jeudi 30 mai 2013

"Twin paradox": on n'achève pas les danseurs!


De Marathon en Danse, tuer le temps!Ou les amants qui s'attrapent sont éternels.

Mathilde Monnier, de retour à Strasbourg, cela se fête, s’honore.
L'an dernier, présente au conservatoire pour la reconstitution des duos emblématiques de sa jeunesse auprès de Jean-François Duroure, "Pudique acide" et "Extasis", la voici de retour avec sa dernière création (Montpellier danse 2012), "Twin Paradox": titre énigmatique....En physique, le paradoxe des jumeaux (parfois appelé paradoxe de Langevin) est un paradoxe issu d'une expérience de pensée qui semble montrer que la relativité restreinte est contradictoire. En fait, le paradoxe n'a jamais été véritablement considéré comme une difficulté par la plupart des physiciens, Albert Einstein en ayant donné une résolution en même temps qu'il le présentait en 1911. Dans les ouvrages d'enseignement, il est mis en avant pour ses vertus pédagogiques et peut être l'occasion de se livrer à des calculs précis sur la dilatation des durées.


Elle s'inspire ici d'un phénomène social des années 1920 aux USA, ces marathons de danse dont s'est inspiré au cinéma Sydney Pollack dans "On achève bien les chevaux".
On se souvient dans "Déroutes", œuvre majeure de la chorégraphe, de la marche, leitmotiv lancinant, déroutant. La figure de la marche était au cœur de l'écriture de cette œuvre, en dépliant les enjeux esthétiques, historiques, politiques et dynamiques de la pièce à partir d'un geste élémentaire.
Cher à la post-modern dance! La course serait-elle ici aussi la question existentielle, celle de la définition d'une non figure, geste transitoire qui défait les territoires, le spectaculaire, l'ordre spatial et temporaire?
Dix danseurs, une  heure et demie  durant exécutent ce "marathon" de la danse avec fougue, modération, tempérance. La musique de Luc Ferrati épouse ces notions de perte, d'épuisement, d'usure.
Elle s'écrit tout le long de la pièce avec moultes sons, bruits, murmures, souffles qui rythment et tendent un paysage sonore éclectique, riche en surprises tonales: heurts, glissements musicaux épousent les gestes et attitudes des duos de danseurs.La source du son enregistré, musique "anecdotique" se révèle sans cesse.Et pour peaufiner ce travail, celui du fidèle Olivier Renouf à la réalisation sonore de l'ensemble.Dénudée, a vif, la musique est comme une écorchée, à scruter, à décortiquer dans l'instant.
Cinq duos, tout d'abord comme deux corps enlacés qui se retiennent, se fondent lentement dans une prise tendre et sensuelle.Puis vient la séparation, l'éclatement qui se traduit par une rupture dans la verticalité, le déséquilibre, les appuis d'un corps à l'autre.Ils se tiennent, se maintiennent debout, font se lover leurs bras comme des cordes à sauter qui s'enlacent en huit, en infini.Anneaux de Moebius?
La scénographie rapelle un mur de briques tendu au sol, orange, en carrés de parterre moiré d'interstices ajourés. Un souffle magique l'anime, entre l'une des trois parties, alors que les danseurs endossent leurs vêtements, assis de dos en fond de scène.Il fait jaillir des confettis de lumière orangée, des éclats, des fragments de matière brisée, éparpillées. L'effet plastique est saisissant!
Beau travail signé Annie Tollerer, souligné par les lumières d'Eric Wurtz
Les costumes fonctionnent comme de secondes peaux, justaucorps tatoués, dessinant les contours des corps sculptés par une matière lycra scintillante. La couleur, le chatoiement est radical et joyeux. Cette peau du monde se fait et se défait, se frotte et se confronte à celle de l'autre.Costumes créées par Laurence Alquier au plus près de la gestuelle organique des corps dansants.
Du calme, nait ensuite la tempête, la course, où le sol se dérobe sous leurs pas précipités. Toujours à deux, liés, reliés
L'effort, la dépense sont en jeu dans tous ces duos mis à nu, dévoilés au sol dans cette course folle contre le temps, à contre-temps sans répit.
Ces danses d'endormis, de somnambules, d'hypnotisés par la fatigue sont l'effet des corps galvanisés par leurs adeptes, en alerte, alarmés par la possible défaillance, la capitulation possible qui n'arrive pas!


La dépression ambiante, celle d'une période de récession, va-t-elle donner au corps encore la possibilité de vaincre et d'avancer? De résister? L'union des corps en fera la force, celle des amants aimantés, attirés l'un par l'autre, comme "première forme de l'humanité".
Les duos "dansent" en accord, en a-corps jamais perdu!!
Comme des notes de musique qui s'épousent sur la partition de Ferrari qui a si bien "noter" les compositions de ces couples enlacés dans les plus beaux duos du monde.
Au Maillon ce soir là, l'attention du public se fait "entendre" et une fois de plus le festival initié par Pôle Sud, ici en complicité avec le Maillon, fait mouche. Et ce sont elles que l'on entend voler ce soir là dans la salle comble.
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