dimanche 26 octobre 2025

PHILIPPE DECOUFLÉ / COMPAGNIE DCA "Entre-Temps": que c'est-il passé?

 


Le plus facétieux des chorégraphes français réunit dans Entre-Temps neuf danseurs et danseuses complices, aux parcours riches, explorant leur passé pour parler du présent. Un spectacle profondément humain.

Dans une esthétique dépouillée, Philippe Decouflé s’attache à construire un langage scénique tissé de nombreux temps : celui vécu, mais aussi celui du rêve, de la marche, du quotidien, du déjà vu, de l’éternel retour… Les éléments de décor et les corps des interprètes sont eux-mêmes inscrits dans le temps, chacun à son endroit. Du ballet classique au cabaret en passant par les danses traditionnelles et contemporaines, Entre-Temps convoque et mêle leurs mémoires chorégraphiques pour magnifier la beauté d’artistes de tous âges. Le spectacle avance au rythme du piano de Gwendal Giguelay, comme à l’époque du cinéma muet ou des premiers cours de danse, et joue sur la simultanéité de différentes temporalités, la répétition-variation, les boucles temporelles, les effets de miroir… Avec cette promenade entre les mailles du temps, Philippe Decouflé célèbre l’extraordinaire pouvoir de la danse.


Trublion il est, trublion il demeurera...Decouflé signe ici une oeuvre singulière en noir et blanc comme au temps du cinéma muet, quelque peu colorisée comme son Mélies adoré, et à l'époque des  5000 doigts du Docteur T s'il fallait se souvenir des références du chorégraphe au 24 images par secondes. Tout démarre comme par magie: un homme assis apparait et disparait à l'envi derrière des panneaux mobiles comme des cartons de film muet sans titre: c'est le lutin magicien prestidigitateur, Dominique Boivin qui s'y colle comme au jeu de cache cache ou "un deux trois soleil". On avance ainsi au cours du synopsis tracé au cordeau, au numéro de magie très construit au millimètre près. Tout chavire et bascule au fur et à mesure des séquences où l'on se plait à reconnaitre les compagnons de toujours Michèle Prélonge, fine et longiligne actrice danseuse aux mimiques désopilante et pince sans rire: sa rigueur gestuelle venue du fond des ages et de celui du fameux "Jump" de Charles Atlas où une bande de danseurs futurs chorégraphes se jouent des rythmes endiablés du montage caméra: Dominque Boivin et Daniel Larrieu à l'aise les mains dans les poches..Citations pour mieux rembobiner le temps et la danse, effacer les rides tout en revendiquant la beauté de l'âge de ses interprètes fidèles au poste. Pas de nostalgie dans ce déshabillé sobre et discret sans tambour ni trompette de la renommée. Ici le scalpel opère pour trancher dans le vif du sujet: l'imagination au pouvoir pour un divertissement malin, audacieux, félin et espiègle comme la danse de Catherine Legrand imprégnée des geste de Bagouet pour mieux les faire vivre et les partager: elle est tout simplement unique dans son humour et sa vélocité légendaire, dans ces directionnels prompts et vifs argent. Decouflé c'est aussi le bonheur et la joie d'investir le plateau devant et derrière les faux beaux rideaux de carton, les perspectives qui se renversent et délivrent au final l'envers du décor. C'est malin et plein de grâce, de subtilité dans cette écriture tétanique où il suffit d'une perceuse pour agiter ses membres à l'angulaire, pour s'autoriser des gestes dictés par la pensée chorégraphique inouïe. Alors que le pianiste complice égrène son répertoire suranné du bout des doigts, précis en osmose avec cette dictée magique de danse partagée. Si le temps a passé, les mémoires sont intactes et jamais démodées: les phrasés retrouvés du "Petit bal perdu" des "Petites pièces montées" et autres petits bijoux proches du cabaret du Crazy Horse avec ces tutus de plumes de paons qui vacillent sous l’impulsion des mouvements. Un numéro de bâtons de majorette pour mieux évoquer la mémoire d'un circassien converti à la danse et le tour est joué Au final on rembobine le film en tricotant les séquences en plan séquence magistral où tout fout le camp en fuite et petites fugues désopilantes. Et on retourne au bercail sur la planète Decouflé ou "caramba" serait le mot magique pour faire resurgir de la boite les souvenirs bien vivants Et "Abracadabra", tout disparait comme par enchantement. Dominique Boivin le soliste magistral espiègle créature de rêve, les femmes du Parc du Trône, l'époque bénie du jeu et du plaisir de regarder les artistes se mouvoir chacun dans leur corps, à l'aise et plein d'un plaisir contagieux de danser. Un régal inégalé de re-trouvailles désopilantes qui font du bien.L'illusion en figure de proue et tête de gondole pour un voyage au pays des merveilles. Devant et derrière le miroir le "faux" public invité à nous leurrer applaudit et renverse la situation: de quoi s'y perdre dans une mélodie du bonheur avouée.
 
A la Villette au Chapiteau jusqu'au 26 Octobre

0 commentaires:

Enregistrer un commentaire