dimanche 26 octobre 2025

UMUNYANA Cedric Mizero: quand la voix est fête et danse, quand les cornes résonnent comme des trophées de mémoire

 


On dit que Girinshuti erre sous l’emprise d’une étrange maladie mentale, confronté à des vaches, figures centrales du paysage rwandais. Cedric Mizero déploie une installation performative où se tissent récit fictionnel et réminiscences de l’enfance. Né dans l’ouest du Rwanda au début des années 1990, Cedric Mizero est un artiste autodidacte dont la pratique hybride mêle
arts visuels, mode et performance. UMUNYANA évoque un monde suspendu, traversé par un personnage souffrant d’un trouble de la mémoire, qui l’entraîne dans un univers où l’Inka — la vache — est pleurée, chantée, incarnée. Déesse vénérée autrefois, aujourd’hui disparue, elle réapparaît comme un spectre lumineux que les corps tentent de ressusciter par le geste, le souffle et le chant. Marqué par ses recherches sur l’abattage des animaux les jours de marché — une pratique qui contraste fortement avec la vénération culturelle du Rwanda pour les vaches — Cedric Mizero construit cette installation comme une vision fragmentée. Des images émergent d’une salle à l’autre, explorant l’histoire et la culture du bétail au Rwanda. UMUNYANA chante la perte d’un monde rural effacé et célèbre les liens invisibles qui unissent l’humain à l’animal, au passé et à la terre.


A la Ménagerie de Verre tout tremble et retentit au son de la voix d'une femme noire au coeur de l'espace partagé de plain pied avec le public appelé à partager une cérémonie païenne sonore et pleine de résonance, de sonorités charnelles: celle de la voix puissante aux fréquences denses et emplies de présence. Alors que sur un écran défilent les images d'une assemblée réunie à l'occasion d'une fête ou d'un rituel. Le mystère demeure, des offrandes circulent parmi le public: de petites abeilles en matières de récupérations très touchantes et naïves. Les cornes des vaches de ce rituel de la mémoire en objets d'adoration respectueuse autant qu'en oeuvres d'art plastiques singulières.Trophées de mémoire et de passation cultuelle rare et symbole d'appartenance à une tribu, à un peuple, à une famille élargie d'être humains soudés et solidaires. Un danseur s’immisce dans ce jeu de réactivation de mémoire, c'est Cédric Mizero à l'envergure gestuelle singulière. Corps offert et livré à l'évocation de sensations archaïques: celle de la dévotion autant qu'à l'amour de l'animal, vache chérie de l'enfance rurale. Il chante accompagné de notre guide qui nous invite à déambuler jusqu'au grand studio à l'étage de la Ménagerie. Voyage spatial animé de surprises et du développement du propos du chorégraphe. Divagations salvatrices dans cette atmosphère prenante et envoutante. Ils seront plusieurs à nous conduire dans l'antre de ce rituel, le chant comme fondement et clef de voute du passage d'un endroit à un autre.Voix puissante aux sonorités graves et frémissantes, aux accents joyeux et radieux. Les corps se mouvant, offerts, rythmant la danse, frappes au sol, sauts brefs, rapides, enchainés comme des coups , des percussions rituelles évidentes. Les costumes chatoyants comme des flammes, les guêtres comme des peaux d'animaux, revêtues le temps d'un sacrifice ou d'une cérémonie partagée salvatrice. Un groupe, une tribu passionnée incarnant des esprits très présents, bienveillants saluant terre et ciel comme des axes fondamentaux de pensée en mouvement. Entre anges et bêtes, entre corps et voix poreux et transversaux sans cesse animé par une énergie débordante et contagieuse. Quand ils disparaissent à nos yeux c'est pour mieux incarner les voix et la muse Echo qui ne se montre jamais. Et les cornes demeurant comme des arches à franchir pour accéder à un au delà inconnu.


A la Menagerie de Verre jusqu'au 25 Octobre dans le cadre du festival d'automne à paris

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