dimanche 7 mai 2023

"Nous nous sommes rencontrés sur une étoile" : grand écart ! Lovemusic, funambules de la création musicale....Sous une bonne étoile...

 



Dans le cadre du festival Arsmondo Slave. le 6 MAI à la salle Bastide de l'Opéra du Rhin.
Distribution Voix Léa Trommenschlager Flûte Emiliano Gavito Clarinette Adam Starkie Violoncelle Céline Papion Piano Nina Maghsoodloo Collectif lovemusic

Présentation

« Nous nous sommes rencontrés sur une étoile » : c’est ainsi que commence l’œuvre multilingue et intimiste d’Ana Sokolović. Le programme imaginé par le collectif strasbourgeois lovemusic est conçu comme un dialogue entre l’ancien et le contemporain, entre la voix et les instruments, entre la France et les pays slaves, entre différentes langues… et, par-dessus tout, un dialogue entre les œuvres de compositrices et compositeurs dont les esthétiques sont résolument singulières et contrastées. Celles-ci se font cependant écho et se rejoignent dans l’intensité de leurs sonorités, dans un certain minimalisme et une tendance à l’introspection. Comme un fil rouge venant ponctuer ci-et-là le programme, le concert propose également d’entendre des chansons traditionnelles slaves, dans des arrangements commandés pour l’occasion au compositeur Arthur Lavandier.

"J'ai tendu des cordes de clocher à clocher ; des guirlandes de fenêtre à fenêtre ; des chaînes d'or d'étoile à étoile, et je danse." Rimbaud "Les illuminations"

C'est tout l'art et la manière de ce concert: faire le grand écart en déséquilibre et nous faire vibrer, de surprise en surprise pour aller plus loin dans l'écoute et la visibilité de la musique. Quand tout démarre avec un solo de violoncelle, doux et contrasté avec la pièce d'Anna Sowa – Variations sur le thème de la mazurka from Tymbark” le ton est donné. Ésotérisme et virulence des accents quasi tziganes, langoureuse lenteur rêveuse de l'exécution de Céline Papion. Ce sont des dissonances "préparées", des sons inédits, des coups d'archet francs. Glissando et autres "vraies" fausses notes comme des "fausses routes" où il fait bon se perdre à l'écoute. Comme une mélodie de village polonais triturée et malaxée nous confie Adam Starkie lors d'un court intermède introductif. 
 
Tirer la langue, les langues.
Alors pour continuer Ah ljubav, ljubav / Ah l’amour, l’amour (chanson traditionnelle de Bosnie) nous conduit dans un tout autre univers: mélodie tournoyante, alerte, relevée, dansante, interprétée par tout le groupe, soudé, harmonieux, complice de cette pièce plus "traditionnelle" où déjà la voix chaude et voluptueuse de Léa Trommenschlager se fait entendre...Et la flute de Emiliano Gavito de rappeler des accents slaves...
Pour suite, de Jug Marković – Wash me blue fait contraste. Grand écart très bien agencé où clarinette et violoncelle dialoguent en radicale opposition. Charme des éclats du vent où les sons se frottent, s'allient, vibrent et se disputent la place à l'envi.Sur la corde raide tendue de l'audition et de l'écoute attentive requise à cette occasion. Funambules du son avec des crescendo grinçants en désaccord parfait ! Une lente descente en dégringolade au final pour clore et ne jamais conclure le morceau.
 
Trŭgnala Rumjana / Rumyana sortit chercher de l’eau (chanson traditionnelle de Bulgarie) 
C'est à nouveau une mélodie charmeuse, "rassurante" et fort harmonieuse qui baigne l'atmosphère ludique et chatoyante du concert. Une bouffée de rythmes allègres et mouvants, très mélodiques, calmante, berçante.
A Francis Poulenc avec Huit chansons polonaises (extraits) de succéder en contraste, pour piano et voix, superbement habité, à l'atmosphère énigmatique et planante façon mélodie française. La chanteuse littéralement invitée à visiter ce répertoire avec brio et force. 
 
 Sara Glojnarić avec– sugarcoating #2  vient ensuite colorer le récital et confirmer que la musique se regarde en train de se créer sous nos yeux ébahis par tant de virtuosité d'interprétation: ce "tout va bien" ironique pour piano, clarinette, et violoncelle est un morceau d’anthologie!A savoir que le jeu de la pianiste excelle dans les péripéties et acrobaties techniques à foison: il faut observer Nina Maghsoodloo à l'oeuvre pour le croire.Fabrique de sons à décrypter, de martellements, de "grands écarts" vertigineux, prouesse très esthétique. Avec les bras en amplitude et raccourcis, les doigts à l'affut de fugues impromptues, de frappes éruptives, spectaculaires Un phénomène musical inouï, du jamais vu passionnant, des troubles tectoniques qui bouleversent les codes: oser, étonner et séduire à coup sûr avec cette pièce bordée de samplings en boucle discrètes, en échantillons sonores à vitesses différentes. Une pièce en "miettes", en "morceaux" qui décoiffe, décale, morceau de choix du récital.
 
Puis, c'est "маруся / Marusya" (chanson traditionnelle d’Ukraine) pour pimenter le tout et revenir à la tradition: très dansante virevolte légère et relevée, cadencée, en cavalcade où une fois de plus la voix est reine, déployée, vivante, chaleureuse et enchanteresse. Tout le groupe galvanisé par tant de gaité et de vivacité apparemment "facile".
On termine en beauté avec Ana Sokolović – Tanzer Lieder (extraits) toujours en alternant contemporain et traditionnel avec grâce et subtilité.Les registres agencés avec talent et ingéniosité comme sait le faire le collectif "Lovemusic" et qui serait comme sa griffe, son image de marque et de fabrique. La voix flotte dans une atmosphère feutrée, discrète, secrète."Voix instrumentale" tant elle semble se fondre avec les trois autres instruments, en osmose totale. La composition aidant à cette fusion, cette puissance sonore, ce volume axé sur l'expression de la passion, de la virulence. Les ascensions vocales portées par les instruments : imitations labiales de sons animaliers, de percussions en écho....Poursuites endiablées, élans, rebonds tectoniques, ambiance d'une musique savante à déguster à l'affut de toutes variations imprévues à l'oreille.
Un rappel pour terminer dans la danse et la légèreté et le collectif a fait son oeuvre: nous faire voyager dans la cosmogonie bigarrée de la musique, des musiques de notre temps...Etoiles au firmament de la jubilation sonore.Sous une bonne étoile...
 
 
 Programme

Anna Sowa – Variations sur le thème de la mazurka from Tymbark
Ah ljubav, ljubav / Ah l’amour, l’amour
(chanson traditionnelle de Bosnie)
Sara Glojnarić – sugarcoating #2 маруся / Marusya
(chanson traditionnelle d’Ukraine)
Francis Poulenc – Huit chansons polonaises (extraits)
Jug Marković – Wash me blue
Trŭgnala Rumjana / Rumyana sortit chercher de l’eau
(chanson traditionnelle de Bulgarie)
Ana Sokolović – Tanzer Lieder (extraits)

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