samedi 15 décembre 2018

"Thyeste": crimes et châtiments. Monstres et merveilles.


Thyeste, œuvre la plus noire de Sénèque selon le metteur en scène Thomas Jolly, relate la vengeance d’Atrée. Parce qu’il possédait le bélier à la toison d’or, Atrée était roi d’Argos. Thyeste, son frère, a séduit sa femme pour le lui dérober et s’emparer du trône. Le dieu Jupiter est intervenu, Thyeste a été banni, mais Atrée ressasse sans cesse sa trahison… La pièce montre comment un être rongé par le ressentiment va se transformer en « monstre mythologique », capable de provoquer des phénomènes fantastiques qui le dépassent et d’entraîner l’humanité entière dans le sillage de ses crimes.



Dans un décor magistral, une main surdimensionnée, un pied côté cour, va se dérouler le destin de personnages, tout de blanc vêtus, pantins prédestinés par le sort, héros de la mythologie ici ressuscitée dans ce qu'elle a de plus cruel, dramatique, psychanalytique.



Main, comme un creuset, une vasque ou un piège où escaladent esprits et fantômes, lutins ou créatures hybrides. On resonge à la Cour d'Honneur du Palais des Papes où ce décor sur l'immense plateau, transformait les personnages en de petits bonhommes manipulés sur fond d'immense muraille, chateau fort confiné de leur sort démoniaque.

"On doit apprendre à vivre toute la vie et, ce qui est peut-être plus surprenant, toute la vie on doit apprendre à mourir."
La mise en boite noire étouffe l'atmosphère, emprisonne les personnages, les confine dans une prison, éclairée savamment par des projecteurs du cintre comme des lucioles encerclant une héroïne, chanteuse punk rock, slameuse des textes de Sénèque !
Très chorégraphique, la pièce met en scène lutte, combat, corps à corps....
"La vie ce n'est pas d'attendre que les orages passent, c'est d'apprendre comment danser sous la pluie."
Sénèque  se livre ici à vif dans cette mise en scène sobre qui investit un espace "rétréci"



La furie, Annie Mercier qui campe ici une pythie impressionnante, dicte le destin, s'empare des vies et sème le trouble.Thomas Jolly, en Altrée est dehors-dedans dans ce bain de folie, de crime, de conjuration.

La pièce est troublante, la longue table, éclairée de néons est le banquet, le festin du doute et du sort: très beau dispositif plastique où les couronnes sur les têtes vont tomber, délivrant des êtres faibles, en proie à une destinée fatidique!
Sénèque, pas mort, le drame au poing, l'actualité violente en main qui ne se referme cependant pas et reste ouverte, ongles écarquillés, doigts recroquevillés pour conjurer la peur.
Prendre son destin en main, en coup de poing pour surmonter, se soulever, ne pas attendre la fin comme fatalité!

Au TNS jusqu'au 15 Décembre


Thomas Jolly est acteur et metteur en scène de théâtre et d’opéra. Avec sa compagnie fondée en 2006, La Piccola Familia, il met en scène Marivaux, Sacha Guitry, Mark Ravenhill. Entre 2010 et 2014, il crée les quatre épisodes de Henry VI de Shakespeare, dont l’intégralité est présentée au Festival d’Avignon 2014. En 2015, il crée Richard III, incarnant le rôle-titre. En 2017, il a présenté Le Radeau de la Méduse de Georg Kaiser avec les jeunes artistes issus du Groupe 42 de l'École du TNS. Il crée Thyeste au Festival d'Avignon 2018 dans la Cour d'honneur du Palais des papes.

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