lundi 27 octobre 2025

POUSH #3 Chaillot invite : transformation et métamorphose au menu! Poush toi de là que je m'y mette...

Pour la troisième fois, les espaces du Palais de Chaillot vont être bousculés par des propositions artistiques choisies par Yvannoé Kruger et son équipe du POUSH.  Centre d’art et de résidences d’artistes d’Aubervilliers. Dans un esprit de découverte et de dialogue avec les publics, cinq artistes investissent le haut lieu de la danse par des installations in situ, des vidéos, et des performances, promptes à rendre l’événement unique. Spare Memories de Hector Garoscio s’empare d’une moto désossée et d’une guitare électrique, tandis que le Libanais Pascal Hachem expose des corps à la manière d’une sculpture vivante (Photoshop me). Suricata, de son vrai nom Federico González, musicien multidisciplinaire proche de la culture rave, installe son soundsystem pour une performance et un set live. En continu, on découvrira le travail de vidéo de Jisoo Yoo, et une installation de Winnie Mo Rielly.

 

'Dichotomy 3' par Pascal Hachem 

Avec : Pascal Hachem, Hector Garoscio, Winnie Mo Rielly, Suricata et Jisoo Yoo


'Dichotomy 3' par Pascal Hachem serait la perle de cette soirée déjantée, marathon salvateur pour public friand de surprises, de déambulations et autre pérégrinations au sein du Palais de Chaillot: ici berceau des fines fleurs de l'art contemporain associé de très près à la performance, aux installations et autres formes de monstration des expressions artistiques contemporaines. Ecrin de mise pour ce mur blanc percé qui abrite les fragments de membres comme Robert Gober le plasticien sculpteur des corps démembrés qui surgissent de murs, de recoin. On les rencontre ici comme sur une surface de grimpette alpine qui se battent avec les apparitions-disparitions et l'effet est sidérant. Comme un abécédaire, les formes des corps insérés dans l'envers du cadre cherchent leur place, recto-verso et mobilisent l'ensemble dans une vision quelque peu fantastique et fantaisiste d'une architecture vivante. Les propositions corporelles comme un codex à déchiffrer et décrypter à foison.

Plus intimiste, les vidéos de Jisoo Yoo, où un corps translucide sans tête se déplace au sein d'un appartement fantôme. Le spectre erre et navigue dans ces espaces, espèces de mirages en noir et blanc. Légers et transparents, les décors se fondent en lui et respirent cette perte, cette absence de chair en harmonie, simple mise en scène onirique et translucide de l'indicible.

 Et quand les pianos préparés, disloqués de Suricata susurrent une musique cosmique au coeur du public dans le Grand foyer de la danse, c'est comme un bal qui s'emballe et disloque l'attention en autant de points sonores déversant des sons et harmonies plein de fréquences rarissimes. Les tableaux piège de ces carcasses d'instrument à cordes pincées, à touches désarticulées sont autant de vestiges, de carapaces ou d'exosquelettes fort beaux et intriguant à contempler durant l'écoute.

Au TND Chaillot le 21 Octobre 

dimanche 26 octobre 2025

UMUNYANA Cedric Mizero: quand la voix est fête et danse, quand les cornes résonnent comme des trophées de mémoire

 


On dit que Girinshuti erre sous l’emprise d’une étrange maladie mentale, confronté à des vaches, figures centrales du paysage rwandais. Cedric Mizero déploie une installation performative où se tissent récit fictionnel et réminiscences de l’enfance. Né dans l’ouest du Rwanda au début des années 1990, Cedric Mizero est un artiste autodidacte dont la pratique hybride mêle
arts visuels, mode et performance. UMUNYANA évoque un monde suspendu, traversé par un personnage souffrant d’un trouble de la mémoire, qui l’entraîne dans un univers où l’Inka — la vache — est pleurée, chantée, incarnée. Déesse vénérée autrefois, aujourd’hui disparue, elle réapparaît comme un spectre lumineux que les corps tentent de ressusciter par le geste, le souffle et le chant. Marqué par ses recherches sur l’abattage des animaux les jours de marché — une pratique qui contraste fortement avec la vénération culturelle du Rwanda pour les vaches — Cedric Mizero construit cette installation comme une vision fragmentée. Des images émergent d’une salle à l’autre, explorant l’histoire et la culture du bétail au Rwanda. UMUNYANA chante la perte d’un monde rural effacé et célèbre les liens invisibles qui unissent l’humain à l’animal, au passé et à la terre.


A la Ménagerie de Verre tout tremble et retentit au son de la voix d'une femme noire au coeur de l'espace partagé de plain pied avec le public appelé à partager une cérémonie païenne sonore et pleine de résonance, de sonorités charnelles: celle de la voix puissante aux fréquences denses et emplies de présence. Alors que sur un écran défilent les images d'une assemblée réunie à l'occasion d'une fête ou d'un rituel. Le mystère demeure, des offrandes circulent parmi le public: de petites abeilles en matières de récupérations très touchantes et naïves. Les cornes des vaches de ce rituel de la mémoire en objets d'adoration respectueuse autant qu'en oeuvres d'art plastiques singulières.Trophées de mémoire et de passation cultuelle rare et symbole d'appartenance à une tribu, à un peuple, à une famille élargie d'être humains soudés et solidaires. Un danseur s’immisce dans ce jeu de réactivation de mémoire, c'est Cédric Mizero à l'envergure gestuelle singulière. Corps offert et livré à l'évocation de sensations archaïques: celle de la dévotion autant qu'à l'amour de l'animal, vache chérie de l'enfance rurale. Il chante accompagné de notre guide qui nous invite à déambuler jusqu'au grand studio à l'étage de la Ménagerie. Voyage spatial animé de surprises et du développement du propos du chorégraphe. Divagations salvatrices dans cette atmosphère prenante et envoutante. Ils seront plusieurs à nous conduire dans l'antre de ce rituel, le chant comme fondement et clef de voute du passage d'un endroit à un autre.Voix puissante aux sonorités graves et frémissantes, aux accents joyeux et radieux. Les corps se mouvant, offerts, rythmant la danse, frappes au sol, sauts brefs, rapides, enchainés comme des coups , des percussions rituelles évidentes. Les costumes chatoyants comme des flammes, les guêtres comme des peaux d'animaux, revêtues le temps d'un sacrifice ou d'une cérémonie partagée salvatrice. Un groupe, une tribu passionnée incarnant des esprits très présents, bienveillants saluant terre et ciel comme des axes fondamentaux de pensée en mouvement. Entre anges et bêtes, entre corps et voix poreux et transversaux sans cesse animé par une énergie débordante et contagieuse. Quand ils disparaissent à nos yeux c'est pour mieux incarner les voix et la muse Echo qui ne se montre jamais. Et les cornes demeurant comme des arches à franchir pour accéder à un au delà inconnu.


A la Menagerie de Verre jusqu'au 25 Octobre dans le cadre du festival d'automne à paris

Maria Hassabi "On Stage" : l'infime et l'imperceptible


 Que se passe-t-il lorsque le processus d’une image est révélé ? L’artiste et chorégraphe Maria Hassabi présente On Stage, se transformant silencieusement d’une pose à l’autre. Elle met en scène son style caractéristique – fait d’immobilité, de lenteur et de précision – et invite le public à réveiller ses propres références face à ce défilé d’images iconiques ou banales qui se déploient.


 
L'atmosphère est au recueillement, à l'écoute de l'indistinct, de l'infime filet de sons, de lumière qui envahit une obscure clarté sur le plateau. Des instants durant la fragilité des images d'une présence magnétique au coeur de la scène se fait souveraine et hypnotique. Le bain et l'immersion dans le noir scintillant des contours d'une forme humaine est troublant, déstabilisant Et pourtant rien ne bouge en apparence sinon les sons atmosphériques d'une partition cachée. Elle est là et se dessine peut à peu au coeur de l'espace vide, devenu immense berceau de petits riens de micro mouvements kinestésiques sidérants. Une femme se révèle peu à peu comme dans un bain photographique. En blouson et jean délavé, tenue de travail, les cheveux tiré en arrière. Le stricte nécessaire pour une expression rude et franche, sans détour ni parasites. Du brut minimaliste à l'état pur incarné: un corps qui oscille, ploie, se délivre de la pesanteur pour mieux fléchir et y retourner. La performance de Maria Hassabi est viscérale et provoque un état d'écoute et de présence de la part de celui qui la regarde au travail. Empathie nécessaire pour apprécier la performance bordée d'un univers sonore vaste et quasi naturel, aux sons évocateurs de larges paysages. Elle est puissante et se révèle comme une icône à adorer dans un rituel paien à savourer sans fin. Hypnotique et précieuse chorégraphie du corps se mouvant au millimètre près dans une aisance et un souffle continu impressionnant. Infime détail et justesse des mouvements comme credo et signature d'une sculptrice de gestes émouvants. Une interprète virtuose singulière et très dosée, irradiant mystère et plasticité inouïs.

Au TND Chaillot jusqu'au 24 Octobre