« Oui bon à ce stade, plus personne ne comprend rien... »
Le Maigre, Les Gros patinent bien
C’est parti pour un tour du monde, avec un voyageur, qui ne bouge pas d’un pouce, mais voit du pays comme personne, grâce à un accessoiriste qui fait défiler derrière lui, dans une course effrénée, les décors et les paysages, simplement nommés au marqueur noir sur des cartons. Un procédé malin, vieux comme le monde, essence même du jeu, qui efface toutes les limites, ouvre grand les possibles.
Après Shakespeare, un retour aussi, celui de Pierre Guillois, Olivier Martin-Salvan et leurs compères, heureux à l’idée d’arpenter à nouveau la fameuse scène du Théâtre du Peuple - ils l’aiment tant - dans un voyage aussi burlesque qu’absurde, sur la glace et sous l’eau.
Complices depuis quinze ans, Pierre Guillois et Olivier Martin-Salvan rêvaient de faire un duo. Ils l’ont fait, tout de cartons. Clowns sans en être, s’inspirant davantage du slapstick anglo-saxon, ces "Laurel et Hardy bien à la française" ont écrit, pas à pas, l’absurde voyage d’un homme qui ne bouge pas mais qui pourtant traverse l’Europe grâce à son complice, qui, tout maigre qu’il est, fait défiler derrière lui les paysages, personnages et éléments rencontrés le long de la route.
C'est un prodige de régie technique qui se déroule devant nous près de deux heures durant..Deux personnages tiennent la scène: l'un plutôt grassouillet, assis sur une chaise en carton où les contours sont dessinés évoquant l'objet. L'autre, lutin malin et foldingue va s'échiner brillamment à nous faire voyager par l'imagination, uniquement via les inscriptions sur des bouts de carton qui se lèvent comme des slogans brandis sur des barricades : noms de lieux, d'objets et autres indications de lecture. C'est subtil, réactif et drôle de bout en bout. Au départ c'est un grommelot sonore mi anglais mi langue issue de métissages qui sourd des lèvres de "Laurel" alors que "Hardy" ne pipe mot. Nos deux compères vont bâtir des châteaux en Espagne, des plages où les mouettes virevoltent, des océans, des boutiques fantasques...
Des univers incarné par le jeu extravagant de Pierre Guillois, un pantin désarticulé autant qu'une sirène sensuelle barbotant dans le flot de l'amour: un coeur en carton qui bat sa coulpe! Alors que l'autre, celui qui ne bouge pas, ne rêve que de coca colas et de son Amérique perdue. Tout est en carton et l'on peut dire que ça cartonne pour ces sous-titres, de cartoon qui en disent long sur les humeurs, les actions, les ambiances: embruns, brumes et autres effets réels de magie.Comme des cartels signifiant qui comme par "hasard" ou magie apparaissent pour commenter, souligner l'action. Un film muet en vrai, en chair et en os avec un comédien-danseur virtuose, véloce, espiègle, charmeur, érotique à souhait. Danseur aussi tant les gestes qui tanguent et gigotent sont justes et jamais mimés. Le rire éclate quand débordés par tout ce qu'il se passe, c'est celui qui ne fait rien qui déclare sa fatigue!Chaussé de bottes le voici qui se redresse et Olivier Martin Salvan cède la parole à son Marsupilami préféré.L'adresse de ce dernier, son exigence de rapidité de manipulation bordée du jeu d'acteur sont sidérantes et l'on se prend au jeu de vitesse, d'accumulation de gags, de saynètes désopilantes toujours de "bon genre"et de bon gout.
Des moments de pur désobéissance civique aussi tant ce qui s'y passe dépasse l'entendement pour une grande réjouissance collective. Un spectacle qui "renoue" avec la malice, la virtuosité, l'inventivité dans le plus simple appareil des corps mis à rude épreuve de l'humour et de la distanciation. Un vrai bonheur pour le festival de Bussang et ce théâtre où même le hêtre devient "carton" que traverse notre héros de pacotille sans vergogne, passant de l'autre côté du miroir pour mieux y revenir. Meli-mélo ou pêle-mêle, c'est de la chiromancie où, les yeux exorbités, notre héros en slip noir et casque de bain fait des siennes à longueur de journée!pDes bannières révolutionnaire brandies en cartons, .pour un Théâtre du Peuple au coeur de la foret linguistique décalée qui sent bon la renouée et le spectacle burlesque, absurde, surréaliste et bon vivant. Le tandem Guillois-Martin-Salvan comme un duo-duel incessant dans un univers de carton-pâte inénarrable.Et utopique à souhait!Au final les abysses après un tsunami géant nous redélivre et restitue notre héroine fictive: une sirène protéiforme, leitmotiv de la pièce qui tisse des liens amoureux avec notre bonhomme débonnaire qui ne bouge pas.On souligne le travail remarquable de la régie et des accessoiristes et la création sonore de Loic Le Cadre qui épouse cette rocambolesque épopée aventurière avec grâce et adéquation au petit poil! Sauve qui peut, la vie!
Au Théâtre du Peuple à Bussang le 31 Aout
hOUT EST EN Csonores
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