vendredi 29 avril 2011

Pacifique: Nasser Martin Gousset à L'Arsenal de Metz


« PACIFIQUE » : Nos idoles de bleu vêtues !
Friand de cinéma  burlesque, de musique rock et pop, Nasser Martin Gousset nous concocte un genre hybride de spectacle dansé: le thriller. Sous ce titre « Pacifique », rien de vraiment tendre ni calme. Plutôt la houle et la turbulence dans une écriture chorégraphique propre à ce révolté de l’existence, fils de personne et venu de nulle part.
Son credo : le cinéma avec en référence « Autant en emporte le vent », les héroïnes romantiques et fougueuses, passionnées. Scarlett O’Hara et Rhett Butler. Les ambiances à suspens, par-dessus tout imprègnent son œuvre de jeunesse comme celle d’aujourd’hui..
Les héros sont fatigués: sur la plage, en bateau, dans un bar ou un aquarium…On ne sait plus où ils donnent du geste et se meuvent. L énigme reste en souveraine, le sujet et l’objet de la pièce. Le bleu règne en maître absolu et nous transporte dans des fonds sous-marins dignes du capitaine Nemo. Plongée dans les eaux troubles des séries noires, la pièce de Nasser Martin Gousset est aussi un hommage au tournage cinéma, à la fausse obscurité de la nuit américaine dansée telle une comédie musicale revisitée. Sur le plateau, on tourne. Moteur/Action. Si Pacifique voit la danse dans ses tonalités les plus sombres, les plus bleues, c’est pour mieux rendre à la danse sa fluidité, celle qui coule de source en mouvements chaloupés, gracieux, sensuels. Des excès en tous genres fusent sur le plateau et l’ambiance vire au délire, à l’extase des corps se percutant dans un songe absurde. Résolument pop, volontiers chic ou romantique, carrément rock, glamour toujours, le chorégraphe chine les icônes rêveuses qui flottent dans les mémoires, issues d’époques enfouies et pourtant bien présentes au sein des mémoires collectives. Les idoles dansent la farandole et percutent nos esprits, jaillissent de nulle part pour reconstituer une ambiance, une atmosphère nostalgique. Le mouvement chez lui résonne se propage en sursauts nerveux, déhanchés, chaloupés et fluides ondulations, brusquement pétrifiées dans leurs courses. Dans l’immensité de l’océan, dans le trouble du métissage des genres et des disciplines, dans le désir d’investir l’espace illimité d’un bleu  envahissant, omniprésent !
N’y voir que du bleu.
 Cette comédie « essentiellement graphique, où le corps se fait matière pour parler de cinéma » aux dires du chorégraphe demeure une pièce sur l’eau, sur l’inconnu, sur la femme, sur la mère. « Pacifique » est bleu, toutes sortes de bleus: le bleu Klein-le bleu vert-le bleu marin- le bleu gris- le bleu de la mer qui se confond avec le bleu du ciel, puis tout à, coup le rouge! Le rouge sang envahit l’écran bleu, aussi sanglant que le meurtre. « Pacifique est un triller sous-marin », un nouveau genre spectaculaire, hybride, multimédia et très plasticien. Là où « les corps deviennent progressivement aquatiques, fluides, comme ralentis par l’eau, en immersion totale, presque arrêtés ». Et là où tout se trouble, c’est dans l’évocation de James Bond: les références au cinéma et au triller y abondent. En se servant de ce cliché glamour de l’agent secret, Nasser Martin Gousset aborde notre relation en tant que spectateur au fantasme hollywoodien mis ici en abîme. Une bande son comme au cinéma avec bruitages et autres atmosphères musicales étaye la pièce et la relie aux films noirs ou aux films d’anticipation. La bande son, à défaut du live, permet une distance et donne plus l’idée du cinéma. Le décor aussi, une énorme rampe de skate occupe tout le plateau, comme dans les autres spectacles de la trilogie sur le septième art (Péplum-Comedy). Des décors imposants, indispensables à la mise en scène, permettant au corps de fusionner avec son architecture ainsi qu’avec le thème abordé. Décidément, ce « Pacifique » aux sens multiples révèle le foisonnement de pistes que contient l’imaginaire du chorégraphe bouillonnant et créateur de nouveaux signes dans l’art chorégraphique porteur de métissages multiples.
Geneviève Charras
« Pacifique » au Grand Théâtre à Luxembourg les 17 et 18 Juin à 20H


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