lundi 1 septembre 2025

"Rouge gazon": dérouler le gazon rouge du jubilé....Julien Lepreux aux consoles....

 


« J’entends par musique sacrée une musique qui s’adresse aux vivants et aux morts. Elle n’est ni triste, ni joyeuse, le plus souvent entre les deux, colorée comme le ciel de l’aube. »
Julien Lepreux

Le concert de cette fin de saison est l’occasion d’accueillir Julien Lepreux, compositeur (notamment de la musique du Conte d’hiver et du feuilleton Hériter des brumes) qui nous proposera un voyage sensible en plusieurs étapes comme pour mieux entrer dans la substance musicale. Musique sacrée, rêverie sonore électroacoustique inspirée par le lieu et puis concert accompagné par ses compagnons de route. La musique de cet événement exceptionnel et unique est inspirée et composée dans les lieux d’ici (Bussang, alentours, le Théâtre…) d’où le titre évocateur : Rouge Gazon.

« Les rivières, les lacs, les collines, la brume, et ce navire - vaisseau spatial qu’est le Théâtre du Peuple, les fantômes de l’amour et de la mort qui y errent nuit et jour et ces gens passionnés qui y travaillent m’ont inspiré une série de morceaux salvateurs que je présenterai en trois actes musicaux dont le premier aura lieu dans l’église de Bussang. Jérémie Marchal assurera les partitions d’orgue. En acte 2 nous aurons une rêverie sonore, où le public sera convié à s’envelopper dans une musique électronique ciselée pour le voyage immobile. Dans le troisième acte aux teintes à la lisière de la pop, nous jouerons à plein volume dans le théâtre. Pour cette occasion j’ai invité deux amis du collectif Micro Réalité. Je rêverais d’un quatrième acte où nous pourrions inviter le public à danser, mais l’imprévisible décidera pour nous. Merci à toutes les oreilles curieuses qui viendront ce jour-là ! »

Pour clore en beauté la saison "jubilons" des 130 ans du Théâtre du Peuple est rendu un hommage à la musique de notre temps, aux silences, à la déambulation de tout un petit peuple de fervents du théâtre local et international! La dimension humaine de l'expérience unique du Théâtre du Peuple" de Bussang vaut bien qu'on lui déroule le tapis rouge et c'est "rouge gazon" qui fera office de fête fédérative, d'hommage au lieu, à la Famille Pottecher et Hans, à l'arbre mythique, ce hêtre centenaire, arbre du milieu, de la sagrada familia vosgienne. 

C'est dans l'église de Bussang qu'a lieu le premier partage de cette folle journée: le lieu investi par le public fidèle résonne des notes de la partition originale de Julien Lepreux, interprète et auteur de cette ode au Théâtre,à l'endroit dédié à l'art dramatique amateur et professionnel depuis 130 ans: un jubilé jubilatoire qui rend heureux, plein de joie et de découvertes, d'échanges et de relations humaines. La musique est étrange, souffle des colonnes tuyaux de l'orgue comme une respiration lente ou enjouée de cet instrument à vent et percussions, roi des lieux sacrés, emblème de puissance divine autant que de méditation religieuse ou laïque... Le musicien compositeur y déploie son talent d'inventeur de sons, de vibrations, de syntaxe musicale vibrante. Emotion et sensations surgissent de l'écoute collective d'une oeuvre taillée sur mesure, à la démesure du projet fou et ambitieux du Théâtre du Peuple. Fédérer, surprendre, être audacieux autant que respectueux..Un beau cortège bien vivant grimpe un peu plus tard jusqu'au théâtre tout de bois: silence d'un petit défilé joyeux et recueilli, volage , bavard ou simplement heureux de vivre les derniers instants conviviaux du festival d'été. La musique encore au creux des oreilles, celle d'un compositeur compagnon de chorégraphes, Pierre Rigal et Emmanuel Eggermont entre autre. C'est dire si cela circule, si le son vibre et se répand encore, volubile, versatile, empreint de mystère autant que de verve finale explosive. Les poumons de l'orgue en résonance des pas des pélerins de cette cérémonie votive païenne. La déambulation, petite cérémonie collective pour lier et relier, "renouer" avec la tradition autant qu'avec le contemporain actuel.La manifestation comme une balade collective jusqu'au sommet!

Puis c'est le concert à l'intérieur du théâtre de bois le compositeur seul dans l'arène en compagnie au départ d'une bande son électronique pour incarner l'esprit du lieu et de ses petits lutins de l'air..En fond de scène, le paysage grand ouvert sur la colline qui déploie son envergure sacrée ou profane selon les optiques vécues. Au clavier il égrène sons, notes et bruissements fertiles, juxtapositions de tonalités versatiles qui brouille les pistes d'une écoute traditionnelle. Indisciplinaire à souhait comme dans la seconde partie après le partage du gâteau d'anniversaire où le groupe de cinq musiciens s"adonnent  au jeu de la composition éclectique raisonnée, jeu auréolé de chant, voix profonde et de danse reptilienne au loin dans la jungle du paysage sylvestre. C'est beau et touchant, vibrant de bonnes ondes propagées par le public fidèle et nombreux, venu célébrer ce jubilé inédit...Bénévoles en tête de gondole, anciens et vieux combattants du théâtre, aficionados multiples et bienveillants. Le gâteau en partage comme une communion, un rituel partageux de rigueur et de mise sous un soleil rayonnant !!! Un final qui augure d'une suite de cette série passionnante: hériter des brumes c'est pas du gâteau, mais que c'est bon !

A Bussang le dimanche 31 Aout 

"Heriter des brumes":la saga Pottecher fait sa série :la sagrada familia explose!

 


« Allez donc ! Vivez, entreprenez, affirmez ! Trompez-vous quelquefois, soyez hardis, présomptueux, injustes même pour vos devanciers. L’essentiel n’est-il pas de croire qu’on peut bien faire quand on veut faire bien ? »
Maurice Pottecher, Paroles d'un père

Hériter des brumes, c’est l’histoire d’une troupe de théâtre, composée d’acteurices et d’auteurices d’aujourd’hui, qui tentent de reconstituer l’aventure du Théâtre du Peuple, cent trente ans après sa création. C’est un feuilleton théâtral, en six épisodes. C’est une quête pour essayer de comprendre ce qu’est une utopie et ce que peut l’utopie, pour nous, aujourd’hui. Il y a dedans beaucoup d’amitiés et de passions, des fantômes, deux guerres mondiales, le village de Bussang, des histoires d’amour, des histoires de famille, d’innombrables crises, d’innombrables réconciliations, des arbres, des paysages... et des spectacles, beaucoup de spectacles.

Le texte, né de la commande de Julie Delille, sera joué par huit acteurices, dans une distribution mêlant professionnel·les et amateurices. Comme un point de rencontre, de réunion, entre l’héritage et le présent. Il s’agira d’une expérience que nous espérons aussi singulière que ce lieu qui nous accueille : un théâtre qui ne cherche pas à mettre son paysage au-dehors, à en faire un décor mais qui se mêle à lui, qui retrouve sa place : un élément du grand tout. Pour que des frissons anciens se mêlent aux énergies nouvelles, il ne nous reste qu’à jubiler ensemble !

Comment conter l'épopée du théâtre du peuple sans lasser,sans omettre tous les tenants et aboutissants d 'une aventure théâtrale unique et resplendissante? En six épisodes rocambolesques et tonitruants signés des deux artistes associés à la nouvelle équipe fédérée autour de Julie Delille,Alix Fournier-Pittaluga et Paul Francesconi.Pari audacieux et tenu pour un voyage dans le temps et les multiples aspects d'un esprit,d'une direction artistique entre tradition et modernité, répertoire et créations.Un travail titanesque et gigantesque servi par une mise en espace des plus sobre et dépouillée signée Julie,la maîtresse des lieux de cette renouée bucolique.Ancestrale et contemporaine à souhait. Héritage, passation raisonnée de toute la vie d'un peuple campagnard et ouvrier dédiée à l'art du théâtre vivant amateur.Les deux derniers épisodes de cette série à rebondissements évoquent des chapitres délicats :ceux de la mue ou mutation du projet du couple fondateur et légendaire des Pottecher et de la suite débridée des multiples directions artistiques de ce lieu mythique..Servie par huit comédiens hors pair dont Axel Godard qui excelle dans les modulations de rôle surtout celui de Pierre Richard Willm .Une audace corporelle incroyable teintée de délicatesse et de nostalgie surprenante.Son évanouissement spectral par dessus la forêt est un morceau de bravoure sans égal.Disparition d 'un personnage phare qui savoure son impact..Un acteur est né, plein de charme, de conviction, incarnant un tout vieil homme déçu, désemparé, autant qu'un fringuant metteur en scène ambitieux et volage...Le visage éclairé par une mèche de cheveux en boucle, le corps empreint de sensations et d'une sensibilité dansante médusante.

Sans parler de ses compères, professionnels ou pas, la différence est invisible, tous investis par ce projet fou et passionnant. Antoine Sastre en passeur révolté, magnifique personnage que ce Tibor désenchanté!On songe à revoir l'intégrale de ce "hériter de la brume" en compagnie de ces "héritiers" bien vivants d'un théâtre populaire, reliant les uns aux autres sur un territoire loin d'être vierge d'expériences de cette communauté singulière de la scène.Toujours auréolés de l'ambiance sonre signée Julien Lepreux

 A Bussang jusqu'au 30 Aout

 

« Regarde, Pierre. Le fond de vallée se couvre. Le soleil paresseux change de couleur sur le toit des maisons. Les Vosgiens se couchent tôt. Nous, nous marchons encore. Les arbres nous bouchaient la vue jusqu’à maintenant et à chaque fois qu’on s’enfonçait dans la forêt, j’avais peur de me perdre, mais j’étais heureux que tu marches avec moi, Pierre, enfin tranquilles, là, et les arbres qui eux savent murmurer pour nous donner la paix. Il y a tellement de monde qui passe tous les jours au théâtre en été. Le monde des hommes est bruyant. Le fond de vallée n’est pas habitué. Le fond de vallée ne demande qu’une chose, j’ai l’impression. Qu’on l’aime en silence, mais qu’on l’aime tout de même. Je t’aime, fond de vallée, que la brume console ! » 
Alix Fournier-Pittaluga et Paul Francesconi, Hériter des brumes, 
épisode 2 "Grandir"

 

Générique

texte Alix Fournier-Pittaluga et Paul Francesconi
mise en scène Julie Delille
dramaturgie Alix Fournier-Pittaluga
scénographie et costumes Clémence Delille
création musicale Julien Lepreux
création lumière Elsa Revol
assistanat mise en scène Sandrine Pirès
assistanat scénographie et costumes Élise Villatte
régie générale Fernando Rodrigues-Millos

avec Raphaëlle de La Bouillerie, Axel Godard, Antoine Sastre, et 6 comédien·nes amateurices : Monique Cordella, Inaya Didierjean, Quentin Dupetit, Charlotte Gérard, Jennifer Halter, Benjamin Pourchet

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dimanche 31 août 2025

"Le roi nu" et tout cru..Bussang fait sa comédie politique

 

« Je n’écris pas un conte pour dissimuler une signification, mais pour dévoiler, pour dire à pleine voix, de toutes mes forces, ce que je pense. » Evgueni Schwartz

Henri, modeste gardien de cochons, et Henriette, une belle princesse au caractère bien trempé, tombent fous amoureux. Mais le père d’Henriette lui a choisi pour mari le Roi le plus terrible, un tyran sans limite qui fait régner la terreur. Henri, pourtant banni, ne se décourage pas et, accompagné de son ami Christian, va déployer intelligence et audace. À l’issue d’un stratagème aussi drôle que cruel, le rusé Henri retrouvera son Henriette. Surtout il mettra littéralement à nu le tyran, le rendant ridicule aux yeux de celles et ceux qu’il avait asservis : humilié et dépité, le dictateur s’enfuira laissant enfin le peuple recouvrer ses droits.

Evgueni Schwartz écrit Le Roi nu en 1934 en Union soviétique. Rusé, comme son personnage principal, il tresse trois contes d’Andersen -- La Princesse et le Porcher, La Princesse au Petit Pois, Les Habits neufs de l’Empereur -- et invente une nouvelle fable que les spectatrices et spectateurs n’ont aucun mal à décoder : le Roi nu c’est aussi bien Staline qu’Hitler. La pièce, jamais jouée du vivant de l’auteur, a depuis connu un triomphe mondial. Et ironiquement, elle n’en est que plus actuelle, tant tel ou tel dirigeant a aujourd’hui la tentation de jouer les apprentis-sorciers, notamment de l’autre côté de l’Atlantique. 

Inviter Sylvain Maurice pour la première fois à Bussang est une évidence. "Artiste de maison", sa sensibilité et son sens du collectif vont trouver à Bussang matière à s’exprimer. Il poursuit avec Le Roi nu son travail autour du théâtre et de la musique, avec deux musiciens "en live" et, en associant comme le veut la tradition comédien·nes professionnel·les et amateurices, pour nous faire découvrir une fable magnifique, aussi drôle qu’inquiétante.

 


« Le tyran est un bouffon : il fait le show, danse sur Village People, sature les écrans et pour humilier constamment, la vulgarité en bandoulière. Mais prisonnier de son reflet, il finit dans le plus simple appareil, nu comme un ver. C’est ainsi qu’en s’inspirant de trois contes d’Andersen (et principalement Les habits neufs de l’Empereur), Schwartz déshabille littéralement la tyrannie avec autant de poésie que de férocité. Il est notre contemporain.

J’ai alors imaginé à Bussang, au cœur de la forêt, une fédération d’ami·e·s - spectateurices et artistes réuni·es - communier dans un rire authentique, à l’opposé de l’ironie obscène des sunlights. Avec l’espoir que, grâce au théâtre, nous pourrions montrer l’imbécilité et l’arrogance des puissants. »
Sylvain Maurice, metteur en scène

Un cabaret,un vaudeville ou une comédie musicale au Théâtre du peuple pourquoi pas.. Ou plus exactement un pamphlet sur le pouvoir,ses fantasmes,ses abus,sa tyrannie et son ridicule proche des comédies de Moliere ou du "Ubu Roi" de Jarry.C' est dire si cette farce démarre sur les chapeaux de roue à la Cour d'un roitelet qui songe au mariage avec une princesse éprise d'un éleveur de porcelets...Drame épique en diable qui s'annonce à coup de felonie, de danse enjouée en costumes  chatoyants à l'envi.Le texte d'Evgueni Schwartz fait jubiler les acteurs ,petits cochonnets ou caricatures de serviteurs de cette cour dés miracles. Tambour battant la mise en scène de Sylvain Maurice bat son plein et tout avance en intrigues rebondissantes.Manuel Le Lièvre faisant office  de pantin jubilatoire,chef de tribu déjanté et drolatique personnage imbu de pouvoir.La seconde partie beaucoup plus convaincante est profondément politique et révèle les travers et dysfonctionnements du pouvoir absolu.C'est autour du costume de mariage du roitelet que tout rebondit.Mensonges,supercherie,leurres et autres facéties pour décrire l'hypocrite condition du politique : un régal de paysage frauduleux,burlesque et comique sur fond de réalité électorale en diable. Diatribe fantasque et récit déchirant de vérité et d'actualité. La trahison et l'abus de confiance en filigrane..Des entremets musicaux égayent le tout signés Laurent Grais et Dayan Korolic.Le tout fait un spectacle plein de verve,divertissement de haute volée pour public averti et friand de gaieté constructive.Sylvain Maurice metteur en scène habile et amuseur drolatique de cet opus plein de vérités désopilantes.

La belle équipe  des membres de la troupe des comédiens amateurs du Théâtre du Peuple y remplit son rôle de mise à disposition généreuse et bénévole de l'art populaire théâtral de proximité. Chapeau les artistes et longue vie à leur enthousiasme pqrtageux et partagé par un public à l'écoute du monde.

A Bussang jusqu'au 30 août 

geux..bisous