samedi 27 avril 2019

"Révolut!on" François Corneloup Quintet à Jazzdor : avec un point d'exclamation !

FRANCE - François Corneloup, saxophone baryton & compositions | Simon Girard, trombone | Sophia Domancich, piano & Fender Rhodes | Joachim Florent, basse électrique | Vincent Tortiller, batterie
"Axée autour des musiques improvisées, la formation Révolut!on entend confronter les styles et les genres en rassemblant une équipe de talents instrumentaux entre jazz, rock et pop music.
Dirigé par le saxophoniste et compositeur François Corneloup, le quintet surprend par sa fusion des genres oscillant entre sons électrifiés et la douce chaleur des cuivres. Par sa modernité et son ouverture, Revolut!on s’inscrit définitivement dans la lignée d’un jazz outre-atlantique populaire et foncièrement contemporain.
“Mon souhait fondateur est que l’approche des artistes de la nouvelle génération que sont Simon Girard et Vincent Tortiller, par les ressources de leur déjà grand talent, puisse interpeller avec vivacité une histoire, un parcours musical, les miens, tel qu’ils se tracent depuis plusieurs décennies au travers de mon travail de compositeur et de chef d’orchestre“.
F.C"

"Révolut!on" de palais!
Ca démarre avec un beau solo de saxophone en introduction, prologue, suivi par l'irruption à ses côtés du trombone: un duo de charme qui opère au quart de tour.Une ouverture très tonique pour ce premier morceau de taille où le quintet donne le ton d'une pièce tectonique et turbulente; le temps d'une fusion entre les musiciens galvanisés par la tension et la solidité du rythme, de la composition, compacte et affirmée.
Suit une seconde pièce démarrant sur une entrée de la guitare, bordée bientôt par de beaux effets de batterie qui perdure tout le long comme un état de grâce entre les cinq musiciens complices, compères et beaux joueurs, joyeux et bondissants.
Suit en ouverture un solo de clavier, bientôt rejoint par le velouté des sonorités des vents: sensualité, lenteur et douceur, calme et volupté après les deux premiers temps de tempête.
 En contraste, moment de respiration pendant le déroulement du concert devant une salle bien remplie, à l'écoute.Langoureux instants qui se meurent lentement au final
"Avant la danse" composition "maison" succède, tonique et mouvante, balançant quelques bribes sonores garantissant des envies de bouger, d'accompagner de gestes mimétiques, les rythmes et fulgurantes itinérances de  cette musique tectonique
Au final, inspiré de Flaubert, un morceau où tout commence en sourdine, saxophone et guitare basse, balayage de la batterie légère, pour un univers serein, calme, rêve amoureux, balade, aubade, sérénade qui pourtant deviendra vite le terrain de turbulences et mouvements ascendants abruptes et solides.
Un petit "faux " bis, inspiré des Beatles, en avant première, en épilogue prospectif, augurant d'un bel et proche avenir discographique ! Cadeau maison de ce concert généreux, et résonnant des notes caractéristiques de cet ensemble soudé , fratrie musicale confirmée!

Au Fossé des Treize ce samedi 27 Avril

Ca dada ! C'est l'heure de faire dada ! Quand la machinerie, les déchets trient ! De bon l'Aloi !

"Né en 1916, le mouvement Dada fut une réponse au profond malaise ressenti face à la guerre. Et quelle réponse ! Une révolution artistique, une libération des mœurs et une lutte par la créativité – politique, certes, mais poétique d’abord. Comme à l’époque, Alice Laloy et ses acolytes s’attèlent à un nouveau monde, ni plus ni moins.
Armés de pinceaux et de marteaux, de musiques et de mots, ils tracent, chantent, tourbillonnent. Leur joyeux bazar, porté par une énergie enfantine contagieuse, fait souffler le vent d’une exaltante révolte jusque dans la salle."
Présenté par le Maillon avec LE TJP CD au Théâtre de Hautepierre jusqu'au 27 Avril.

C'est un mur d'affiches qui a la parole alors qu'une pseudo administrative tape du tampon et fait des diableries, fonctionnaire imaginaire! Oui, elle s'en tamponne cette bureaucrate de pacotille, qui s'entiche de grimaces et autres facéties. Ces compères de scène, de plateau , un monsieur Loyal déjanté et une autre créature, deux percussionnistes en partance pour ce voyage dans "la machinerie du hasard" !
Tous s'affairent inutilement, à gauche, à droite, avec arc et flèches peinturlurées pour accéder à des cibles fantoches. Tel Guillaume qui porterait sur lui son chignon-pomme pour se tirer dessus. Une pas belle danse tribale, non conforme aux codes et normes, et c'est "dada africa" et ses sources ancestrales non avouées.
 En costard cravate, absurde, oblige!
 Ca crève les parois fragiles du décor, ça crève l'écran en passe-murailles pour mieux tout casser dans un gigantesque raz de marée, tremblement de terre où tout s'écroule, vaste chantier fumant devant nos yeux. C'est ça "dada" Un cheval emballé passe, un être muni de quatre jambes s'assoie et fait des percussions corporelles, langage engagé du corps, témoin de cette petite révolution de palais.
Des silhouettes se découpent dans les fumigènes, comme des fantômes articulés fantastiques. Errance dans ces débris de cataclysme qui jonchent le sol, grand bazar organisé .Un chirurgien de fortune pour soigner et panser les plaies, "penser" le monde: on aspire à tord avec aspirateur, on ventile à tord, avec vilebrequin et chignole: la médecine a bon dos!
 Un immense rideau de plastique sera toile tendue recevant les salves de peinture d'un engin magique: douze pinceaux accrochés à une barre, comme des fusils à peinture à la Niki de Saint Phalle, ou peinture gestuelle de Mathieu!


Le résultat est probant: c'est de l'art comptant pour "rien"!
Ces riens à gagner à un jeu de hasard avec le public enrôlé dans l'aventure, quelques "barons" en salle pour faire monter les enchères. Et c'est la poésie musicale à trois en un micro méduse, à trois têtes, hydre folle pour gesticulations verbales et sonores. De bon aloi! Laloy chorégraphe de l'espace et de la mise en scène, scénographe iconoclaste très inspirée dans ce ça ira à dada, sur le bidet quand il trotte, il fait des pets!
De bons "tuyaux", des pompes à vélos, des cadres des objets hétéroclites pour cette cabane à la Ben....valise à la Duchamp .Pétarades, machine à peindre comme une série de balais pré-enduits, douze apôtres de l'art...Les comédiens-clowns, se bombent à l'aérosol, se maculent de peinture avec délectation et sensualité. On baigne dans la jouvence!


Entrée subite au musée des beaux arts avec huit toiles de natures mortes aux nappes blanches: on s'amuse à contempler ces chefs d'oeuvres désuets qui passeront vite à la trappe par les portes battantes, en revenant toujours envahir les personnages et les importuner de force!
La tradition mordante du passé agit et fait mal: les toiles de maitres, en caoutchouc, valsant irrespectueusement à la déchets trie !
Un cheval passe, grosse caisse à queue...de cheval, blaue Reiter fantôme, muséal qui hennit, caracole  et fait place à un joli carnaval dada rocambolesque pas piqué des vers.
C'est "dada Africa" en lambeaux, oripeaux et autres costumes de fortune colorés, Une soufflerie géante avec papiers mâchés, découpés colle les joyaux de bébris sur le mur et c'est oeuvre d'art tout craché!
Quand la machine rit, les déchets trient!
Bravo à cette équipe folle, empathique cirque de bravoure, de fracas et de drôlerie burlesque et fantasque!
A dada sur le cheval à bascule du trompe l'oeil, du rire noir ou jaune, de la batterie d'inventions percutante de cette bande de foutracs joyeux et performants!
Ca bouscule, ça caracole et carambole à l'envi !



mercredi 24 avril 2019

"Amour-s, lorsque l'amour vous fait signe, suivez-le....." La danse transfigurée, l'Amour en partitions croisées.

RADHOUANE EL MEDDEB
Compagnie de Soi

AMOUR-S, lorsque l’amour vous fait signe, suivez-le…

Habitué des scènes de Strasbourg, Radhouane El Meddeb revient en résidence à POLE-SUD pour sa prochaine création. C’est à partir d’un poème de Khalil Gibran issu du recueil Le Prophète, qu’il s’investit dans cette nouvelle pièce : un hymne à l’amour interprété par trois danseurs et un pianiste. « Qu’est-ce qu’un corps amoureux et comment aime-t-on aujourd’hui? » se demande le chorégraphe. Exercice tant charnel que spirituel qu’il développe dans un questionnement partagé avec la jeunesse actuelle. 

TRAVAUX PUBLICS : ME 24 AVR - 19:00 - POLE-SUD

Au cœur du studio de Pôle Sud, un piano droit et un soliste, Nicolas Worms, interprète et compositeur.
Un jeune homme apparaît, seul dans une danse votive, lente, le dos tourné se déploie délicatement, en douceur. Cou, épaules engagés,enroulés, à pas feutrés...En une énergie retenue, onctueuse, sensible comme une caresse émise le long de son corps. Contraint, prude, modeste, timide, comme empêché, un appel de ses doigts pour y remédier.Oscillant vers l'arrière, les pieds rivés au sol, hésitant, pudique, recroquevillé: son envergure d'oiseau entravé, gêné, courbé, ramassant, recueillant des saveurs et parfums sensuels.
Comme dans un souffle, se jouant de nos imaginaires. Le silence s'empare du plateau après des instants musicaux d'exception, mêlent douceur et lyrisme, sensibilité et inspiration.
Avec un grand respect de soi, une délicate attention, le danseur, homme épris d'amour courtois ou dévoué, les mains en appui sur son ventre, son cœur, est pris de soubresauts légers, compulsifs, de hoquettements , après s'être ouvert, plexus offert, bras largement tendus. De dos, les mains agrippées à son buste racontent l'enlacement, l’accolade, l'étreinte.Plein feux soudain sur la scène pour un beau renversé extatique. Un duo amoureux avec lui-même très lumineux. Les notes de musique reprennent ce relais magnétique, accompagnant, épousant le corps en mouvement plein d'écho et de rémanence musicaux. Oser aller de l'avant, entre raideur don ou repli, recul en offertoire mystique, aspiré par l'arrière, le corps du danseur est habité, les bras en corbeille, généreux, le pas à pas décomposé à la Muybridge ou Marey: une légère élévation sur demie-pointe  qui se pose en suspension, et c'est le miracle de l’Inouï, de l'indicible ...
Les yeux clos, en prière, les gestes enroulés en spirale: albatros maladroit ou attiré par des fils invisibles, l'homme est en proie au sublime du geste, de l'amour intérieur, de soi, de l'autre, absent.
Tout frémit jusqu'aux plis de son pantalon; furtif et confidentiel, il est danseur, en relâchés fugitifs, rétractés en contrepoint. Les poignets se lovent en quête de grâce.
Il semble s'évader, se dissoudre dans le flux et le reflux des gouttes de piano qui s'égrènent sans fin, qui murmure, fluide, ondes qui vont et viennent incessantes. En ressacs.
Mélancolie, nostalgie?Cette immobilité ancrée, le regard perdu au loin, romantique, explorateur engagé dans l'espace et le temps de l'expérience chorégraphique. William Delahaye, remarquable interprète de ses désirs er ressentis, partagés par le public, proche, impliqué dans la lumière, en empathie avec son vécu, troublant.
Une brusque tétanie, entrecoupée de lassitude pour surprendre en contraste saisissant. Le buste envahi, submergé de soulèvements, comme une pixilation segmentée.
Luttant dans l'espace contre des masses d'air, d'éther planant dans une perte de contrôle feinte. Toujours sur place dans des hachures, coups de machette ou décalage-décadrages surprenants
Puis dans des gestes d'offertoire, d'évidence, de clarté, calme serein, il s'efface, quitte la scène après ce passage d'épreuves franchies.
Un hymne à l'amour véritable tableau vivant de l'indescriptible désir d'attirer, de prendre et partager.
Une femme apparaît,  ô surprise après ce solo si limpide
En secousses désordonnées, animée de gestes incontrôlés, les cheveux en crinière , en écho de rémanence visuelle, prolongeant l'énergie de toute sa peau. Axe et centre imperturbables, habitée par une folie décente; des ondes la traversent, en secousses dans une danse instinctive, transe, envoûtement magnétique. En torsions fulgurantes, échappées fugaces, éperdues, animée d'une énergie contagieuse, elle danse. L'osmose avec le pianiste se faisant écho de plus belle. Une empathie réelle, une entente et écoute simultanée de toute beauté!
Elle reprend sa danse, plus rageuse, échevelée, haletante en de courts inspirations organiques, sensuelles. Fendre l'air, arque-boutée, éprise et offerte dans une transfiguration, métamorphose sidérante de son corps, transporté par l'amour. L'agitation fébrile et tressaillante de tout son corps engagé dans une maturité impressionnante. Extase et béatitude donnant toute sa dimension spirituelle à la danse, espace temps métaphysique évident. Tout s'étire et s'adoucit au final au rythme calme du piano dormant. Sirène ondulante, perdant pieds sans sa queue naturelle, créature hybride, elle chute et se rend à la terre inhospitalière Chloé Zomboni au zénith d'un amour inouï .La rencontre entre les deux êtres d'amour ne se fera pas, évident épilogue d'une narration des corps ...

Radhouane El Meddeb, présent ce soir là nous livre ensuite quelques pistes et "secrets de fabrication" sur la genèse du projet, quasiment bouclé après son aventure avec "Le Lac des Cygnes", comme une suite logique à cette "bataille" de taille avec "pointes et chaussons", passe-muraille entre deux univers: de la compagnie au solo, juste un pas de deux pour liaison.
Trouver cet état de corps amoureux, ces fragments d'histoires, ce "murmure du geste ou du mouvement" dans une lumière qui interroge et implique la présence du spectateur.
 Une délicatesse fragile, une ombre unique sur un futur tapis blanc comme prolongement à venir encore...
Pour évoquer l'absent, l'attente, le manque, la perte et l'invisible. Comme une adresse, une incarnation juste et sincère, pour nous transformer aussi au passage dans une épure pleine dans l'instant du va et vient constant entre interprètes, public, pianiste et chorégraphe.
Une qu^te, une expérience singulière, "témoignage" pour que jouent l'identification et la catharsis: se relier avec le public, toujours.
Ce soir là l'échange est fécond et plein de sensibilité et d'intelligence, chacun ayant trouvé comme dans un palimpseste les strates de sa propre construction et de ses fondamentaux
Plus qu'une ébauche, l'oeuvre ici se livre et se délivre comme une pièce mature, portée par des interprètes au plus proche de leur identité d'artiste , transfigurés par l'écriture complice et complexe de Radhouane El Meddeb, en mutation permanente tel un homme en marche qui ne se retourne pas!
Quand musique et danse se rencontrent pour vivre elles aussi un destin croisé, dessiné en silhouettes et mouvements comme un graphisme musical très inspiré.



t,a