mercredi 20 mars 2024

"Retour à X": trans-mission , adieu ou bonjour tristesse....Un drame sensible en quête d'autrice.

 


mercredi 20 mars Retour à X 

actuelles - 26ème édition du 19 au 23 mars 2024 - 19h TAPS Laiterie

 FAIRE DÉCOUVRIR AU PUBLIC DES TEXTES DE THÉÂTRE ACTUELS,INVITER LEUR·ES AUTEUR·ES, FAVORISER LES ÉCHANGES ET PARTAGER DES ÉMOTIONS :TEL EST LE PRINCIPE D’ACTUELLES, TEMPS FORT DE LA SAISON DU TAPS CONSACRÉ A L’ÉCRITURE THÉÂTRALE D’AUJOURD’HUI.La saison 2023-2024 accueille la 26ème édition d’Actuelles, cinq soirées dédiées aux écritures théâtrales contemporaines. Pour cette édition, cinq pièces de théâtre ont été sélectionnées parmi la centaine reçue par les artistes associé·es Pauline Leurent et Logan Person, et le comité de lecture du TAPS.Ces textes sont ensuite confiés à des directeurs et directrices de lecture qui rassemblent autour d’eux une équipe d’artistes pour en assurer la lecture et la partition musicale, différentes chaque soir. À ces comédien·nes et musicien·nes viennent s’ajouter cinq équipes d’étudiant·es de la section scénographie de la Haute École des Arts du Rhin (HEAR), qui repensent entièrement le TAPS Laiterie chaque soir pour une mise en espace originale.La cuisinière Léonie Durr concocte des mises en bouche inspirées par les textes et dégustées à l’issue de la soirée.

 Une femme revient sur les traces de son enfance en s’installant là où elle est née et a grandi, et avant elle ses parents. Au plaisir de retrouver le paysage familier, les souvenirs qui jonchent le chemin, se mêlent les doutes : pourquoi être revenue ? Et puis, il y a cette boîte rouge qui retient les photographies de la famille : pourquoi les femmes sur les photos semblent-elles si tristes ? Et si la tristesse pouvait se transmettre ? De mère en fille ?Commence alors ce qui pourrait s’apparenter à une enquête intime et générationnelle. Et, petit à petit, c’est un souvenir enfoui qui resurgit. Et un présent qui se répare, en même temps que le passé se reconstruit. 

Comme sur une estrade de chorale les sept comédiens en dégradé entament cette longue marche à travers le temps et les paysages, sur les sentiers de l'âne qui va brouter où bon lui semble. Dans le tréfonds de cette fameuse boite rouge, boite d'une Pandore absente. Des souvenirs à l'appel d'une femme, pilier et plaque tournante de ce texte à mille et une entrées et sorties construit comme un rubiks cube multi-facettes d'une narration à tiroir, kaléidoscope lumineux réfléchissant les couleurs. Les "X" ne sont pas ceux de la censure ni de la taille quoique les mots sont énormes ou étroits à porter sur les épaules. Ces X comme des didascalies qui ouvrent des portes à l'interprétation et grandissent le chant d'action. Comme des croix, des repères sur les sentiers balisés d'un tapis de danse. Le champ et hors champs d'un fil conducteur cinématographique, séquencé, monté en autant de strates, couches géologiques et généalogiques de cette famille fantôme utopique. Des lieux et non lieux, bistrot, boutique fantasque de campagne superette-bazar où l'on trouve tout, et montagne du Forez ou du Jura. Là où l'on sert "la sapinette" apéritive aux bons clients du café. 


Les souvenirs remontent à la surface et abreuvent notre lectrice-actrice principale, cheville ouvrière de cette nouvelles atypique. Sans ponctuation, ce qui fait respirer la syntaxe en enjambements ou césure très musicale. On respire de la bonne oxygène à son rythme, on sent les fragrances de ce tapis végétal d'épicéas, de  brindilles rousses qui participent au dépaysement fictif. Tous engagés dans un texte très évocateur d'émotions, de sensations, de mémoire familiale. Les femmes y sont échelle du ciel d'une famille en vrac, d'une jeune gamine "tâchée" de plaques maladives qui s'épanchent, se répandent sur sa peau, son corps. Une curiosité, une bête de foire que l'on cache dans ce secret de fabrication de famille. Enquête au coeur d'un drame sensible dixit Béatrix Beaucaire, maitre de cérémonie, madame Loyale de la soirée. Discrète participation sur l'estrade comme orchestrant à l'aveugle sa bande de comédiens diseurs de bonnes aventures romanesques. L'autrice, parmi nous dévoilant ses intentions de vertige, de trouble quant à l'écriture de ce texte ici incarné pour la première fois. Du bonheur que cette rencontre entre artisans de la scène. La scénographie comme des courbes de niveau sur une carte IGN, des balcons géologiques comme dans les monts du Massif Central, le Jura ou le Kaisersthul.


Belle équipe artistique pour ce voyage au bout de la mémoire, du patrimoine familial contenu dans cette matrice rouge sang. Au ferment de photographies évoquées au fur et à mesure pour nous présenter les habitants de cette contrée mentale. Marine Bedon signe ici un opus littéraire plein d'images animées, de mots et d'expressions sensibles. Douces comme la musique égrenée au piano en improvisation par Thomas Valentin. En symbiose sismique avec la tectonique des couches de cette géologie mémorial vivant et très terrestre.Des bouchées comme entremets en strates et couches de fromage et pâte à choux concoctées par Léonie Durr et Jacques Delamarre en amuse bouche avant le plat de résistance d'un débat-rencontre à l'issue de la représentation. Du terroir pour le gout et les papilles après la première étape gourmande des textes incarnés par ces choristes du verbe sur leur estrade.

Directrice de lecture : Béatriz Beaucaire Musicien : Thomas ValentinScénographie (HEAR) : Ninon Blanchiet, Ninon Savate, Zacharie Charlier, Valentine Coque Comédien.nes : Hélène Hoohs, Carole Breyer, Jenny Macquart, Maxime Pacaud, Francisco Gi

lundi 18 mars 2024

"La chambre d'eau" Marie Barbottin baigne dans la matrice de ses rêves: histoires d' eau...

 

La chambre d’eaux

La chambre d’eaux est une fable contemporaine. L’histoire d’une jeune héroïne, née dans une baignoire, le poing en avant, qui, affranchie des injonctions liées à sa condition de petite fille, se revendique humaine avant tout. La chambre d’eaux est une histoire pour les enfants… mais pas que. S’y pose la question de la possibilité – quel que soit son sexe – de grandir et de se construire dans l’égalité, à contre-courant des normes sociales. Réunis dans un même espace, interprètes et spectateurs sont enveloppés dans un paysage sonore et visuel luxuriant avec, au centre, un amoncellement de fleurs séchées et une baignoire sabot ancienne et colorée. Une subtile forme de récit où les mots, la musique et les danses de l’interprète Marie Barbottin entrent en dialogue avec le danseur Yan Giraldou, en charge de l’interprétation en Langue des Signes Française, faisant de cette très belle pièce un inédit solo pour deux interprètes.

"Sasha"

Une histoire de plasma, de matrice, de nid douillet: le ventre de sa mère qui donne naissance à un personnage expulsé du liquide amniotique, celui qui  permet au bébé de se déplacer librement pendant les neuf mois de la grossesse, il lui fournit de la chaleur et amortit les chocs éventuels ... avec joie et tendresse. Une fille est née "fille" selon les paroles de son environnement: destinée à obéir, se soumettre ou ne rien entreprendre. Son frère c'est cet homme sur son perchoir qui double la voix off enregistrée. Voix douce ou déterminée interprétée par Hortense Belhôte. Frère et soeur dans le bain, dans cette baignoire, ce tube, matrice, habitacle idéal pour barboter et se mouvoir.  Un personnage à part entière avec ses quatre pieds de lion à l'ancienne. S' y lover à l'endroit, à l'envers selon les mouvances de l'eau . La "petite fille" grandit et se questionne à propos du robinet du frère qu'elle ne possède pas. Tout juste une "blessure" avec un tout petit robinet que l'on pourrait peut-être étirer aussi ! La danseuse est solide, les gestes fluides, l'expérience aquatique feinte dans des attitudes et postures adéquates. Elle dessine aussi avec tout son corps, de l'argile plein les mains sur la "page blanche" du tapis de danse tout noir. Destin qui la façonne dans son être, la construit et lui permet d'exister pleinement hors norme et cadre. Dessiner au sol, agrandir ces fresques spontanées inventées et senties grâce à la complicité d'un illustrateur Stephan Héloin impliqué dans le processus de création. Langage des signes pour son compagnon de jeu qui interprète ses émotions en prolongeant les codes en des mouvements loin du mimétisme ou du mime. Un engagement insolite et partenaire de cette narration bordée et soutenue par la musique live du guitariste présent en symbiose.Yan Giraldou pour le DLS, Nicolas Martz  pour l'interprétation et la création sonore. Un trio touchant, intriguant qui fait réagir les enfants assis en rond autour de ce décor végétalisé de lichen qui grimpe sur le perchoir et évoque une forêt utopique, irréelle, magique. Du bel ouvrage que cette pièce unique taillée sur mesure qui touche un sujet, la transidentité, le genre ou tout simplement l'être que l'on cherche à être ou devenir par tous nos moyens, seul ou en compagnie des autres. Marie Barbottin signe ici une mise en espace et en corps  d'un texte sobre, évocateur, universel manifeste de l'identité commandé à Cattherine Verlaguet. Ca parle et interpelle au bon endroit! Pas loin du "deuxième sexe" de Simone de Beauvoir....

 


A Pole Sud jusqu'au 19 Mars

dimanche 17 mars 2024

"Soirées lauréates" à Music&lles : Des "elles" pour des envolées sauvages et belles.

 


Soirée en partenariat avec le Parc naturel régional des Vosges du nord et l’association Au grès du jazz. Le dispositif Music&lles est notamment co-financé par l'Union européenne au titre du Fonds social européen (FSE +), la Ville de Strasbourg et la Région Grand Est, en partenariat également avec L'Autre Canal, Le Gueulard +, Jazz Us et le festival Feminista.

Une soirée d'aventures sonores et musicales avec 4 showcases, pour découvrir les groupes strasbourgeois lauréats de notre nouveau dispositif d'émergence et d'accompagnement dédié aux femmes* lead, Music&lles.


yaL

Prix « découverte » yaL, c’est un projet d’expérimentation dans lequel différents registres et paysages sonores se mêlent et s’entremêlent, contrastent et éveillent les sens, à base d'électro, de chœur et de musique orientale. Sur scène, loops et boucles s'associent aux claviers, kalimba, carillon, au grand plaisir de nos oreilles.
 

Pour entamer et débuter la soirée inédite une bonne pioche! La chanteuse, diseuse et multiinstrumentiste se régale de trafics et bidouillages sonores à la console, invente des sons percutants en prolongements de ceux proposés par ses synthétiseurs. Femme-orchestre, se dirigeant elle-même de tous côtés, elle invente une façon d'être en musique, très singulière. Seule et avec plein d'autres partenaires sonores pour des univers variés, tonitruants ou poétiques. Du punch et de l'affirmation d'un style qui n'appartiendrait qu'à elle, Yaelle Monnet.

nanalerda
Prix « découverte » nanalerda traduit ses émotions intenses par le biais d’étrangetés sonores, de sa voix versatile et accrocheuse, sur des thèmes tantôt apocalyptiques tantôt personnels. Accompagnée de sa fidèle basse, GIZ, elle vous fera entrer dans un autre monde, celui où les abeilles font la loi et où les zombies dansent. Le dystopique saura-t-il réchauffer votre cœur ?
 

Alors la voici comme dit, alerte, joviale, joyeuse, impatiente de nous communiquer son émoi, son enthousiasme. Un "copié-collé" aux petits oignons, un "papa abandonné" autobiographique comme un autoportrait cinglant et attendrissant sur l'abandon, un "balcon rose" d’où elle nous conte fleurette et un "dernier" qui ne sera pas le dernier morceau de son show,  numéro d'équilibriste du son. Longue silhouette longiligne, bien plantée, ancrée au sol, le bras et la main esquissant des mouvements gracieux. Le sourire de Lena Richard ou la moue complice de son jeu plein de verve, de naïveté juvénile bien simulée... Du talent en herbe à cultiver, déployer de toute urgence pour le plaisir de la revoir évoluer en compagnie de son deuxième instrument, sa basse GIZ, compère et compagne de route fort attachante.Elle danse sur ses appuis et conquit.l'auditoire avec distinction, discrétion et perspicacité. Maline et féline interprète de ses propres créations.

​Lüssi
Prix « découverte » Lüssi est un duo associant voix, guitare et violoncelle dans un registre de l'intime. Une pop francophone aux rythmes asymétriques, pour mieux raconter de nébuleuses histoires, une musique inspirée par l'audace de Klô Pelgag, le monde coton de November Ultra ou encore l'énergie d'un Bill Laurance, musicien de jazz modern. Son nom s’inspire de la Sainte-Lucie, fête célébrée dans les pays nordiques, qui marque le début du solstice d’hiver, le début des longues nuits.

 On la connait déjà mais la voici plus mûre et plus sereine, assurant avec beaucoup de tact et de sureté un show tendre et quasi nostalgique, poétique à souhait. Aux côtés de sa partenaire violoncelliste, en osmose et symbiose naturelle. Toute de blanc vêtue en costume virginal très stylé, strict et amidonné, au caractère voisin de sa musique sobre et aux paroles dosées de tendresse.  Sa comparse tout de noir gainée si proche de son instrument qu'elle en devient comme cette clef de sol d'une image de Man Ray gravée au dos de son modèle photographique. Romane Riat et Lucille Charbillet, binôme, duo de charme en chambre dans ce beau décor cosy très feutré et intime.

Exotica Lunatica
Coup de cœur du jury  Nouveau duo de la scène strasbourgeoise, Exotica Lunatica est formé de la compositrice et multi-instrumentiste française Daphné Hejebri et de la chanteuse, guitariste, réalisatrice et performeuse grecque Eleanna Konstanta. « Enter The Moon », leur premier album, est sorti en juin dernier. Une musique de transe, des enchevêtrements sonores qui s’écrivent en échos, des sonorités ethniques, polyphoniques, incorporant des éléments classiques et les fusionnant à d'autres plus actuels. La relation de l'humain au vivant, aux éléments, à la matière, aux sens, à la transcendance de soi sont explorés dans une atmosphère mystique, cosmique.

Pour clore cette soirée hybride, un duo de choc: deux créatures, magiciennes ou sorcières maléfiques toutes en noir, gothiques à souhait, post punk hurlent et frappent leurs douleurs avec énergie, passion, plus encore, leur rage d'exister, de jouer, de chanter. Maitrisant plusieurs instruments, clavier, guitare sèche, mélodia, elles savent tout faire et hypnotisent, capturent le public jusqu'à l'agacement et dérangent l'ordre musical. La voix tonique et ravageuse, sauvage et belle exulte en permanence. Sa comparse, sauvage la seconde à la frappe de batterie et djembé, dégenrée, cuisante, envoutante. Deux jeunes femmes grecques en plein envol qui arrachent. Le dernier morceau inspiré du folklore grec apaise en fait retomber sur terre le spectateur-auditeur. Du chien, de l'insolence, de l'audace pour ces furies hantant la Salle du Château comme deux anges éperdus de transfiguration. Au pied levé de surcroit suite à   l'expiration d'un des deux claviers!​ Eléanna Konstanza et Daphné Hejebri, chamanes inspirées. On se souvient de son "phantasmagoria" crée à Musica en 2017....


Cette image résumant l'esprit d'initiative et d'étrangeté du festival "Music&lles" initiée par Sturm Production et son Pygmalion Séverine Cappiello aux commandes. Une soirée étonnante avec "elles", envolées acoustiques de notre temps, de personnalités musiciennes en herbe, en devenir dans cette pouponnière de talents et incubateur de musiques nouvelles. De chrysalide en papillon de nuit, loin des "éphémères" apparitions. Musiques- actes- elles, les "music&lles" feront parler d'ailes même. Sturm und Drang pour donner de la voix, un -des-endroits où créer sur la bonne voie de la musique avec elles.

rappel sur Lussi:

https://genevieve-charras.blogspot.com/2024/01/claire-days-et-lussi-concert-au-feminin.html

sur "phantasmagoria" de Daphné Ejebri

https://genevieve-charras.blogspot.com/2017/09/jeunes-talents-clarinet-counterpoints.html

et "nouvelle pièce"

https://genevieve-charras.blogspot.com/2022/09/a-mi-mots-et-sans-fausses-notes-de-gout.html