mardi 10 avril 2018

"Alan": au pays des merveilles, au seuil du terrier: qui l'a peint ?


Tous les jours, Alan fait le même trajet aller-retour de son bureau à son domicile. Installé dans la routine d’une vie solitaire, il ne prête pas attention à Mlle Jones, sa collègue. Jusqu’au jour où surgit dans sa vie un être étrange, mi-homme mi-lapin. Est-ce une hallucination ? L’auteur et metteur en scène Mohamed Rouabhi invite les spectateurs à plonger dans les pensées d’Alan. Il réunit sur le plateau un danseur chorégraphe, une actrice danseuse et une circassienne, dans ce spectacle où se conjuguent théâtre, danse et film d’animation. 

Et de battre ce cœur qui fend l'âme du spectateur, ces animaux au charme fou, ces êtres hybrides qui nous racontent le monde avec sensibilité, sur le seuil de la porte de l'enfer ou du paradis. Ces portes qui doivent être ouvertes ou fermées, par magie, qui délimitent le territoire en en faisant un filtre . Ou se jouent dans des décors changeants, des vies soit disant banales mais ici, colorées par des interprètes sensibles, mobiles, danseurs ou acrobates, tous les trois souples et dociles. Autant notre lapin chasseur, pas que beau, mais aussi attachant, touchant, de bon poil, sauvage le temps de se faire apprivoiser.Elle, Mademoiselle Jones, Marie Sergeant,séduisante et maline, aimable et perspicace, discrète mais habile à tisser des liens et des chemins d'entente. Frapper aux portes des grandes solitudes, de l'isolement, du quotidien pour mieux se projeter dans les dix merveilles du monde, en voyage, très loin, en amoureux enfin dévoilés.



Et que dire de ces merveilleux coups de crayon de couleur des films d'animation, signés Stéphanie Sergeant, subtil commentaire, prolongation inventive du texte sur "les vacances", dit en voix off par l'auteur lui-même? Que c'est une aubaine de savourer le mouvement et les couleurs de tous ces personnages projetés qui vivent et illustrent le propos cinglant de la banalité avec verve, talent et coup de patte singulier !Notre anti- héros, Alan, a de la chance de naviguer dans cet univers qui le porte, d'une porte à l'autre, au seuil de l'absurde, du surréel de l'incompréhensible petit monde qu'il s'est forgé pour se protéger.Alan au pays des merveilles, passe- muraille et poète sans voix qui bouge comme un mime subtil, fin et allusif, danseur de corde et magicien du geste.C'est Hervé Sika qui se meut en lui, endosse sa peau et se métamorphose en homme-animal alors que sa ou son partenaire, Lauren Pineau Orcier se joue de son faciès de lapin, tendre, attentif, à l'écoute des maux de son "maître" à penser, à danser.
Un conte de fées d'aujourd'hui qui décrit si bien les peurs et les angoisses, les faux remèdes des médecins panseurs de mots en tout genre.On se régale des images, autant que du son de la voix de Mohamed Rouabhi , de la mise en scène, théâtre d'ombres et de lumières, plateau servi pour nos fantaisies et souvenirs d'enfance: on n'a pas peur du grand gentil lapin, tapi dans son terrier, à l'affût des bruits du monde qu'il nous délivre sereinement.

Mohamed Rouabhi est comédien, auteur et metteur en scène. En 1991, il a fondé avec Claire Lasne la compagnie Les acharnés, qu’il dirige toujours. Parallèlement à son travail d’acteur, il a créé lui-même une dizaine de ses pièces, parmi lesquelles Jérémy Fischer, Malcolm X, Moins qu’un chien, Vive la France, All the power to the people. Après Alan, il a écrit Jamais seul, pièce mise en scène par Patrick Pineau à la MC93 à Bobigny, en janvier 2017.

Alan au TNS jusqu'au 21 Avril

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