lundi 24 juin 2019

"Baleine" au festival des caves à strasbourg : des larmes de cétacé.


"Depuis plusieurs années, Simon Vincent visite les circonvolutions de l’inconscient. Quel plus bel endroit que les caves pour cette exploration ! Pour ce faire, il écrit en regard des grands mythes de la littérature mondiale. Après Kafka et ses créatures animales la saison précédente, il propose pour cette édition un monologue tissé autour des motifs de la littérature maritime : solitude des villes portuaires, appel du large, fascination pour les monstres marins, soif d’inconnu et de fuite… Anne-Laure Sanchez prête sa voix à la figure de celui qui a voulu embarquer. Nul doute, qu’ensemble, ils donnent à voir et à entendre la difficulté ou la nécessité de prendre la mer pour accomplir ses désirs les plus impérieux. Une quête de la vie en quelque sorte."



Nous sommes bien au fond d'une cave, une trentaine de spectateurs descendus se rassembler en deux rangées, face à face, laissant libre la partie centrale. Elle est déjà installée cette comédienne que l'on a tout juste quittée hier soir à Wangen pour "L'Illetric"...
Prise de parole dans l'obscurité, voix douce et tendre d'un personnage qui semble s'adresser à quelqu'un , mais à qui , et qui est-il, qui-est-elle? Peu à peu se délivrent des identités multiples ou les facettes d'une seule personne: on ne saurait pas vraiment de qui il s'agit sinon de destins incarnés par l'obsession du grand large, par la fascination des marées. Vêtue d'un chandail et d'un survêtement plutôt miteux, elle se lève et continue à se raconter sur un ton confidentiel. C'est la neige et le froid qui la tiennent en éveil, ce sont les empreintes et les traces qui la questionnent.Tel un Poulbot, un Gavroche elle veut "goûter" le large, venir pour repartir de cette ville inconnue, de cet océan, de cette côte..Le vide, la chute en funambule la tarabustent. Beaucoup de sensations dans le verbe énoncé, dans cette débâcle évoquée qui la conduit à nous faire écouter "Stand by me" communément autour d'elle. Elle fait sa propre régie, se câble, s'affaire dans la technique.
Puis vient l'évocation de la baleine, suivie par les oiseaux qui se nichent sur elle, joyeux parasites; dressée sur sa chaise  comme du haut d'une falaise, funambule, elle s'écrit, féroce et se cabre.Nous parle de son habitat misérable, défoncé, du désordre de ce dépotoir vivant qu'elle habite: poubelle souillée, amas, accumulation , encombrement d'un taudis où elle se réfugie Alors que le vide la fascine "J'ai quitté mon trou pour la plage", pour aller vers le cap. Et c'est cette "anomalie géographique" cette baleine échouée sur la plage qu'elle rencontre. Colline, bateau  couché sur le flanc, la baleine gît, morte, telle un fantôme,  et elle la caresse dans le calme du petit matin...Les images défilent, fortes à travers l'évocation poétique ou très crue de ses propos. Filer, danser sur le monde, et savoir comment la vie peut se diffuse r dans cette immense masse de chair délaissée, grasse et plissée de partout. Un œil grand ouvert semble être la piste pour pénétrer cette intrigante évocation de l'univers maritime. L’œil de la baleine qui pleure des larmes de sang . Musique à nouveau et de belles lumière s rasantes pour éclairer notre anti héroïne, assise dans la terre battue, ou sur le sable de la plage du cap.
Curieuse proposition que cette "Baleine", mi homme, mi femme, hybride, que ce personnage qui se raconte, homme, incarné par une femme ou un androgyne. Il y a comme un malaise, une hésitation, un leurre qui questionne et fait avancer peu à peu l'intrigue, le propos de la pièce. Sobriété de la mise en scène aussi pour mieux mettre en valeur le jeu de Anne Laure Sanchez, fragile créature en chaussures de marche, en vêtement de fortune. Beaucoup de sensibilité aussi dans l'approche de ce texte incongru, surprenant où la baleine apparaît, disparaît comme dans les flots, dévoilant son dos lisse huileux L'atmosphère des entrailles de la terre, cette cave étroite et moite pour nous immerger dans un monde étrange qui laisse rêveur....

Au festival  de caves à strasbourg ce 24 Juin.


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