mercredi 5 avril 2017

"Baal": à blanc !


A propos de :"Baal est la première pièce du dramaturge et metteur en scène Bertolt Brecht (1898-1956). Elle décrit l’errance existentielle d’un poète qui ne se soumet à aucune règle sociale, s’enivre de schnaps, de sexe et de poésie. Christine Letailleur a choisi de monter la toute première version de la pièce, écrite en 1919, avec toute la fougue et la révolte du jeune Brecht alors âgé de vingt ans, au sortir de son expérience de la guerre. 

Après avoir présenté Les Liaisons dangereuses au TNS en janvier 2016, Christine Letailleur crée Baal avec, dans le rôle-titre, Stanislas Nordey. Elle l’avait déjà mis en scène dans plusieurs pièces : La Philosophie dans le boudoir de Sade (2008) et des œuvres d’auteurs allemands du XXe siècle dont la dramaturgie la passionne : Pasteur Ephraïm Magnus de Hans Henny Jahnn (2006-2007) et Hinkemann de Ernst Toller (2014). Pour cette création, elle retrouve de fidèles compagnons de scène ainsi que de jeunes acteurs issus des écoles du TNS, du Théâtre National de Bretagne et du Conservatoire de Liège. "



Fougue, verve, déferlement de luxure, débauche et plaisirs de toute sorte, ce "Baal" est une résurrection païenne du spectacle d'origine, celui de Brecht, perdu, égaré dans une jungle dont il aimerait bien être le maître, le tyran, le bourreau des cœurs meurtris par une condition sociale amère et cruelle: celle des bas-fonds, celle où le corps des femmes est objet, trituré, violenté, irrespecté, manipulé.
Dans cet enfer, un décor sobre aux éclairages savants, les hommes naviguent tous pétris de désolation et sans espoir aucun: même la chair y est triste: est- ce la volonté de la metteure en scène que de rendre une atmosphère lugubre, alors que Brecht dans sa volonté de magnifier le désir et le plaisir souhaitait sans doute délivrer un message de distanciation moins fade, plus violent, rageur et animal, voire bestial en diable.
Stanislas Nordey incarne ce personnage cynique, trompeur et meurtrier, avec conviction, mais sans grande envergure dramatique: il faut croire en Baal comme en un être sans remords ni regret, compulsif et ravageur, à fleur de peau et de chair fraîche!
Oser l'insoutenable surtout de cette diatribe sociale qui contient en son sein toute l'oeuvre de Brecht, excepté la musique! Pas de divertissement, ni de pause pour cette course folle à la mort, à la destruction irrévocable d'un héros déchu qui va brûler sa vie sur l’échafaud d'une mezzanine enflammée: très belle vision plastique finale pour clore cette odyssée du désastre humain, de la décomposition d'un ivrogne, alcoolique qui brûle sa vie dans la douleur, pas le plaisir!
A mon souvenir Baal n'est pas beau physiquement mais sublime séducteur qui détourne les femmes, les aime et les initie à la jouissance ,la sublimation totale de l'amour non pas transcendé mais charnel et la maman n'est qu'un rabat joie ! Anti bourgeois ,il transgresse les lois ,une pièce de jeunesse de Brecht qui annonce Mutter Courage ,la femme forte indépendante qui traverse monts et marrées  il y a quelque chose de Fassbinder ,ce sont des hommes qui divinisent la femme ...
De la bouteille en plus et de l'audace encore pour affirmer sans rester désabusé, le destin d'un humain criblé de tares qui parfois émeut et parvient à nous séduire dans des repoussements salvateurs: on voudrait s'échapper par ce trou, emballé par la faute diluvienne qui frappe et habite ce personnage, monstre hors norme, généré par une société sans appel ni rémission possible.Assailli par le démon charnel, la vanité et l'impuissance de s'en démettre! Ce bal de la danse macabre reste vain et sans la terreur requise pour brosser le portrait d'un enfant de la balle.
"Baal" au TNS jusqu'au 12 Avril 

1 commentaires:

Martine a dit…

Merci pour cette analyse, je saisis mieux certaines choses

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