jeudi 4 mai 2023

"Les jambes à son cou": au pied de la lettre!


Jean-Baptiste André Association W France3 interprètes création 2022

Les jambes à son cou

Bon nombre d’expressions familières se rapportent au corps, mentionnent ses membres ou ses organes. Ces mots produisent aussi des images. Pour cette création, Jean-Baptiste André a choisi l’une d’entre elles, plutôt farfelue, « prendre les jambes à son cou ». Un trio d’interprètes, danseurs et circassiens, en explorent joyeusement les possibles.

 

Si l’on sait bien que l’expression « prendre les jambes à son cou » signifie partir précipitamment, s’enfuir – ce qui se fait donc souvent en courant – comment s’imaginer littéralement dans une telle position pour s’en aller au plus vite ?! Voilà qui ne tient pas debout ! Jean-Baptiste André en fait son affaire d’une toute autre façon. Sur scène, il utilise les expressions corporelles – celle qui donne son titre au spectacle mais d’autres aussi – comme « point de rencontre entre les gestes et les mots, entre ce que dit le langage et ce que raconte le corps ». Il fait spectacle de ce jeu d’allers-retours, multipliant les situations décalées, tantôt burlesques ou poétiques. Et les expressions ne manquent pas ! Avoir la tête dans le guidon, en avoir gros sur le cœur, tourner les talons, lever le pied. Il y a là de quoi réjouir les amateurs de dessins animés mais aussi enfants et adultes, danseurs et circassiens. Gestuelle acrobatique, actions, récit et théâtralité, tout concourt à l’enchainement virtuose des fantaisies physiques de cette pièce pleine d’esprit joyeux et de liberté de mouvement.

Trois escogriffes fort sympathique vont s'ingénier à dénicher, trouver toutes sortes de positions et attitudes illustrant physiquement l'expression commune et populaire "prendre ses jambes à son cou".Et cela donne des résultats fort probants: des élucubrations inédites, des postures drolatiques qui relient cou et jambes, pour chacun de façon kinésilogique, puis pour le trio avec des trouvailles appropriée au déséquilibre, à l'architecture fantastique de corps portés de façon acrobatique. Tout en couleurs, vêtements ajustés à la pratique de la souplesse et de l'écoute avec de bonnes intentions les uns envers les autres. On s'y interroge sur toutes sortes d'autres expressions liant le corps avec les mots et le glossaire est riche: à en perdre la tête! C'est donc les pieds en éventail  dans une ambiance bon enfant que se déroule cette petite odyssée du corps textuel agrémenté d'une gestuelle proche du hip hop, de la capoeira et de l'art du nouveau cirque.Beaucoup de tendresse et de considération, de reconnaissance les une envers les autres mais aussi vis à vis de son propre corps. Le conduire à la piscine pour soigner un dos fragilisé par l'exercice terrestre par exemple: belle interprétation de Quentin Folcher pour cette saynète touchante, pleine de douceur et de charme. Fanny Alvarez, très tonique virevolte à souhait, cabriole et fait la roue pour prouver qu'elle est bien vivante et dynamique au sein de ce trio réflexif, penché sur des considérations quasi philosophiques sur le corps humain: corps banalisé autant que dansant, corps qui se frotte sans chichi aux lois de la gravitation ou de la gravité avec audace et enthousiasme.


Les costumes suspendus à deux vestiaires, dressing chamarrés de chaque côté de la scène attestent de cette volonté joyeuse et ludique de restituer un univers simple, abordable et fort édifiant. Le public par son imagination fertile de trouver lui aussi des expressions reliant corps et verbe, corps et texture intellectuelle. Jean Baptite André faisant office de liant au sein de ce "triolet" diabolique et malicieux plein de détournements savants de sens. Et la danse de surgir comme entremets et interludes dans cet opus de saynètes et sketches désopilants. Danse tonique, virtuose frôlant hip hop et art corporel circassien à l'envi. On se régale des jeux de mots, des questionnements qui parcourent la pièce et font de ce spectacle un vrai divertissement plein d'intelligence et de savoir être ensemble. Des rebus ou charade corporels pour tenter de trouver l'expression adéquate et le tour est joué: on s'amuse et la composition chorégraphique se dévoile: additionner les mouvements inzentés et s'approprier le flux de gestes ainsi crées! Quand "les bras m'en tombent" c'est un petit bijou burlesque et enchanteur qui surgit d"une panoplie charmante pour qui veut bien ouvrir cet inventaire à la Prévert des expressions de tous les jours si familières. Donner corps et âme à la langue française grâce au medium de la danse, voici une attention fort à propos!

A Pole Sud jusqu'au 4 MAI

Avec Fanny Alvarez, Jean-Baptiste André, Quentin Folcher

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