samedi 25 mars 2023

"Des fleurs pour Algernon" : lecture musicale "conte-rendu" à Stimultania sur les "interstices" de Frédéric Stucin: sans faille ni anicroche.

 


Lecture musicale "Des fleurs pour Algernon" 🎷
📖
Après un prélude au texte poignant de Daniel Keyes, en écho à l’exposition" Les interstices" de Frédéric Stucin, le comédien Luc Schillinger accompagné d’Arsenio Quichotte au saxophone l'ont présenté samedi  dans toute son étendue dramaturgique. 
 
Dans le cadre de l'exposition photographique"Les interstices" de Fred Stucin à la Galerie Stimultania voici un duo percutant, une rencontre de choc entre une "nouvelle littéraire" et deux artistes complices d'une lecture judicieuse. Le choix du texte s'imposait:
Algernon est une souris de laboratoire. Après une opération du cerveau, elle devient très « intelligente »…  Alors la même opération est tentée sur Charlie Gordon, un humain simple d’esprit. Guidé par Miss Kinian, son professeur dont il est secrètement amoureux, il s’approche du génie…
Mais un jour, le processus commence à s’inverser chez Algernon. Et Charlie Gordon prend conscience de ce qui va lui arriver… 

 C'est ce ce roman ou nouvelle réadapté pour l'occasion par Monique Seemann que partent nos deux artistes. L'un, conteur, lecteur et comédien, l'autre, musicien avec ses deux saxophones en écho. Le personnage prend corps au fur et à mesure de la lecture: de naïf, simplet ou handicapé mental attirant empathie, bienveillance mais aussi moquerie, le voici à la recherche de l'intelligence qu'il convoite tant. Des tests lui sont proposés: celui de "la tache d'encre de
Rorschach", tarte à la crème de la psychiatrie. Il faudrait y voir des formes paréidolies, mais notre homme n'en voit pas! Ravi, béat, Charly rêve et se confronte à la médecine expérimentale avec ravissement et joie.Les autres l'entourent, le considèrent, le choient. Mais tout va s'inverser avec l'opération et sa petite souris qu'il poursuit en vain dans son labyrinthe le tarabuste. Va-t-il réussir à la doubler ? Chose faite avec succès et notre homme devient hyper intelligent, asperger et du coup les autres le renient...L'innocence, la franchise se dessinent si bien sur le visage de Luc Schillinger, sa naïveté, se fraicheur le poursuivent à travers la salle d'exposition dont il côtoyé les visages affichés, photographiés tendrement avec respect et dans une belle proximité intuitive. Le dialogue avec ces œuvres résonne de concert avec les sons et mélodies du saxophone de Arsène Ott, au diapason du jeu, de la lecture, des accents du comédien. Vibrant aussi en résonance avec le contenu, le sens de ce monologue aux multiples aspects, visages. En entremets ou en couverture bordeuse des mots du récitant. Improvisations et sons frappés sur l'instrument comme de petites touches de suspense, d'inquiétude, de question. Le binôme fonctionne à merveille, à l'unisson ou en alternance et l'on suit ce voyage dans le mental et l'univers psychiatrique avec émotion, intérêt, empathie.
Une belle rencontre unique, inédite, inouïe entre texte et photographies, menée de main de maitre par deux interprètes complices.
 
 

Autour et avec les photos de l'exposition:pendant un an, le photographe Frédéric Stucin s’est installé dans la cafétéria accolée au service psychiatrique de l’hôpital de Niort pour y observer les « interstices », photographiant patients et soignants : en résulte un doux ensemble de quatre-vingt-deux photographies sur ces lieux de soin souvent stigmatisés.
 

 
 
A la Galerie Stimultania le samedi 25 MARS
 
 

vendredi 24 mars 2023

"Le bateau ivre": Christophe Feltz "illuminé".....Rimbaud restitué, ivresse d'un flacon navigateur et zutiste !

 


Pour cette nouvelle création, la compagnie Théâtre Lumière s'est immergée dans l'œuvre de l'immense poète Arthur Rimbaud. 
 
« Le Bateau Ivre » offre une soirée en toute intimité avec l'essence même de  l'écrivain : son talent brut, sa profondeur et ses fulgurances poétiques avec les Illuminations, la Saison en Enfer et le Bateau Ivre entre autres.Christophe Feltz au diapason de l'esprit rimbaldien: ivre de poésie, d'amour, de vin et d'autres fragrances intuitives, légères ou sombres. Au creux de cette légendaire salle mystique du Munsterhof que voici un bien bel hommage fougueux au poète révolté, apatride, amoureux, insoumis, volage ou éperdument égaré, passionné. Le ton, le timbre de la voix de notre comédien-conteur, lecteur semblent taillés sur mesure pour correspondre à l'intimité, la sensualité ou la voracité des textes.Habité par le dévouement qu'il voue et offre au poète disparu mais si présent ce soir là, Christophe Feltz jouit et jubile. On se replonge dans "Le dormeur du Val", dans "Ophélie"ou "Voyelles" avec un gout de nostalgie, de mélancolie ou de délicatesse. De délices savoureux de cette langue si corsée, si incisive, si loquasse et belle. Le tout bordé par la musique de Grégory Ott, fidèle compagnon de jeu de Christophe Feltz : en "bonne compagnie", rythmant , épousant la prosodie autant que la rythmique des vers ou de la prose de Rimbaud: exercice de style et d'accompagnement judicieux, juste. Chalenge que de suivre pas à pas les paroles que distille notre lecteur fougueux, lui aussi dans l'état d'ivresse et de don de l'auteur. Les "Gymnopédies" de Satie venant se glisser audacieusement dans cet univers de rêve autant que de trivialité crue et nue.Chopin s'infiltre et trouve sa place dans ce monde si riche, si chromatique, parfumé, aux senteurs si sensibles.Un bel hommage, ode de toutes les couleurs-rose, bleu- de la poésie de ce voyou, voyant, homme de sollicitude, de révérence autant que de rébellion. Un duo" Ott-Feltz" comme un adage, un pas de deux illuminé, alerte et volubile sur la corde tendue du flux poétique, charmeur de l'oeuvre de Rimbaud.Une respiration, un souffle salvateur musical pour une atmosphère nimbée de tendresse autant que de drame et de folie.

"Nous désirons indiquer que toutes les dénominations qui ont eu cours jusqu’à ce jour à son sujet, nous n’en retiendrons, ni n’en rejetterons aucune (Rimbaud le Voyant, Rimbaud le Voyou...)

Simplement elles ne nous intéressent pas, exactes ou non, conformes ou non, puisqu’un être tel que Rimbaud les contient nécessairement toutes.
Rimbaud le Poète, cela suffit, cela est infini !" René Char

"Par les soirs bleus d'été, j'irai dans les sentiers,
Picoté par les blés, fouler l'herbe menue :
Rêveur, j'en sentirai la fraîcheur à mes pieds.
Je laisserai le vent baigner ma tête nue.
Je ne parlerai pas, je ne penserai rien :
Mais l'amour infini me montera dans l'âme,
Et j'irai loin, bien loin, comme un bohémien,
Par la Nature, - heureux comme avec une femme." Arthur Rimbaud
 

arthur rimbaud ernest pignon ernest

J'ai tendu des cordes de clocher à clocher ; des guirlandes de fenêtre à fenêtre ; des chaînes d'or d'étoile à étoile, et je danse
.

 

 

                                                             rue férou le bateau ivre 


 
Christophe Feltz (jeu) et Grégory Ott au piano (Chopin, Satie et compositions originales)

 le vendredi 24 mars 2023 à 20h à la salle Amadeus du Münsterhof au 9, rue des Juifs à Strasbourg.


 

"Horizons nouveaux"': pas de deux, trio , délicatesse, rafinement de l'interprétation de trois chefs d'oeuvre à l'élan juvénil.

 


Emmené par Renaud Capuçon, ce concert a permis à de jeunes instrumentistes d’interpréter des oeuvres faites de profondeur et de légèreté.

 

Faire briller les solistes

Wolfgang AMADEUS MOZART
Rondo en do majeur pour violon et orchestre
Symphonie concertante pour violon et alto

Le Rondo pour violon et orchestre est l’œuvre d’un Mozart de vingt-cinq ans et suit de quelques mois la poignante Symphonie concertante. Celle-ci marque une date car le compositeur, qui lui-même jouait de l’alto, permet pour la première fois à cet instrument de chanter à parts égales avec le violon, et de faire entendre son incomparable sonorité. Face à un orchestre, le violon n'est pas toujours soliste, loin de là! Les modalités de sa présence sont très diverses, comme en témoignent ces deux oeuvres, "classiques" dans leur tonalité. Certes, le violon peut briller seul comme dans le "Rondo", une pièce courte et convaincante. Mais il peut également jouer avec d'autres cordes de tessiture différente, ce qui intègre la dimension du timbre : ce choix de Mozart dans sa "symphonie concertante pour violon et alto" en est une belle illustration: il faut voir Renaud Capuçon jouer, bouger et faire vibrer tout son corps et son instrument si intimement reliés avec Paul Zientara, longue silhouette longiligne et interprétation sans faute d'une oeuvre complexe. Un duo, un adage digne d'un morceau de bravoure d'un ballet classique, un pas de deux en connivence et chorégraphie spontanée d'aller et retour, question-réponse, sidérant.Et Renaud Capuçon de surcroit de diriger simultanément l'orchestre en ne lâchant jamais son instrument, seconde baguette magnétique et magique du moment.

Ludwig VAN BEETHOVEN
Triple concerto

Après la Conférence d'avant-concert de ce Jeudi 23 mars 19h "La fraternité en acte" animée par Elisabeth Brisson, voici l'oeuvre tant attendue:

Conçu par Beethoven pour trois instrumentistes virtuoses, ce concerto repose sur une dimension avant tout « concertante » : présenté comme « Konzertant Konzert », genre à ne pas confondre avec celui de la symphonie pour orchestre, il confère la même importance à chacun des trois.
Pourquoi et comment Beethoven a-t-il relevé ce défi compositionnel ? Quant au Triple Concerto de Beethoven, il s’agit également, d’une certaine manière, d’une symphonie concertante pleine de bonne humeur, qui porte idéalement l’élan juvénile des musiciens qui s’en emparent.Et l'oeuvre d'être portée par l'orchestre et les soliste, comme un monument de contrastes, de subtilité, de doigté virtuose pour bâtir des sonorités douces ou tumultueuses. Cadences et structure amplifiées pour prolonger ces trois mouvements où s'intègrent les solistes: piano avec Nathalie Milstein, violon avec Raphaelle Moreau et violoncelle avec Stéphanie Huang. Des solistes déjà aguerris et doués d'une sensibilité, une écoute hors pair pour leurs jeunes années de pratique orchestrale.L'oeuvre est ample et se déploie à l'envi sous la direction efficace et sensible de Renaud Capuçon, présent, à l'affut de ses pairs relevant le défi de bien intégrer chacun dans le flux et reflux de cette musique savante.

Un concert "charmeur", distingué, raffiné aux accents "classiques" débordés par une petite révolution de palais: des solistes immergés dans l'orchestre et sous les feux de la rampe de la musique toujours en mutation de composition et d'écriture. Le Philharmonique toujours au plus haut de ses capacités.

 

Distribution Renaud CAPUÇON direction et violon, Raphaëlle MOREAU violon, Paul ZIENTARA alto, Stéphanie HUANG violoncelle, Nathalia MILSTEIN piano

Palais de la Musique et des Congrès le jeudi 23 Mars