vendredi 30 septembre 2022

"Sonic Temple":Musica, super tonique, supersonique!

 


Prologue
Le temps fort de l’expérimentation sonore pose à nouveaux ses baffles à l’église Saint-Paul et Saint-Pierre-le-Vieux et continue de tracer le panorama d’une création musicale plurielle et alternative.
 
Ce quatrième volume se déploie en quatre temps, avec en before Shin Young Lee, artiste coréenne, qui s'empare de l'orgue de l'église Saint-Pierre-le-Vieux, pour interpréter notamment Volumina de György Ligeti.
La soirée s'enchaîne à l'église Saint-Paul avec la présence exceptionnelle d’Ellen Fullman. La compositrice, performeuse et factrice d’instruments américaine, installe son Long String Instrument dans la nef de l’église. Un instrument démesuré construit in situ avec des cordes vibrantes de plus de vingt mètres de long — pour une expérience d’écoute inouïe.Et c'est le cas pour cette déambulation très physique de la compositrice aux commandes de son curieux dispositif: une longe allée parsemées de cailloux, comme le sentier marqueur du Petit Poucet. De longs fils pincés pour faire frissonner ces cordes magiques surdimensionnées. Allées et venues incessantes, marche chorégraphiée pour un corps musical immergé dans la fabrication du son en direct. La nef de l'église Saint Paul comme écrin, caisse de résonance inouïe.Une fois de plus "regarder" la musique s'impose aux oreilles!

Après Infinity Gradient et Drift Multiply en 2021,Tristan Perich est de retour à Strasbourg. Il présente une autre facette de sa pratique, cette fois purement électronique, avec Tone Patterns et Noise Patterns, deux projets miroirs qui s’appuient sur les dispositifs 1-BIT dont il a le secret.C'est folie de l'espace sonore investi, gonflé, gorgé de tonalités et sons vrombissants, ou salves projetées comme des sonorités de lâchés de feu d’artifice à toute volée. Sur le tarmac de sa console, l'artiste suit son chemin , le volume s'amplifie, les lumières sortent l'ambiance de sa semi-obscurité.Des sons très "organiques" comme issus des tuyaux du monstre à vent, résonnent et font leurre et mystère.Les sens en éveil, en ondes et tremblements pour appui au sol et dans l'éther malmené par ces vibrations tonitruantes...Une ambiance quasi Steve Reich électronique, expérience sensorielle extrême et jouissive !

La soirée se conclut avec La Tène dans un effectif élargi, avec un folklore du futur antérieur.

La Tène est un animal à trois têtes d’où émane une seule et même énergie. Si l’on entend ici la résonance de musiques traditionnelles, la répétition saturée, les harmoniques éthérées ou une danse imaginée… c’est qu’ils coexistent dans la musique de La Tène comme une unique trame arrachée à ses racines.
Le trio franco-suisse produit une musique où chaque influence, aussi profonde soit-elle, se découpe en motifs devenus thèmes, il ne s’agit pas là de briser les modèles mais de les faire exister taillés dans la roche comme autant de fragments à reconstruire.
Il n’existe pas de ligne de départ ni d’arrivée, point d’habituels couplets, ceux-ci sont perdus dès les premiers chocs que le corps reçoit… On y trouve des obstacles dressés en statues, des inconnus familiers, des bribes entendues ailleurs, ou encore des angles multipliés, et autant de gestes répétés.
La volonté de La Tène n’est pas d’arranger ou réinventer une musique toujours vivante mais bien de tisser chaque fil dans un nouveau sillon encore et encore jusqu’à son épuisement.

Le public nombreux et captif pour ce temps fort du festival Musica, toujours à la recherche de musiques inédites s'enfonce dans la nuit de la cité et veille aux vibrations du monde, adhérant à la nouveauté, l'incongru...

jeu 29 sept | 19h - Église Saint-Pierre-le-Vieux
Shin Young Lee


jeu 29 sept | 20h30 - Église Saint-Paul
Ellen Fullman
Tristan Perich
La Tène :Alexis Degrenier : vielle-à-roue
D’incise : harmonium, électroniques
Cyril Bondi : percussions
 et invités !

"Until the Lions": Thierry Pécou en mudras musicaux....

 


Création mondiale. Nouvelle production de l’OnR. Dans le cadre des 50 ans de l’OnR.


Opéra en un prologue et trois actes.
Livret de Karthika Naïr.
Adaptation partielle de son livre Until the Lions: Echoes from the Mahabharata.

En préambule"....Au jeu des trônes, les gagnants d'hier sont souvent les perdants de demain. Alors que le roi de Kasi s'apprête à célébrer la cérémonie du svayamvara au cours de laquelle ses trois filles devront choisir un mari à l'issue d'un tournoi, il néglige d'inviter la famille royale de Hastinapura. L'affront déclenche la colère de la reine-mère Satyavati qui cherche à marier son fils Vichitravirya. Elle envoie en représailles son beau-fils, le chaste guerrier Bhishma, vaincre tous les prétendants et enlever les trois princesses. Seule Amba, réputée pour son esprit de liberté et d'indépendance, refuse de se soumettre. Humiliée par Bhishma, elle jure de provoquer sa perte, dans cette vie ou dans une autre, quitte à devenir un homme et prendre les armes à son tour.
Le Mahabharata est une immense épopée sanscrite consacrée aux aventures guerrières de deux branches d'une même famille royale descendante de l'empereur Bharata, fondateur légendaire de la nation indienne. La poétesse Karthika Naïr en propose une vision inédite et renouvelée, en donnant la parole à ses personnages féminins dont les voix sont habituellement passées sous silence. Le compositeur français Thierry Pécou signe la partition de cette fresque mythique et spirituelle donnée en création mondiale dans une mise en scène de la chorégraphe indienne Shobana Jeyasingh."

La danse s'y taille la part belle d'emblée.: guerriers aux gestes tranchés, écarts du bassin à la Béjart, attitudes bien campées, solidement sur leurs jambes. Sauts et virevoltes pour les hommes à l'unisson, gestes plus "maniérés" pour les six femmes. Les costumes donnent le ton; un soupçon d'exotisme à l'indienne, mais pas d'outrance populaire bigarrée!Très puissante musique au diapason de cette démonstration de forces et de puissance chorégraphique. Le décor comme support à la présence des chanteuses et de la narratrice, vue du haut de sa fenêtre. Décor lisse et métallique, froid et vertigineux.Deux carcasses de chevaux collées à la paroi: Berlinde de Bruyckere ou Morizio Cattelan en référence évidente..

morizio cattelan

berlinde de bruyckere

Des combats de corps en duo, duels de prises quasi de qi qong ou karate, des roulés au sol, de la capoeira en référence d'énergie, de poses, d'attitudes dansées.Un chef au centre d'un cercle chamanique ou chacun se déplace, menaçant, englobant l'espace qui se ferme, se rétrécit à l'envi.De belles ombres portées magnifient la danse, la transcende en images virtuelles inaccessibles iconographie mouvante. Les chanteuses, la musique portent la dramaturgie. Les costumes des femmes,rouges vermeil, incarnat, aux plissés comme des éventails, soulignent l'amplitude des mouvements s'identifiant à la statuaire indienne ou aux arts martiaux.Grâce et fluidité mais également inspiration des mouvements tranchés et saccadés des mudras. Un style parfois "Béjart", extatique et inspiré, spirituel et très habité par les interprètes du Ballet du Rhin.Coiffes et couleurs des costumes entre mordoré, métallique et or, très structurés dans leurs contours, plissés à la Fortuny.Des attitudes à la Ida Rubinstein, coudes croisés sur la poitrine, attitudes langoureuses, rêveuses au sol...

Profils et déplacements vifs et chorégraphiés de main de maitre par Shobana Jeyasingh à l’égyptienne parfois comme pour des frises romaines aussi.Un beau panel de références qui touche par la beauté des alliages et alliances qui se fondent, se confondent.
Au final un roulé au sol à l'unisson, alors que cendres et flèches rappellent que la lutte, le combat, le corps à corps font aussi rythme et musique, narration chorégraphique et soutien de l'action de cet opéra très contemporain de Thierry Pécou.

 

Direction musicale Marie Jacquot Mise en scène, chorégraphie Shobana Jeyasingh Décors et costumes Merle Hensel Lumières Floriaan Ganzevoort CCN • Ballet de l'Opéra national du Rhin, Chœur de l'Opéra national du Rhin, Shobana Jeyasingh Dance, Orchestre symphonique de Mulhouse

Satyavati Fiona Tong Bhishma Cody Quattlebaum Amba Noa Frenkel Femmes témoins de la guerre, Suivantes royales Mirella Hagen, Anaïs Yvoz

 


jeudi 29 septembre 2022

"Music in the belly": ventriloque, tripal et démiurge Simon Steen-Andersen! Les contes d'Andersen sont fabuleux...


Simon Steen-Andersen rend hommage à Karlheinz Stockhausen en mettant en scène son rêve d’une musique dans le ventre...

En 1975, Karlheinz Stockhausen composait une œuvre énigmatique à l’attention des Percussions de Strasbourg. Sa partition contenait davantage d’indications scéniques et de didascalies que de musique à proprement parler — et cette musique consistait en douze mélodies liées aux signes du zodiaque, le cycle Tierkreis, et matérialisées par des boîtes à musique que le compositeur fit lui-même fabriquer. L’idée de la pièce comme son titre lui étaient venus de la surprise de sa fille Julika découvrant à l’âge de deux ans de petits bruits à l’intérieur d’elle-même, des gargouillements d’estomac : « tu as de la musique dans le ventre », lui avait-il répondu. Quelques années plus tard, il se réveilla subitement un matin après avoir rêvé la pièce et la coucha sur le papier.

Des voix et cris d'enfants sur font de silhouettes , ombres chinoises qui ondulent sous des lumières rougeoyantes, et courent à toute vitesse dans ce vermeil lumineux...Bruits de vagues...Six personnages féminins en quête d'auteur arrivent sur planches à roulettes fluorescentes dans la semi-obscurité: le ton est donné dans cet univers rouge, interne, organique.Très bel instrumentarium, de plaques de fer suspendues, de trapèze musical, animé par les manipulatrices; sur trois établis, en fond de scène, trois interprètes s'adonnent à faire résonner des calices renversés grâce à des micro qui scannent le son. Un univers médical, chirurgical s'invente peu à peu et l'on voit et regarde la musique avec attention. Théâtre visuel de fantasmes, de rêves ou de cauchemars quand un mannequin descend des cintres, tel un oiseau pris au piège dans des filets malins.Des reflets magnifiques au sol trempé d'eau, liquide salvateur de cette opération à coeur, à ventre ouvert.Un téléphone rouge comme commanditaire de ces actions médicales, en direct, opération curieuse qui révèle trois boites à musique, sorties du ventre du pantin muselé, corbeau maléfique qui accouche de musique enfantine, simpliste.Des xylophones de couleur pour enfants soulignant cet aspect sobre, enchanteur de devin, de magicien du plateau...Les micros sondent les sons des calices comme autant d'instrument d’échographie sonore.Le laboratoire s'anime, se fait antre magique, fantastique ambiance de science fiction délirante.Deux toupies pour perdre les repères, de belles envolées fluorescentes comme les ailes d'éoliennes tranchant l'éther, manipulées en rythme. Un tableau pictural éphémère de toute beauté. Des balanciers dans des carrés de lumière pour recueillir les organes des boites à musique extraites par ces chirurgiennes diaboliques et le ventre de Stockhausen se vide de ses tripes virtuelles avec dextérité. Les roues des planches toujours fluorescentes comme des signaux navigant sur les ondes circulaires de l'eau qu'elles déplacent au sol.Six femme en noir et blanc, cravates comme officiantes de cette messe solennelle. Les percussions de Strasbourg toujours à la pointe de la création et de l'audace!


première représentation de la nouvelle version

musique Karlheinz Stockhausen
concept, mise en scène, électronique Simon Steen Andersen

Les Percussions de Strasbourg
Lou Renaud-Bailly, Olivia Martin, Vanessa Porter, Léa Koster, Hsin-Hsuan Wu, Yi-Ping Yang

construction des décors | Albane Aubin
régie générale | Claude Mathia, Étienne Démoulin, Raffaele Renne