jeudi 5 octobre 2017

Momo Kodama, piano: Ophélie, dans ses nymphéas...à Musica. Aux sources de la modernité!


Un récital unique à la "source" de la musique "moderne": un bain de jouvence où les paysages se succèdent, comme autant de sources sonores et confluents, résurgences et univers aquatiques.
C’est depuis Paris –où elle habite depuis plus de trente ans– que Momo Kodama, née à Osaka, organise sa carrière internationale ; et son répertoire puise à part égale aux sources française et japonaise. En attestent sa discographie, accordant une large place à Messiaen, Debussy, Ravel, Takemitsu ou Hosokawa, comme son engagement en faveur des écritures contemporaines – avec la création de plusieurs Études d’Hosokawa (2013) ou des Figures d’atelier de Rodolphe Bruneau-Boulmier (2015). Le programme du concert composé par l’artiste pour Musica juxtapose différentes pièces de ce magnifique répertoire, où France et Japon se font mutuellement écho. 
C'est Messian qui ouvre sa cage aux oiseaux avec une oeuvre "Catalogue d'oiseaux" de 1958: ce "traquet rieur", s'envole, picore, pépie en notes légères ou appuyées, séparées par de courts silences éloquents. Sautillés détachés dans différents volumes sonores, tout évoque les attitudes, postures de l'oiseau que l'on finit par voir autant qu'entendre.Parmi une assemblée de ses congénères, on imagine ses mouvements, allées et venues volatiles, bavardes et loquaces. Dialogues ou conférences, chants ou mélodies sourdent des doigts de la pianiste; des notes graves pour cette "bestiole" figurant au catalogue des oiseaux curieux!
Elle enchaîne sans transition, féline, vêtue de noir, rubans rouges seyants, entourant son buste, gracile, gracieuse.Pour Debussy et ses "Douze études" qui ponctuent le récital en entremets délicieux, la pianiste vit et habite ce répertoire à merveille.Félicité de la lenteur qui progresse puis s'anime peu à peu.Dans l'allégresse et la délicatesse des notes en gouttelettes de pluie, rêverie dans la suspension du temps y sont évoquées.
L'oeuvre qui se glisse est celle de Toshio Hosokawa, "Etude"
De petites touches isolées, alertes, espacées pour semer le suspens..
Beaucoup de vivacité, des retenues et changements de rythme fréquents, brefs, effleurés du bout des doigts, puis fermes et affirmatifs, en flux et reflux.L'atmosphère est aquatique, l'univers très fluide, versatile.
C'est aussi une approche torrentielle des notes qui déferlent qui inaugure la pièce qui enchaîne ": la suite des "Douze études" de Debussy:la musique s'emballe, déferle, les vannes sont ouvertes, les flots lâchés en cascade: tout galope sur le clavier; elle, virtuose, les doigts courant sur les touches, se joue de la partition lumineuse et ardue.Les vagues avancent en marée furieuse, en coulées de lave incandescente!
Les phrasés, légers et toniques, la syntaxe, aisée, fluide, apaisent
"Figures d'atelier". de Rodolphe Bruneau-Boulmier, s'avère à la suite, tempête, orage des graves, atmosphère étrange en résonances du piano qui mugit, râle, frémit dans les sur-aigus qui s’égrènent.
Debussy prend le relais de cette brève tornade décoiffante.
Discrète mélodie, lente, spacieuse,, charmante, pleine de séduction, de discrétion, caressante et agréable. Ça coule de source vive et lumineuse: tout semble facile, aisé, confortable!Musique dansante,humoristique, maline et amusante, feignant la simplicité maline!
Avec Toru Takemitsu et "Rain Tree Sketch"la ferveur et l'affirmation du jeu de la pianiste s'impose!
Investie dans le piano de tout son corps qui y plonge,pour "Etudes pour les cordes bloquées", son Régis Campo devient source de sonorités inédites, courses folles, avec une vivacité et vélocité inégalées. Elle tricote allègrement, en forts contrastes de touchés, fait du "sur place" à répétitions enivrantes et résonances menaçantes Ça galoppe, ça piétine et repart, furtif, léger comme un flux empêché! Le jeu très beau de la pianiste est à voir, regarder, absolument!
Puis, c'est la marche très appuyée, tonique de martiale de Toshio Hosokawa, "Mai"
Puis c'est la marche très appuyée de Toshio Hosokawa, "Mai,Uralte japanische Tanzmusik": ton martial, solennel, tonique, imposant, comme une entrée royale; plus discrète par la suite, cette marche affirmée revient en leitmotiv 
pas à pas, avance, parade allègre, hautaine et respectable.
Debussy conclue, boucle le récital fleuve, en confluent vers un estuaire déferlant, flots et volume sonore gonflé, envahissant, entraînant Momo Kodama, telle Ophélie, dans les eaux salvatrices de Nymphéas colorées, pastel
Un bonheur absolu pour ce récital en bord de nuit, au bord de l'eau.


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