mardi 17 mai 2011

gastronomie: salon "Mer et vigne et gastronomie"à Strasbourg Wacken


LES ENTREMETS

Geneviève Charras


La danse et la gastronomie ont toujours entretenu des rapports de ...gourmandise.
Notre actuel "entremets", dessert sucré honorant la fin d'un repas, trouve ses origines aux XIVème et XVème siècle quand à la Cour de France, les festins donnaient lieu entre les services aux "entre-mets", simples intermèdes dansés destinés à combler les vides entre les mets.
Les premières formes, bien frustres du Ballet de Cour furent peut-être ces "entremets", toujours présentés pendant les repas et qui formaient un spectacle plus raffiné que les danses des bals. Les machineries et les présents , l'extrême richesse des décors et de la mise en scène chorégraphique, situent ces divertissements comme un haut lieu de création . Les courtisants eux-mêmes entraient en dansant, portant des plats couverts de mets. En 1489 eut lieu un grand banquet qui célébrait le mariage du duc de Milan et d'Isabelle d'Aragon: des danseurs, déguisés en dieux grecs annonçaient les différents plats.
Au milieu du XVème siècle, l'entremets royal s'accompagne d'un grand faste, avec attractions, déguisements, masques et donne lieu aux premières mascarades appelées "momeries".

Vers la danse-spectacle: la momerie
Un genre nouveau apparaît qui va déterminer à temps la future forme du ballet-théâtre: la momerie. La momerie ( de momer: se déguiser; momon: masque) - son doublet italien donne mascherata, la mascarade- est d'abord une sorte de carole burlesque dont les participants sont masqués et déguisés. L'un des plus anciens exemples figurés est une miniature du Roman de Fauvel du XIII ème siècle.
Mais dès le XIV ème siècle, sous ce même nom, s'organise une forme de spectacle. Autour de décors montés sur des chariots ( parfois eux-mêmes  momeries), se produisent des groupes de momons qui représentent une action dansée, mimée, déclamée, chantée, avec participation d'une formation musicale.
La première momerie sur laquelle on a des détails précis fut offerte par le souverain Charles V, le jour de l'épiphanie 1380, comme intermède entre les services d'un banquet, ce qui sera longtemps la fonction de ce genre de divertissement. Le thème en était la prise de Jérusalem. Deux chariots entrent dans la salle, l'action entre les ennemis s'engage  devant le dais du roi: débarquement, assauts avec passes d'armes: le spectacle est grandiose et total!
Quelle danse pratiquait ces momons? Celle dont la version originale schématisait un combat entre chrétiens et Mores, ces derniers étant vaincus et ridiculisés: la morisque ou moresque. Dans une forme postérieure, la morisque devient danse d'amusement. Arbeau dans son "Orchésographie", présente les deux versions. La "danse des Matassins" dite des "bouffons" est faite de mouvements d'armes de poings sur des pas répertoriés. La morisque, elle, dansée à grand renfort de grelots à la ceinture et aux chevilles, enchaîne des petits sauts, des tapements de la pointe du pied ou du talon, exécutés sans règles précises.
L'une des momeries les plus célèbre est  Le Bal des Ardents, en Janvier 1393: à Paris, le roi Charles VI, dit le fou, voulut faire une momerie en se déguisant avec quatre de ses compagnons en "hommes sauvages", poilus de la tête aux pieds, enduits de poix et de lin cardé. Le duc d'Orléans, pour reconnaître le roi, approcha un flambeau des momons: les cinq se mirent à brûler. Trois moururent immédiatement; le roi fut sauvé par la duchesse d'Orléans qui se jeta sur lui et étouffa le feu dans les plis de sa vaste robe. Ces momons là dansaient la morisque. Le fait est attesté par la Chronique de St.Denis:" Ils commencèrent par courir de tous côtés; ils poussaient d'horribles hurlements de loup, puis ils se mirent à danser la Sarrasine".
La momerie devient spectacle quand elle est utilisée comme attraction, comme entremets, entre les services d'un banquet.
Au milieu du XVème siècle, l'exécution de l'entremets royal s'accompagne d'un grand faste. Parmi les momeries-spectacles les plus célèbres, on relève Le Banquet Faisan à Lille, le 22 Janvier 1454. Les ducs de Clèves et de Bourgogne donnent un grand festin avec pour moment principal la présentation d'un faisan sur lequel les seigneurs présents font voeu de se croiser. L'entremets représenté est évidemment un voyage, celui de Jason à la conquête de la Toison d'or.


 Le service de faisans, moment principal, orchestre savamment les déplacements des seigneurs en autant de croisements minutieusement réglés. La danse peu à peu s'organise et fait place à tous les éléments des Ballets de cour: danseurs, chanteurs, musiciens, chars, effets de machine. Mais il lui manque l'âme du spectacle, l'action dramatique coordonnée et la diversité des danses; caroles et morisque sont attestées sans plus.
Le mariage de Charles le Téméraire à Bruges, en 1468, offrit comme entremets l'entrée d'une très grande baleine gardée par deux gaillards, laquelle avait dans ses entrailles deux sirènes et douze ou treize hommes habillés étrangement "Lesquels hommes et seraines vuidèrent hors la baleine pour dancer, chanter et ébattre et desdits hommes avait qui combattaient et d'autres qui dansaient".
La momerie bien installée dans les cours princières dès le XVème siècle apporte déjà des éléments du ballet de cour qui va se développer cent ans plus tard: danseurs, chanteurs, musiciens, chars, effets de machines. Mais il lui manque l'âme du spectacle: l'action dramatique coordonnée. Il lui manque aussi la diversité dans les danses: caroles et morisques sont attestées sans plus. C'est au XVIème siècle que nous trouverons de vrais ballets avec une action dramatique, plus ou moins embryonnaire, et des danses variées. Notons toutefois que l'habitude de l'entrée au sens moderne du numéro sans lien dramatique strict avec le reste de l'œuvre, était déjà prise aux dépens de la logique et qu'elle subsistera jusqu'à nos jours dans le ballet académique.
Le ballet de Bayonne en 1560 atteste d'un festin sur l'île d'Aiguenau; Catherine de Médicis y présente aux seigneurs espagnols le royaume de France dans une mascarade commandée à Baïf. Ainsi était illustrée la grandeur du pays: rocher et arbres qui ornent le char s'ouvrent: en descendent des nymphes qui dansent et des chevaliers qui combattent en dansant: la filiation avec l'entremets est nette.
Le ballet du Mariage d'Henri de Navarre et de Marguerite de Valois, en 1572, intègre des éléments-entremets, joutes, empruntés au passé, l'action dramatique est diversifiée avec ses péripéties. Le décor est logique, ingénieux, pittoresque. Le ballet des nymphes  toutefois, n'est pas parfaitement intégré à l'action alors qu'il est le principal élément chorégraphique. Il s'agit là clairement d'un ballet de propagande exposant allègrement l'état de la France et le changement de politique voulu par le roi
.Dès lors momeries bourguignonnes, entremets et chansons à baller attestent en France la permanence d'un goût pour la danse qui ne semble pas avoir atteint la pleine compréhension de ses moyens. C'est donc en Italie, berceau de la Renaissance humaniste, que se découvriront les prémices d'une organisation théâtrale du mouvement.
On ne dansera plus durant l'entracte entre les plats, on y  dégustera d' autres mets qui revendiqueront l'appellation d' "entremets".
 Et quant à cet "entremets", ce plat que l'on servait entre le rôti et le dessert- (entremets salé de poisson, de légumes)- un glissement des us et coutumes en fera un entremets sucré (gâteaux ,crèmes, compotes, sorbets) servi en principe avant le fromage, mais de plus en plus souvent comme dessert .
On se situe là à un tournant culturel et économique, d'où émerge une société nouvelle: les bourgeois éclairés ouvraient leurs esprits et leurs tables à l'innovation, adoptaient des aliments nouveaux, usaient de procédés culinaires plus élaborés et créaient un autre style de table. Cette mutation accrut les différences entre la ville et la campagne; ce nouvel art de vivre bourgeois dépassait la simple joie exprimée sans retenue, en la revêtant d'un aspect plus raffiné emprunté d'une part aux aristocrates et d'autres part aux moeurs françaises. Tout était à l'avenant: l'adoption de manières nouvelles, l'utilisation de nouveaux ustensiles dont la fourchette fut le plus caractéristique, le respect des règles de bienséance et l'emprunt d'aliments aux régions et pays voisins. Ces innovations alimentaires étaient soutenues par le comportement des minorités privilégiées qui faisaient la mode. La confiserie et le travail du sucre provenaient d'Italie tout comme les épices le riz et les pâtes qui sous la forme de vermicelles, connurent une grande vogue. Le café, le thé le chocolat dont l'exotisme faisait tout l'attrait venaient de France et se mêlaient facilement aux denrées existantes. Ces moeurs et ses aliments inédits allaient conduire à un remodelage des recettes proposées au départ avec inexactitude.
Les "entremets" d'origine étaient en majorité des plats salés, des légumes, des pâtés, des œufs et une petite partie seulement étaient des entremets sucrés. Tout cela ne va pas d'ailleurs sans flottement et si les "entrées" de viande ou de poisson désignent en principe des plats du milieu de repas et en sauce, on trouve également cités parmi elles des mets qui devraient normalement figurer dans la liste des rôtis. Cette imprécision dans les livres de cuisine de tous les temps, se communique d'ailleurs aux recettes elles-mêmes, parfois aussi prolixes en envolées fleuries que muettes sur les étapes essentielles des préparatifs et des cuissons. De même les révolutions gastronomiques sont également des révolutions terminologiques: il faut s'estimer heureux quand elles ne se limitent pas qu'à cela!
Il ne reste aux festins d'aujourd'hui, que le "ballet" des serveurs s'affairant des cuisines à la salle à manger, en autant de rituelles mises en scène orchestrées par les besoins d'un service sophistiqué et codifié. Les spectacles insérés entre les mets sont divertissements touristiques à connotation culturelle ou parfois réelles reconstitutions chorégraphiques, commandées pour l'heure et bénéficiant d'un statut de divertissement éclairé.


Bibliographie
-La sensibilité gastronomique de l'Antiquité à nos jours. Un festin en paroles.
Jean-François Revel.1985. Editions Suger.
-Le mangeur Alsacien
Jean-Louis Schlienger, André Braun.1990.Editions La Nuée Bleue.
-La raison gourmande
Michel Onfray.1995. Editions Grasset. Figures.
-La danse.1. Du ballet de cour au Ballet blanc.
Jean-Pierre Pastori.1996. Découvertes.Gallimard.
-Histoire de la danse en Occident de la préhistoire à la fin de l'école classique.
Paul Bourcier.1994. Seuil. Solfèges.
-Histoire du Ballet.
Pierre Michaut.1948. PUF. Que sais-je?
-Histoire du Ballet.
Marie-France Christout.1975. PUF. Que sais-je?
-Quatre-vingt récits sur la danse du XIV au XXème siècle
May Néama.1969.Editions Gründ .
-Quinze histoires de danse.
Claude Bessy.1979. Editions Gautier-Languereau.





ENTREMETS - SIDE-DISHES

Dance and Gastronomy had always had very epicurian relations. What we today know as a side-dish, a sweet dessert closing the meal, takes its origin during the XIVnd and XVnd century in the french Royal Court, when, in the banquets, between the dishes, short and simply interpreted interludes were danced to intersect and divert the participants. This interludes become more theatrical and disguised games onto real choreographies that mean their ending in the XVIth century.


Et surtout stand Champagne Hazard: on y bulle pas, on y danse!!!!


0 commentaires:

Enregistrer un commentaire