samedi 18 mai 2013

"Les pêcheurs de perles" à l'Opéra du Rhin: une immersion salvatrice dans l'univers de Bizet


Cet opéra de jeunesse-Bizet l'écrit alors qu'il a tout juste 25 ans- est une perle rare, un petit bijoux datant de 1863, dont le livret écrit par Michel Carré et Eugène Cormon, situe l'action sur l'île de Ceylan: un grain exotique que la nouvelle mise en scène de Vincent Broussard veut éloigner de toute teinte folkloriste.
Cette localisation permit à l'époque au jeune compositeur de laisser libre cours à l'exploration des sentiments de chacun des personnages. L'intrigue est complexe, récit de péripéties amoureuses, de serments d'amitié au sein d'une communauté de pêcheurs, dont le chef Zurga et son ami Nadir seront les protagonistes.

Leur lien, c'est un amour pour la même femme qu'ils délaisseront au profit de leur amitié. Mais le sort en décidera autrement.Ce drame lyrique, proche du grand opéra est ici revisité comme une matière première qui ne trouve de raison d'être que dans sa forme musicale.La mélodie, les accords, les instruments expriment subtilement les sentiments et donnent un charme teinté d'exotisme à cette œuvre  plus que séduisante.
La mise en scène opte pour déployer la présence des quatre éléments dont la forte présence de l'eau tout au long de l’œuvre.La mer, la tempête comme autant de métaphores du drame pour mieux insister sur les tumultes de l'amour qui déverse ses flots. Flux et reflux, vagues à l'âme, pour mieux cerner l'intrigue et ses émotions.Comme dans une immense arène façonnée de six arches, les personnages évoluent dans une atmosphère aquatique rendue par les reflets de l'eau qui recouvre le plateau.
Les images ainsi projetées en fond de scène contribuent à créer une ambiance baignée de lumière, de mouvements calmes qui vont crescendo augmenter la tension du drame.

photo Alain Kayser
Très bel accompagnement visuel qui fascine et immerge le spectateur dans l'évocation subtile de la mer.Le chœur s'y révèle magnifié, comme flottant au dessus des tumultes de l'action, suspendu, en "plongée".
Annick Massis dans le rôle de Leila est étourdissante, les voix de Sébastien Guez (Nadir) et Etienne Dupuis (Zurga) sont
 en pleine maturité et Jean Teitgen dans le rôle de Nourabad séduit par sa verve.
Quant aux costumes signés Christian Lacroix, artiste et artisan créateur pour l'opéra de longue date, ils évoquent une époque plutôt XIX ème siécle dans un théâtre à l'italienne.
"En tant que costumier, j'ai mon rôle d'illustrateur" confie le couturier.Imaginer, illustrer l'ambiance, cerner les contours des personnages et des costumes qu'ils porteront pour mieux les définir.
Une ambiance de gravures du XIX ème siècle, sombre, grave: tout ce que l'on n'attendait pas d'une œuvre, dite chatoyante, aux couleurs de Ceylan!. Une belle réussite comme pour évoquer l'ambiance d' un clair de lune, drapé de soie, dans la tradition du vêtement noir, qui contient toutes les couleurs.
Et de plus le couturier a travaillé à partir de stocks de costumes que possède l'ONR:redonner vie à un costume plutôt que de le laisser dormir et de créer un costume neuf qui aurait moins d'âme! 
Les silhouettes des chanteurs sont magnifiées par ces atours délicats dans la lignée du travail sur les matières et les formes, cher à Christian Lacroix.Le noir est de mise, particulièrement pour le chœur, chacun des chanteurs arborant fièrement des atours dignes d'un tableau de maître.On souhaiterait presque les admirer un à un en catimini, pour le plaisir d'y découvrir chaque pli, chaque perle, chaque échantillon de dentelle noire ajourée.Du grand art , une fois de plus de la part du couturier "touche à tout"!
Ces "Pêcheurs de perles", comme un collier précieux à égrener est du bel ouvrage, inédit, surprenant et interprété à merveille par l'Orchestre Symphonique de Mulhouse et les chœurs de l'Opéra du Rhin dirigé par Patrick Davin.
Au final, le soir de la première, c'est en chaussant "les bottes de sept lieuX" que les protagonistes de la mise en scène et des costumes, viennent saluer un public conquis, ovationnant les chanteurs.

à Strasbourg jusqu'au 30 MAI, puis à Mulhouse à la Filature les 7 et 9 Juin
www.operanationaldurhin.eu

1 commentaires:

Anonyme a dit…

Et pour le chant du Temple Saint...une larme qu'on ne peut contenir lorsque la voix s'élève et atteint dans l'instant de la note, la profondeur du sentiment, l'émotion que procure un vertige, une rencontre.

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