Karlheinz Stockhausen, Simon Steen-Andersen, Les Percussions de Strasbourg
Simon Steen-Andersen rend hommage à Karlheinz Stockhausen en mettant en scène son rêve d’une musique dans le ventre...
En 1975, Karlheinz Stockhausen composait une œuvre énigmatique à l’attention des Percussions de Strasbourg. Sa partition contenait davantage d’indications scéniques et de didascalies que de musique à proprement parler — et cette musique consistait en douze mélodies liées aux signes du zodiaque, le cycle Tierkreis, et matérialisées par des boîtes à musique que le compositeur fit lui-même fabriquer. L’idée de la pièce comme son titre lui étaient venus de la surprise de sa fille Julika découvrant à l’âge de deux ans de petits bruits à l’intérieur d’elle-même, des gargouillements d’estomac : « tu as de la musique dans le ventre », lui avait-il répondu. Quelques années plus tard, il se réveilla subitement un matin après avoir rêvé la pièce et la coucha sur le papier.
Des voix et cris d'enfants sur font de silhouettes , ombres chinoises qui ondulent sous des lumières rougeoyantes, et courent à toute vitesse dans ce vermeil lumineux...Bruits de vagues...Six personnages féminins en quête d'auteur arrivent sur planches à roulettes fluorescentes dans la semi-obscurité: le ton est donné dans cet univers rouge, interne, organique.Très bel instrumentarium, de plaques de fer suspendues, de trapèze musical, animé par les manipulatrices; sur trois établis, en fond de scène, trois interprètes s'adonnent à faire résonner des calices renversés grâce à des micro qui scannent le son. Un univers médical, chirurgical s'invente peu à peu et l'on voit et regarde la musique avec attention. Théâtre visuel de fantasmes, de rêves ou de cauchemars quand un mannequin descend des cintres, tel un oiseau pris au piège dans des filets malins.Des reflets magnifiques au sol trempé d'eau, liquide salvateur de cette opération à coeur, à ventre ouvert.Un téléphone rouge comme commanditaire de ces actions médicales, en direct, opération curieuse qui révèle trois boites à musique, sorties du ventre du pantin muselé, corbeau maléfique qui accouche de musique enfantine, simpliste.Des xylophones de couleur pour enfants soulignant cet aspect sobre, enchanteur de devin, de magicien du plateau...Les micros sondent les sons des calices comme autant d'instrument d’échographie sonore.Le laboratoire s'anime, se fait antre magique, fantastique ambiance de science fiction délirante.Deux toupies pour perdre les repères, de belles envolées fluorescentes comme les ailes d'éoliennes tranchant l'éther, manipulées en rythme. Un tableau pictural éphémère de toute beauté. Des balanciers dans des carrés de lumière pour recueillir les organes des boites à musique extraites par ces chirurgiennes diaboliques et le ventre de Stockhausen se vide de ses tripes virtuelles avec dextérité. Les roues des planches toujours fluorescentes comme des signaux navigant sur les ondes circulaires de l'eau qu'elles déplacent au sol.Six femme en noir et blanc, cravates comme officiantes de cette messe solennelle. Les percussions de Strasbourg toujours à la pointe de la création et de l'audace!
première représentation de la nouvelle version
musique Karlheinz Stockhausen
concept, mise en scène, électronique Simon Steen Andersen
Les Percussions de Strasbourg
Lou Renaud-Bailly, Olivia Martin, Vanessa Porter, Léa Koster, Hsin-Hsuan Wu, Yi-Ping Yang
construction des décors | Albane Aubin
régie générale | Claude Mathia, Étienne Démoulin, Raffaele Renne
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