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Un concert tant attendu à Sainte Aurélie, écrin rêvé pour cette nosturne de pleine lune, pour un voyage en baroque et contemporain, passerelle magnétique entre Monteverdi et Moultaka!-
Comme les deux premières, cette troisième soirée que Musica consacre au compositeur franco-libanais Zad Moultaka jette des ponts entre répertoire ancien et création contemporaine. Reprenant le livret et l’effectif du Combattimento di Tancredi e Clorinda de Monteverdi, Moultaka a conçu sa propre version du Combattimento, en même temps qu’une transition électronique (Il Sorgere) vers l’interprétation de l’œuvre du maître de Crémone: le spectacle, à penser comme un tout, se présente ainsi comme un «double drame pour soprano, ténor, baryton et ensemble instrumental». Ce projet profondément original, conçu pour célébrer le 450e anniversaire de Monteverdi, est repris dans le cadre de la résidence de Zad Moultaka à l’Arsenal / Cité musicale-Metz; il est défendu par Le Parlement de Musique, l’ensemble strasbourgeois de Martin Gester toujours prêt à faire dialoguer esthétiques et cultures.
Un solo du récitant pour ouvrir l'écoute sur des tonalités très orientales de l'orchestre de chambre: le voyage dans le temps peut commencer: les cordes, la harpe, délicieusement explorée dans des dissonances, et timbres très "chauds", veloutés et profond pour la voix semi chantée, semi parlée.Les cordes frappées, pincées, le clavecin léger, tout concourt à une fragilité émouvante, fine, raffinée et précieuse.Les deux personnages, interprété par Francesca Sorteni et Jean Gabriel Saint Martin, vivent intensément les destins des personnages, Clorinde et Tancrède. Le narrateur, Fernando Guimaraes, borde l'intrigue de sa voix prenante, suave et colorée.Les voix prennent appui sur les cordes, s'y glissent dans les entrelacs des sonorités hispanisantes, orientales, en un singulier "combat", esquives et tierces fendues.Combat d'épées, escrime de la musique, subtile mélange et insertion voix-instruments, cette oeuvre inspirée des "anciens" est emplie de précipités, de vibratos virtuoses: diction hachée, théâtralité et jeu des acteurs-chanteurs s'y imbriquent savamment.La voix céleste et charnelle de Tancrède, beau solo enrobé d'un instrumental, ornement recherché et précis.
Au loin, dans l'obscurité, sourdent les voix enregistrées, amplifiées d'un chœur spectre, charnellement absent, mais brillant par sa présence virtuelle, sonore sous la voûte céleste de Saint Aurélie: moment de grand recueillement que cet opus électronique....Immergé dans le son, le public, captif, attentif, renvoie une empathie singulière.Sons tournoyants, du tréfonds des abysses, en grondements menaçants....Abîmes intrigants, échos déroutants....
Au tour de Monteverdi, dans un doux glissement de lumières, pour continuer ce voyage à rebours, dans le temps: on y trouve toute la flamboyance, la verve du baroque, lumineux, loquace, futile et miraculeuse.
Perle baroque, ambiance sacrée garantie pour ces deux opus si proches, si loin mais si galvanisants!
En un "combattimenti" singulier!
Un récital unique à la "source" de la musique "moderne": un bain de jouvence où les paysages se succèdent, comme autant de sources sonores et confluents, résurgences et univers aquatiques.
C’est depuis Paris –où elle habite depuis plus de trente ans– que Momo Kodama, née à Osaka, organise sa carrière internationale ; et son répertoire puise à part égale aux sources française et japonaise. En attestent sa discographie, accordant une large place à Messiaen, Debussy, Ravel, Takemitsu ou Hosokawa, comme son engagement en faveur des écritures contemporaines – avec la création de plusieurs Études d’Hosokawa (2013) ou des Figures d’atelier de Rodolphe Bruneau-Boulmier (2015). Le programme du concert composé par l’artiste pour Musica juxtapose différentes pièces de ce magnifique répertoire, où France et Japon se font mutuellement écho.
C'est Messian qui ouvre sa cage aux oiseaux avec une oeuvre "Catalogue d'oiseaux" de 1958: ce "traquet rieur", s'envole, picore, pépie en notes légères ou appuyées, séparées par de courts silences éloquents. Sautillés détachés dans différents volumes sonores, tout évoque les attitudes, postures de l'oiseau que l'on finit par voir autant qu'entendre.Parmi une assemblée de ses congénères, on imagine ses mouvements, allées et venues volatiles, bavardes et loquaces. Dialogues ou conférences, chants ou mélodies sourdent des doigts de la pianiste; des notes graves pour cette "bestiole" figurant au catalogue des oiseaux curieux!
Elle enchaîne sans transition, féline, vêtue de noir, rubans rouges seyants, entourant son buste, gracile, gracieuse.Pour Debussy et ses "Douze études" qui ponctuent le récital en entremets délicieux, la pianiste vit et habite ce répertoire à merveille.Félicité de la lenteur qui progresse puis s'anime peu à peu.Dans l'allégresse et la délicatesse des notes en gouttelettes de pluie, rêverie dans la suspension du temps y sont évoquées.
L'oeuvre qui se glisse est celle de Toshio Hosokawa, "Etude"
De petites touches isolées, alertes, espacées pour semer le suspens..
Beaucoup de vivacité, des retenues et changements de rythme fréquents, brefs, effleurés du bout des doigts, puis fermes et affirmatifs, en flux et reflux.L'atmosphère est aquatique, l'univers très fluide, versatile.
C'est aussi une approche torrentielle des notes qui déferlent qui inaugure la pièce qui enchaîne ": la suite des "Douze études" de Debussy:la musique s'emballe, déferle, les vannes sont ouvertes, les flots lâchés en cascade: tout galope sur le clavier; elle, virtuose, les doigts courant sur les touches, se joue de la partition lumineuse et ardue.Les vagues avancent en marée furieuse, en coulées de lave incandescente!
Les phrasés, légers et toniques, la syntaxe, aisée, fluide, apaisent
"Figures d'atelier". de Rodolphe Bruneau-Boulmier, s'avère à la suite, tempête, orage des graves, atmosphère étrange en résonances du piano qui mugit, râle, frémit dans les sur-aigus qui s’égrènent.
Debussy prend le relais de cette brève tornade décoiffante.
Discrète mélodie, lente, spacieuse,, charmante, pleine de séduction, de discrétion, caressante et agréable. Ça coule de source vive et lumineuse: tout semble facile, aisé, confortable!Musique dansante,humoristique, maline et amusante, feignant la simplicité maline!
Avec Toru Takemitsu et "Rain Tree Sketch"la ferveur et l'affirmation du jeu de la pianiste s'impose!
Investie dans le piano de tout son corps qui y plonge,pour "Etudes pour les cordes bloquées", son Régis Campo devient source de sonorités inédites, courses folles, avec une vivacité et vélocité inégalées. Elle tricote allègrement, en forts contrastes de touchés, fait du "sur place" à répétitions enivrantes et résonances menaçantes Ça galoppe, ça piétine et repart, furtif, léger comme un flux empêché! Le jeu très beau de la pianiste est à voir, regarder, absolument!
Puis, c'est la marche très appuyée, tonique de martiale de Toshio Hosokawa, "Mai"
Puis c'est la marche très appuyée de Toshio Hosokawa, "Mai,Uralte japanische Tanzmusik": ton martial, solennel, tonique, imposant, comme une entrée royale; plus discrète par la suite, cette marche affirmée revient en leitmotiv
pas à pas, avance, parade allègre, hautaine et respectable.
Debussy conclue, boucle le récital fleuve, en confluent vers un estuaire déferlant, flots et volume sonore gonflé, envahissant, entraînant Momo Kodama, telle Ophélie, dans les eaux salvatrices de Nymphéas colorées, pastel
Un bonheur absolu pour ce récital en bord de nuit, au bord de l'eau.
Ce ciné-concert fait salle comble à la Cité de la Musique et de la Danse à Strasbourg
C'est au compositeur, pianiste, arrangeur, improvisateur Andy Emler surtout initiateur de rencontres et catalyseur d’enthousiasmes que revient la gageure d'enjouer les images d'un film muet: et non des mondres!. Invité en 2015 à Musica pour la création du Fun des oufs, il revient cette année pour un projet tout aussi décalé : épaulé par deux autres voltigeurs (le guitariste Marc Ducret et le contrebassiste Claude Tchamitchian), il accompagne d’une musique inédite (Séquences en série pour 3 brigands) la projection de deux épisodes des Vampires, mythique serial muet de Louis Feuillade. "Lançons-nous, avec eux, aux côtés du journaliste Philippe Guérande et de son fidèle ami Oscar-Cloud Mazamette, sur la piste de la malfaisante bande des Vampires... "
Mais où est Dracula?
Un bal, ballet étrange de personnages incroyables, aux yeux cernés de noir, expressifs à souhaits: sans cagoule, ni cape, ni masques de fantômette, nos héros de pacotille franchissent l'écran et le crèvent au son des improvisations très jazzy, des compositions des trois interprètes en live.
En deux films "Satanas" et "Le maître et la foudre", voici un voyage dans le temps et l'histoire du cinéma, incroyable épopée du muet et des techniques naissantes: plans fixes, gros plans se succèdent et rythment la narration et ces cartels éloquents. Les corps chorégraphiés, en petites touches expressives, infimes font mouches et là où l'on ne les attend pas, les musiciens bordent, au piano solo ou en trio infernal, cette odyssée de brigands, truands distingués, dandys et autres "montmartrois" de fortune. Les prestations des acteurs, Musidora, en tête de gondole sont sidérantes et les musiciens, inspirés par cet univers décalé, en font un monde fantastique, distingué et jouissif.
Pas de "vampires" sanguinolents, ni d'enfer annoncé pour ces satans de la magouille, nosfératu du noir et blanc scintillant, de l'image fixe, si animée de bonnes intentions musicales!
Vivent les ciné-concert déconcertants, les vampires nous aspirent et troublent au plus juste!