vendredi 6 mars 2015

"Empty moves" (parts I, II, III): Angelin Preljocaj en Cage dorée !


L'amour en cage est une fleur, l'amour de la danse d'Angelin Preljocaj (cage) est à son comble pour cette "partition" inédite de John Cage qu'il revisite comme un hommage, une rétrospective, un regard dans le rétroviseur sur son oeuvre de 2004 pour la partie I, 2007 pour la partie II et enfin 2014 pour un bouquet final avec la partie III
Assembler les trois œuvres, en faire une entité, un bloc opératoire où se dissèque sa danse est une entreprise lumineuse, bénéfique
On porte ainsi un regard sur l'ampleur du processus chorégraphique à l'oeuvre au noir, qui se distille comme un élixir à boire lentement afin de connaitre l'ivresse.
La performance enregistrée de John Cage en 1977 sur la "Désobéissance civile" est transformée en phonèmes et en sons voisins de ceux d'un match de foot: les réactions d'un public non formé à l'écoute des sons brutes et vivants du quotidien, de la vie, du frisson.
Deux heures durant, Cage lit et récite, imperturbable lecteur alors que gronde et enfle la vindicte du public, outré par tant d'audaces et de culot!
Les danseurs, deux hommes, deux femmes simplement vêtus, arpentent le plateau nu, sobre, dépouillé à souhait.

C'est jubilatoire et enivrant, hypnotique et déroutant."Empty Words" devient "Empty moves" et les gestes combinatoires et combinés des quatre danseurs, tantôt couples, tantôt électrons libres, se multiplient à l'envie dans une grâce époustouflante: contenue, retenue ou éclatante selon que la pression de la partition se met au diapason du flux des cris, boutades, invectives du public italien, milanais, sans pudeur ni retenue! Corps enchâssés,enchevêtrés, en mailles, déclinés comme des formes encastrées, mouvements au sol, dans l'atmosphère, tout bouge !
Il n'y a que la danse, médium multiple à partager et l'on repère ou songe au grand Merce Cunningham qui veille au grain dans l'ombre et sourit à tant d'audaces!
Fascination sur l'endurance et la performance des danseurs qui ne délaissent pas une seconde le plateau et vont crescendo vers un épilogue , épuisé, tendus puis relâchés par l'épuisement: la perte, la dépense au zhénit et le rapt-ravissement    font de cette oeuvre, une phase majeure de l'oeuvre du chorégraphe en pleine forme intellectuelle, physique et spirituelle.


Oser l'impossible, signer innommable, l’inouï est une gageure à la hauteur des ambitions de cet homme qui vient lui aussi saluer pour éprouver l'adhésion du public: car ce soir là au Théâtre de la Ville de Paris, personne ne bronche, ni ne s'enfuit ou ne manifeste une quelconque impatience ou incompréhension face au phénomène sonore et visuel qui se joue devant nous
En empathie totale, sans concession, le public ne se rend pas, ne plie pas mais penche et vibre comme les danseurs dans une e motion chère à la danse pulsatile d'Angelin.


Raffinement, sobriété, pulsations, pulsions, on ne sait comme écrire ou décrire l'abécédaire de cette danse sans fin et dont la finalité ne saurait être que l'existence éphémère du mouvement qui se tricote comme un vêtement porté par des corps à l'unisson de la performance vécue de par et d'autre du plateau.


0 commentaires:

Enregistrer un commentaire