Simon Steen-Andersen aime jouer avec les situations. Invité à
composer un concerto pour tuba, il répond en réinventant le genre du
concerto — comme il l’avait déjà fait avec son Piano Concerto présenté à
Musica en 2020 — et en transformant la vision de l’instrument. Avec TRANSIT,
le compositeur danois nous fait tout bonnement pénétrer à l’intérieur
même d’un tuba à l’aide d’une caméra endoscopique. S’ensuit un voyage
spatial, du pavillon à l’embouchure, au cours duquel le tubiste Melvyn
Poore et l’Ensemble Musikfabrik construisent en direct un univers
parallèle, une scénographie de film de science-fiction où transitent
objets, lumières et flux d’air. Un concert audiovisuel d’un nouveau
genre doublé d’une introspection au sens littéral du terme.
Embarquement immédiat de la plate forme, sur le tarmac ou autre base de la Nasa...Bruits et sons de vrombissement de fusée ou d'avion, on y est dans le bain du créateur, trublion de la scène musicale, escogriffe démiurge du genre...La vidéo comme médium principal dans cette histoire de savant fou aux prises avec une séance de décortication d'un tuba: instrument sacré qui descend des cintres et sera l'objet fétiche de la soirée surréaliste à laquelle nous allons assister. Sur l'établi, un tuba et pour y voir plus clair dans ses entrailles, une caméra fouineuse qui s'insère dans ses tripes et organes. Sur l'écran, les images de cette échographie restituent en direct cette imagerie médicale, au point de rendre réalise la possibilité d'une réelle dissection tant couleurs, matières et bruitage sont ajustés de manière à nous bluffer. C'est drôle et décapant, plein d'humour et les sons de cet orchestre qui joue dans le noir aux pieds du médecin traitant, s'en sort fort bien. Comme des petites mains entourant l'officiant d'une messe pour un tuba défunt ou en réparation. Artisans à l'oeuvre dans un salon de musique réparateur..Ces MOF de la lutherie opèrent à loisir dans un bruit constant et des paroles évoquant un commentaire en direct de cette opération à coeur ouvert.Décollage , vrombissements et autres sons insupportables qui transportent dans un univers extra terrestre et magique..De petits cailloux blancs se révèlent, comiques joujoux calculs rénaux de l'appareil en triste état organique: tel un tunnel pourri et glauque, un labyrinthe d'égout digne de celui de Paris...Voyage au bout du tuba ou de la nuit obscure du tableau de Rembrant...Les officiants de la cérémonie , de cette cène mystique, très spirituelle,comme autant de bruiteurs de film d'horreur au summum d'un "mauvais gout" brillant et savant! A l'IRCAD on s'amuse à disséquer la musique des organes d'un instrument à vent, flatulent et énorme carcasse tripale moisie aux images kaléidoscopiques de toute beauté!Scanner ou IRM, allez choisir votre point de vue dans cette messe basse à la gloire du "vent": l'ascension finale de l'instrument comme un hommage sacré, un rituel incantatoire sur fond de valse viennoise...Une introspection freudienne des tunnels et autres tuyaux pas percés de notre imaginaire. Et notre Salvador Dali de la création burlesque de mettre téléphones et autres crustacés en musique et images pour mieux saisir l'absurde de la situation.La vidéo et la musique en osmose pour un spectacle total désopilant à l'image du créateur!Transit organique digne d'un acte chirurgical inédit!
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Simon Steen-Andersen
TRANSIT, concerto mis en scène pour tuba, ensemble et vidéo en direct (2021) - création française
direction artistique, composition, électronique | Simon Steen-Andersen
tuba solo | Melvyn Poore
Ensemble Musikfabrik
Au Maillon le 20 Septembre dans le cadre du festival MUSICA
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