquillés, scintillants de malice, de dépits ou d'interrogations multiples. La voix est chaude et tonique, présence, résonante et convaincante.
On reprendra bien un "Life story" de Thomas Ades in fine pour clore la soirée apéritive qui met en apétit de vie et de musique!
Un dernier rappel, émouvant au piano à bouche et tenue de strass et nos deux artistes déjantées disparaissent.


Belle formule de récital incongru, mis en scène par Natalia Lezcano, adaptée aux volumes et résonance du lieu en friche, en éternelle reconfiguration.


Approchez, approchez ! Ce soir seulement ! Entrez et venez faire la rencontre d’un tourbillon de personnages tout à tour extravagants, drôles ou poétiques qui essayent avec tendresse et naïveté de donner vie à un cabaret parfois touchant, souvent bancal, mais toujours passionné ! AxisModula est un ensemble de musique de chambre contemporaine à géométrie variable, créé à Strasbourg autour du duo franco-iranien représenté par Nina Maghsoodloo et Sarah Brabo-Durand, que viennent enrichir les artistes qu'elles invitent sur leurs différents projets. L'ensemble défend une démarche active et engagée envers les répertoires des XXe et XXIe siècles et un accompagnement du public à l'écoute, notamment par une volonté scénographique forte.

samedi 24 mars 2018

"Musiques éclatées": un programme éblouissant : L'Accroche note et Hanatsu Miroir s'éclatent !

Le 24 mars 2018, vous pourrez suivre un véritable parcours musical dans le centre ville de Strasbourg. Dans une dizaine de lieux aussi différents que l’Aubette, la Librairie Kleber, l’Eglise Saint-Pierre-le-Vieux ou encore l’AEDAEN Galerie, Elektramusic proposait plus de dix concerts gratuits qui ont  permi de découvrir la richesse, la variété et la vitalité des pratiques musicales strasbourgeoises. Avec à la fois des musiciens confirmés mais aussi de nombreux artistes émergents, il fut dévoilé les nombreuses facettes de ces disciplines dynamiques et le foisonnement musical des ensembles strasbourgeois.Se laisser prendre par sa curiosité et venir découvrir ces musiques classiques, contemporaines et jazz qui ont investi Strasbourg tout au long de ce samedi 24 mars, en toute simplicité.




L'Accroche Note: "En écho" : et Ange et Démon !


Françoise Kubler - chant
Armand Angster - clarinette
Frédéric Apffel - assistant musical

.La confrontation – ou le mariage – de la voix et de la clarinette a été spontanée, dès l’invention de l’instrument au XVIIIe siècle. Que les compositeurs du XXIe siècle écrivent encore pour cette formation prouve qu’une telle union n’était pas seulement anecdotique. De plus, l'outil électronique démultiplie cette fusion. L’actrice et le danseur. Depuis Mozart, il semble que la clarinette entretienne un rapport privilégié, presque amoureux avec les voix ; tantôt elle est leur double, leur écho, tantôt leur miroir. Non seulement elle possède la même souplesse infinie, mais encore ses registres – un grave sombre et profond, un médium éloquent ou intime, un aigu brillant, parfois diaphane – sont, avec extension légèrement supérieure, ceux de la voix humaine et personne ne s’est trompé sur le sens dramatique de la grande phrase lancée par la clarinette dans l’ouverture du Freischütz

Et ange et démon !

Quand Françoise Kubler et Armand Angster se retrouvent , à deux, dans la belle salle blanche de la librairie Kléber, c'est à "un monument" de la musique d'aujourd'hui,érigé de façon bien mobile, à deux solides cariatides que l'on a à faire! Elle est de noir vêtue, rayonnante, lui, en garçon ébouriffé et sympathique. La proximité avec le public opère dans la décontraction .
Ouverture du programme avec une oeuvre écrite pour la chanteuse, dédicace, de  François-Bernard Mâche :" Kengir pour voix et sons fixés". Gravité et recueillement dans une langue peu commune, le sumérien. Tension, surprises, retenues de la voix évoquent toute une gamme de sentiments féminins,de touches matriarcales. La voix est profonde, douce ou forte et se plie au jeu, sobre et émouvant de l'artiste interprète, comédienne inspirée. Intuitive.
Succède, après un clin d’œil sur la rareté et curiosité de la partition colorée et très graphique, le "John Cage" attendu: " Fontana Mix pour soprano, clarinette et sons fixés": une oeuvre surprenante, hallucinante, pleine d’embûches, de curiosités sonores, de bruits et de résonances inédites.Belle surprise que cette ovni où l'on songe au sourire malin de son auteur, de son humour.Les deux interprètes s'en donnent à cœur joie et franchissent les obstacles avec aisance et majesté!
Vint la pièce de  Nicola Resanovic : "Alt.music.balistix pour clarinette et sons fixés", où Armand Angster donne toute sa félicité d'artiste au service de son instrument. Tel un charmeur de serpent, il virevolte dans ce monde bigarré de sons de lointaines contrées orientales et régale l'auditoire de timbres pluriels et colorés.Toujours avec distance et humour, les deux protagonistes présentent l'oeuvre suivante celle de  Philippe Manoury :" Illud Etiam pour soprano, clarinette, et sons fixés". Encore une belle dédicace au couple de la part d'un auteur contemporain, pour leur très riche répertoire! Les voici mi anges, mi démons dans une légende de sorcellerie, des ailes dans le dos, de la rage et de la musicalité dans le souffle, le corps et la voix.Postures et attitudes recherchées pour évoquer les formes sculpturales des sorcières, anges et démons.Le pilier des Anges assailli par des sonorités démoniaques


Un programme bien "relevé" pour une occasion singulière, dans un lieu non "dévolu" à la musique contemporaine: cela aussi se nomme un "savoir faire" inégalé de la part de ce duo-couple complice, animateur et muse de tant de compositeur, détenteurs d'un "patrimoine" musical contemporain hors norme!
Leur talent, c'est aussi le savoir être ensemble avec le public, plein d'humour et de distance, de finesse et avec beaucoup d'enthousiasme Nos deux "Lustigs" (joyeux) sont inclassables !



Hanatsu Miroir
"Création japonaise": à vous clouer le bec !

HANATSU miroir dévoile 3 facettes de la création contemporaine japonaise où l’on cultive les reflets d’un bagage culturel au travers de nouvelles identités, au fil des générations, en de multiples écoles. Trois compositeurs que les parcours contrastés ont amenés vers une recherche du son, de la forme
et de l’énergie, nous emmènent dans leurs univers singuliers. Il y a le compositeur Joji Yuasa, pionnier de l'école expérimentale
dans les années 1950 au sein du Jikken Kobo. D'autre part, deux
représentants de la nouvelle génération témoignent d’esthétiques parallèles : Malika Kishino et Kenji Sakai, tous deux formés dans des lieux phares de la musique contemporaine (CNSMD de Paris et de Lyon, IRCAM, Villa Médicis, casa Velasquez…).
Malika Kishino se positionne dans la continuité des travaux de son maître Yoshihisa Taïra, compositeur naturalisé français, élève de Jolivet, Dutilleux et Messiaen mais dont l'écriture est fortement inspirée des rituels traditionnels japonais.
Helmut Lachenmann reconnaît en Kenji Sakai une parfaite maîtrise compositionnelle et une grande virtuosité dans la gestion du son et du temps. Sa musique, imprégnée de clarté et de luminosité, développe un style hautement personnel qui aborde, sans complexe, une certaine forme de légèreté.
Son dyptique Howling/Whirling, commande d'HANATSU miroir, a été créé par l'ensemble à la dernière Biennale de Venise et s'envolera très prochainement en tournée au Japon.

Au programme dans la salle Ponnelle de l'Opéra du Rhin et en ouverture, "Monochromer garten VII" de Malika Kishino pour flûte et percussions:léger frottement des percussions, mugissement pour annoncer la venue de la flûte, fine et vivace partenaire, de vent et de souffle animée, discrète compagne de jeu dans cet univers de jardin japonais.Comme un filtre de sons aigus, de tamis des émotions musicales, la flûtiste partage des sons ténus, rares, vif argent, puis fait corps avec cette étrange créature sonore, la flûte contrebasse, corps singulier comme un immense bras retourné, une architecture qui l'enveloppe et la protège. Ce tranquille paysage sera troublé par le souffle haché, les accélérations, subites , le vrombissement des percussions. Un gong subtil éclaire le tout de sa présente vibratoire intense ou discrète. Déchirure des sons de la flûte, en un combat avec l'instrument.Le calme feutré réapparaît à l'horizon de ces contrées sonores, qui tintinnabulent, précieuses au final dans des espaces dessinant des visions lointaines .Multiphonies écrites par le pionnier de la musique contemporaine japonaise.

Puis s’enchaîne logiquement, se glissant sans transition,"Clarinet solitude" de Joji Yuasa pour clarinette seule: une oeuvre sobre et envoûtante qui appelle une écoute intense et une communion en empathie profonde avec l'interprète.

Avec "Howling/ Whirling" c'est Kenji Sakai que l'on découvre, oeuvre pour flûtes, clarinettes et percussions. Lourdeur d'une démarche sourde, martiale pour préambule, des sons bizarres, presque chantés; le trio tremble et vibre. Comme un moteur qui démarre, tout va bon train, avance. Suspens d'une narration des sons qui évoquent paysages et dynamiques incongrues, étonnantes. Ça courre, ça galope dans un rythme enjoué, coloré, un tempo ascendant enivrant ! Des sonorités de scie, des bruitages, des envolées sonores étayent le son, déclinent une ambiance sous une lumière rouge, tonique. Matricielle. Le passage à la clarté blanche, plus légère, évoque comme une balade dans une atmosphère sylvestre ou aquatique. Oiseaux dans volière ou oisellerie. Quelques sourdines, des frappes sur les marimbas de bois, le halètement des vents, du souffle de ses singulière formes des clarinette et flûtes contrebasse,des sons d'harmonica et le tour est joué. Les trois instruments discutent, entretiennent des propos joyeux, légers, à vous clouer le bec!
Dans un train d'enfer sans halte sur le quai, les rouages filent en répétitions, avancent de concert, entraînant dans leur sillage reprises et répétitions à l'envi.
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Avec le concours de l'Opéra du Rhin dans le cadre de Arsmondo sur le Japon l 24 Mars 2018

vendredi 23 mars 2018

Manga !