samedi 11 avril 2015

"Plexus" : solaire ! Aurores boryales.


Aurélien Bory, magicien scientifique de la scène multimédia, roi de l'hybride et inclassable metteur en scène des corps, nous revient au TJP pour un spectacle enchanteur, inquiétant, énigmatique.
C'est pour mieux échapper à la pesanteur, pour créer de nouveaux territoires d'écritures à la danse, qu'il nous offre son "Plexus", lumineux irradiant, solaire !


Sur le bord du plateau, une femme, entre nudité et vêtue de pudique lange de tissus, se montre et offre les battements de son cœur, les sons de son corps bruissant, mouvant, offrant une singulière partition percussive, aux rythmes de sa respiration, de son souffle , de sa vie en direct.Elle semble éclore d'une vulve plissée.
Sons amplifiés, magnifiés par un écho grondissant, menaçant


C'est au rythme de ses pulsations qu'elle nous entraîne dans un monde de chair et de bruits, de sensations, de vibrations intimes Intime-extime, on plonge dans extraordinaire, guidé dans ce chemin par une vulve de tissus qui s'ouvre telle le milieu du monde et son origine et nous engloutit dans une matrice.
Le dispositif se dévoile: plateau envahi par plus de 5000 fils tendus, serrés

oeuvre cinétique sur cimaise de Soto
qui serviront d'aire de jeu à l'artiste, bout de femme mobile, stabile, en perpétuel mouvement vibratoire comme ce tissu improbable de fils sans trame ni chaîne

.
Elle s'approprie cet espace qu'elle pénètre comme à travers une pluie d'interstices entre le vide qui s'emplit de sa présence furtive
Effets de lumière dans une sculpture vivante à la Soto, cinétique à souhait, mécanique lumineuse qui balaie l'espace et le configure à l'envi.

Elle se suspend à l'horizontale, brisant et brouillant les pistes, faussant le jeu de la pesanteur, en apesanteur comme dans les photographies de Philippe Ramette Confusion des strates,distorsion et déconstruction d'un espace changeant sempiternellement. La magie opère laissant planer un doute, comme une figure d'ange ou de démon;Chaos des sons qu'elle émet en frappant de ses pieds ce sol vibratile au son amplifié

Un grand contraste se fabrique entre légèreté de l'air et gravité de cette démarche lourde et pesante, inquiétante..Une transformation s'opère à vue, telle une murène, anguille ou monstre marin qui la poursuit dans une séquence de science fiction: animal hybride, noir, tortueux, monstrueux sorti des entrailles des profondeurs marines! La danseuse évolue, fragile et forte à la fois pour faire se balancer l'estrade sous les pulsations de son corps qui charrie le dispositif et le mobilise en balançoire gigantesque !Elle s'oppose aussi, se confronte à cette matière stabile, l'affronte en forçant les codes, en s'offrant aussi dans le don total,Elle résiste de tout son poids, de toute sa masse.
Force d'un propos chorégraphique et spatial qui nous entraîne avec frayeur dans les abîmes, failles et interstices d'une tectonique géologique inventive et percutante
Le son monte et s’amplifie, redondant, martelant, lancinant, comme un bruit qui enfle et éclate au final.
Une image sous dimensionnée apparaît sur le mur cinétique de ce rêve éveillé: image virtuelle, mirage ou véritable métamorphose en direct des dimensions de cette sorcière des airs, telle la "danse de la sorcière" de Wigman qui semble inspirer le tout
Dernière apparition d'un voile, d'une tenture qui se joue des poids et appuis dans une légèreté insoutenable, irréelle, magique, incroyable!
"Pince moi, je rêve" et le spectacle s'achève avec des visions plein les yeux d'un corps en suspension, aquatique amphibie, tel ceux de Gary Hill ou Bill Viola, magiciens des espaces vidéographiques!

 Aurélien Bory dédie et offre ce spectacle à l'artiste japonaise Kaori Ito, magicienne du corps, se riant des difficultés, pièges et autre attrapes pour offrir des visions irréelles de femme oiseau, déesse, fée , araignée,ou autres êtres insoupçonnés d'un bestiaire de légende dans ses antres archéologiques: suspendue au plafond, flottant dans les airs aquatiques, Un mythe, une légende dansée en suspension, entre tension et détente comme une architecture tendue à la Jean Nouvel; une initiation au passage !
Mélange et dialogue des arts garantis, "Plexus" et ses entrelacements n'a pas fini d'enchanter les planches anatomiques de nos galeries de l'évolution: évanescence et fluidité, apnée et suspension contre érection rigide et évolution classique de l'ange de l'anatomie et de la création!


Au TJP Grande scène jusqu'au 11 Avril 20H 30

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