dimanche 21 juillet 2019

"Comme un trio" de Jean Claude Gallotta dans Avignon Off: "bonjour allégresse" !


Un trio d'après "Bonjour tristesse" de Françoise Sagan, visité par Gallotta ça ne se refuse pas!
Alors à la Scierie, nouveau lieu du off, à potron minet, c'est à un petit cérémonial amoureux que l'on assiste,ému, touché par cette gestuelle sans pareille, celle de "Daphnis et Chloé", celle des "Louves et Pandora", celle qui rappelle que seul un geste peut faire signe...
Un signe de grace, un clin d'oeil à une écriture volubile, futile, éléganCe et parfois narquoise...Un homme, deux femmes, un duo-trio complexe et naturel à la fois qui se dispute l'espace, qui s'étreint, qui s'attrape en prises en esquives en circonvolutions merveilleuses. La voix de Gallotta évoque Sagan, ou nous confie quelques bribes de phrases, en phase avec une "dramaturgie" de l’indicible, de l’inattendu, de l’Inouï. De la danse distillée par l'énergie des corps expressifs, pétris de musicalité, de sensibilité, à fleur de prises toujours.Alternance des solos, duos, trio, selon les époques de ces amours graciles, capricieux ou dociles. Cette tendresse, cette violence aussi dans les fugues, courses ou déchirements des corps. Séparations, réparations, insouciance ou gravité. Sagan devrait se réjouir de cette visite incongrue dans son oeuvre, de cette brèche, passage discret et fugace dans son espace textuel et poétique.Comme une faille entrebâillée qui laisse deviner le flux et le reflux de la brise légère d'un vent caressant les corps qui se relèvent toujours de leurs aventures amoureuses !


Vive le Sujet" Série 1 et 2 : la SACD à Avignon : de l'audace, toujours de l'audace!

En avant pour la "série" du théâtre vivant, celle qui ne s'invente que depuis 20 ans grâce à la SACD, fidèle instigatrice de ce projet transformiste et modulable, souple et dans l'air du temps qui fracasse les frontières et ouvre des brèches cinglantes à la création indisciplinaire!

Série 1
"Ils se jettent dans les endroits où on ne peut les trouver"
Sur la plante des pieds
Marie Payen en bégaie de plaisir et Mehdi-Georges Lahlou la seconde avec bonheur dans ce champ des possibles où l'on plante verte sans se planter, sinon sur la plante des pieds. Isadorable femme libellule, et lui bourdon docile, s'entretiennent, couchés au sol, jouissant de ce mas de cocagne qu'est la cour de la vierge.Odeurs, saveurs évoquées se partagent dans cet espace de retraite à défricher, encombré de plantes vertes mobiles, sans racine. "Rhizosphère" salvatrice pour Eden retrouvé, voilà un paysage corporel et végétal bienfaisant où la salsa de pomodoro vient à point dans cette communion vocale et corporelle avec l'environnement. Jouissance de kamasutra où une rangée de chaises "tulipes" fait office de jardin des délices, renversant!

"Axis mundi"
Fontes de jardin
Un rituel en noir, gris blanc qui ne laisse pas de glace, malgré les évolutions sataniques d'un être étrange, Elise Vigneron autour d'une femme simple,Anne Nguyen , sa proie et sa victime se jouant de ses manipulations féroces à distance.
Ange ou démon dissimulé derrière quatre panneaux qui se révèlent des sculptures de glace aux empreintes translucides? Menace, traque, danger!La fonte des empreintes est annoncée , les traces font s'effacer, ça craque sous le soleil du petit matin, les mobiles tournent comme des moulins à prière... Dans des jaillissements d'eau répandue, les corps s'élancent et jouissent de glissades éruptives: c'est la débâcle, on s'essore et seules demeurent de minuscules sculptures aux effigies humaines sur la scène refroidie!

"Pontonniers"
Play time
Tablier de chauffe et gros godillots pour Alexis Forestier, en roue libre sur un instrument bidouillé de récupération: paysan, meunier qui tourne sa roue pendant que le monde musical de Annabelle Playe, joue de l'électronique sur son établi musical!
Zaubergarten en toutes langues, vociféré, catatonique déraillement de choix pour ce duo entre tradition rurale et modernité des espaces sonores tonitruants!
A fond les décibels, à fond la caisse à outils pour ce hurleur de foire, colporteur de nouvelles  qui moulent du bon grain de fabrique. Raz de marée déferlant, comme univers de forgeron au travail qui s'échine pour glaner des pièces rares de bric à brac. Marteau piqueur ou console électronique, meme combat pout le chaos sur un pupitre déambulatoire où tel un curé de village et sa valise pédagogique, il fait son homélie, marchand ambulant Du beau travail de soupapes.


"Esplendor e dismorfia"
Chair de bibendum
Des monstres animés, bibendums assis qui nous regardent et le décor vivant est planté!
Vera Mantero et Jonathan Uliel Saldanha, mannequins musclés en tissu gonflé sont d'un "genre singulier" organes dans la tête et voix off qui psalmodie, au poing. Comme pour une prière, elle chante, prosternée ou affalée dans ses atours de feutre surgonflés où les traces d'anatomie sont plus que visibles.
 Langage inventé, annoné, sonore, petit bougé, précis, drôle ave collant de couleur chair comme une seconde peau sans trou! Mais pas justaucorps à la Cunningham !
 Homme araignée qui se manipule dans ses fils de bas nylon, cordes vocales tendues....
 Montres et acariens en images projetées y remettent de l'étrangeté, de l'hybride.
Des os d'omoplate en guise de membres fantômes pour mieux ramer dans ce monde étrange et monstrueux, énigmatique: les voix sont aussi le fil conducteur de Vera Mantero qui excelle dans ce savoir faire hors des frontières d'un organe lui aussi très musclé: la corde vocale!


"Vive le sujet": c'est le cas de le dire ! Séries " 3 et 4

20 ans de "sujet à vif" du "vif du sujet" pour ne jamais changer de cap : rester à vif, tendu, dans le champs des nouvelles écritures indisciplinaires: au début la danse , aujourd'hui les arts mêlés au gré de la créativité, de la verve et des marges.
L'édition 2019, intitulée "vive le sujet" en est bien la preuve par 8 !! par neuf, du tout neuf...Et la SACD de piloter l'affaire avec conviction, audace et détermination!

Série 3
"Comme la France est belle !"
Monnaie de singe !
Quand Gustave Akakpo sur un plateau nu joue au docteur de la langue française, face à un trublion, en sandales de bois, claquant au sol, jouant le trublion de fête, voilà que ça dépote! Menant son compagnon de route par le bras comme un singe savant, Frédéric Blin s'en donne à coeur joie pour vociférer contre le franglais, comique décalé, toujours très prévenant malgré des audaces verbales sur le fil ! Baron perturbateur de ce jeu de pas dupe, il mène la danse et frappe haut et fort là où ça fait mal dans le champ linguistique de l'"incorrect . Du grand guignol très classe pour un pamphlet sauvage sur le non dit avec tac ou incorrection, à vous de choisir votre camp d'interprétation.

"Garden of chance"
Jamais un coup de dé n'abolira le hasard!
De la magie, pince sans rire, jeu de hasard médusant où le public est convié à performer avec les deux protagonistes, Kurt Demey et Christian Ubl
Sur morceaux de pelouses, deux acolytes en costumes neufs, étiquette encore en vue ostensible, construisent des univers de jeu de hasard sur des "parce que" qui rythment mime et danse sur fond de musique glamour: ils se manipulent inspirés par la capoeira, le contact et autres gestes très directionnels, pour un duo détergent, une petite danse en slip autour de ce jardin de la chance où les "mistrals gagnants" sont des photos déchirées qui circulent et reconstituent miraculeusement le monde comme par magie, les yeux bleus grands ouverts sur le monde hormonal qui fait vibrer les êtres et les inspirent d'une participation audacieuse à des jeux de hasard trop souvent déconsidérés!

Série 4
"Ce jardin"
Massages pas sages
Ina Mihalache et Madeleine Fournier se livrent ici sur un plateau nu, à un exercice très esthétisant de numéro, séance d’ostéopathie en direct pour deux bêtes à deux dos. Belle sculpture kinésiologique, faite d'appuis, de bascules, de contact et manipulations.C'est beau et l'on se prend à se glisser dans cet aggloméra de corps maculés de peinture bleue comme pour mieux marquer les empreintes des appuis, impacts et bienfaits de l'une sur l'autre. Comme une compression vivante à la César, les deux femmes s’emmêlent, se fondent en un tout , corps soudés,mordenseur du dentiste qui scrute les impacts de l'énergie sur les mâchoires avec ce bleu Klein, trace et signe du passage à l'actes. Ca pétrit la matière vivante, laissant place au temps et au désir, faisant trembler l'estrade, en un tango thérapeutique salvateur!


"Sa bouche ne connait pas de dimanche" (fable sanguine)
Porcus Déi
Quand le fou marginal, Pierre Guillois, rencontre la femme bouchère débarquée au village, Rébecca Chaillon, c'est de chair et de sang, de foie dévoré sur scène, de nudité et de crudité qu'il faut parler!
Sur tapis rouge et blanc carrelé comme à la boucherie, dans un bain de piscine, tout baigne dans le vif du sujet pour cette anti Vénus callipyge en proie à la cruauté humaine.Quand l'un raconte sa rencontre avec son bourreau gentiment pervers, l'autre se répand en propos désopilants, tablier en cote de mailles, saucisses au poing qu'elle fait griller au barbecue. Un vrai cochon comme animal de bonne compagnie.Le fou se macule de bandes bleues, centaure païen, s'arrose de matières roses dégoulinantes, devient figure de piéta? tas de barbaque bouchère, Christ  dans les bras d'une mère nourricière sans foi ni loi!
Pas de "quartier" pour ce conte de fées trivial, détartrant, décapant à souhait dans une verve et une poésie cruelle digne d'un Artaud féminin, mené de mains de maitre par ces deux escogriffes du non conventionnel ! Une pièce de bouchère à se mettre absolument sous la dent!
Vegan et végétariens, ne pas s'abstenir!