Kaija Saariaho est l’invitée d’honneur de cette 40e édition du festival. En partenariat avec ARTE, une grande soirée lui est consacrée dans l’écrin historique du Palais des fêtes de Strasbourg.
Préambule introductif:Les plus fidèles compagnons de création de Kaija Saariaho se réunissent pour saluer la carrière de la compositrice. Ce concert exceptionnel retrace le parcours de l’artiste à travers quelques-unes de ses pièces marquantes. De Nuits, adieux (1991) à Light still and moving (2016) se dessine l’éventail de métaphores visuelles de celle qui enfant déjà avait essayé de noter sur une feuille « des sons jaunes et nerveux ». Sonores et virtuelles, ces images sont ici mises en perspective de celles filmées par son amie et réalisatrice Anne Grange qui l’a suivie au cours des dernières années. Entre visions rêvées et témoignages, le public est invité à pénétrer dans l’intimité de l’atelier de la compositrice. Un concert, un documentaire vivant, un hommage à la créativité.
Très belle initiative que cet "hommage" à la compositrice "protéiforme" que de présenter en regard son environnement musical, ses lieux de vie et de création filmés et ces pièces courtes pour duo, solo ou petite formation, dessinant l'ampleur de son parcours et de sa créativité autant que la singularité de son oeuvre déployée ici.
La soirée démarre par l'enregistrement des brouhahas de tous ses amis-partenaires comme une sorte d'inventaire sonore idéal: en quelques minutes une panoplie joyeuse et diffuse de voix, de relations, de rencontres...C'est "Love from afar" signé Nuria Gimenez-Comas
Light still and moving (2016) pour flûte et kantele démarre avec brio ce concert unique.Avec des pincements de cordes dans des gestes gracieux et délicats la musicienne manipule un instrument très "plastique", le "kantele" aux sonorité avoisinant clavecin et harpe...Une ambiance sylvestre se profile à l'écoute de la flûte sous toutes ses formes qui donne un ton sensible et joyeux à ce duo étincelant,frétillant, émouvant. Frissonnant et charmeur de serpent dans son aspect quasi exotique, ensorceleur à la Douanier Rousseau....Balade bucolique enjouée, frêle et légère promenade, calme et voluptueuse, savoureuse interprétation à déguster sans modération.
Die Aussicht (1996/2019) pour soprano et quatuor à cordes succède comme un écrin de cordes pour voix puissante dans des harmoniques hallucinantes.
Sept papillons (2000) pour violoncelle opère comme un solo intime lié au corps de son interprète dans cette solitude de sons vibrants, froissés, plissés et vibratiles.Quasi valse tourbillonnante ébauchée, les glissements de l'archet fourmillent de sonorités sombres et profondes.Comme une éclosion possible d'autres leitmotivs, empêchés par une composition serrée, soudée Parfois simulacre de habanera traçant des univers sonores multiples, au long court.Des doigts experts maniant les cordes vibratiles comme des fibres de musique magnétique et magique. Très beau duo entre instrument et interprète.
Changing Light (2002) pour soprano et violon se profile comme une déclamation "classique", la voix puissante de la chanteuse aux timbres colorés rentre en dialogue avec l'instrument à corde vibrantes comme celles nichées au creux de son être vivant.Très lyrique, l'écriture de ce duo se termine en une longue tenue suspendue dans le temps.
NoaNoa (1992) pour flûte et électronique est une sorte de mise en abime d'échos renforcée par l'électroacoustique qui prolonge le son de l'instrument à vent en réverbérations: comme autant de voix lointaines en tuilage.L'ambiance est spectrale, spatiale, aérienne, claire, à peine perturbée par l'émission de mots susurrés en fond d'espace. Autant de simulacres d'apparition-disparition d'ectoplasmes invisibles, de sons souterrains cavernicoles, les clochettes ajustant à cette atmosphère leurs tintinnabulement féérique...
Et pour clore ce "récital" musical, Nuits, adieux (1991) pour quatuor vocal et électronique transporte au creux d'un choeur architectural où les sons tourbillonnent à l'envi.Des susurrements s'élèvent, se projettent, s'élancent dans une dynamique ascensionnelle remarquable.De beaux crescendos aigus dans des hauteurs sensibles et célestes pour des voix fantomatiques, présentes mais semblant désincarnées tant cette sorte de messe mystique prend au corps et élève les esprits à l'écoute.Des halètements au micro, des souffles en évanouissement, des montées en vocalise surprennent, enchantent.Une atmosphère sidérale et cosmique s'en détache, ténor et basse pour nous ramener à terre dans de beaux arrondis vocaux.Les effets de nombre électroacoustique démultiplié pour créer un choeur fictif impressionnant d'une vaste ampleur sous une voute minérale.
Alors que des films ponctuent cette rétrospective éclairée, confiant à notre curiosité autant les lieux de création de l'artiste, que sa fascination pour les astres, les arbres inconnus ainsi que "sa manie de mesurer le temps" sur l'établi de sa quotidienne autant que sur la partition! Tous les talents et facettes de Kajia Saariaho se dévoilent durant cette soirée inédite dotée d'un ultime solo de violon en prime pour mieux affirmer la finesse, la délicatesse et la rareté des compositions de l'artiste ici célébrée par le public avec respect et considération....
soprano | Faustine de Monès
flûtes | Camilla Hoitenga
violon | Aliisa Neige Barrière
kantele | Eija Kankaanranta
violoncelle | Anssi Karttunen
Quatuor Ardeo
violons | Carole Petitdemange, Mi-Sa Yang
alto | Yuko Hara
violoncelle | Matthijs Broersma
Solistes du chœur de chambre du Palau de la Música
soprano et direction | Júlia Sesé Lara
mezzo-soprano | Mariona Llobera
ténor | Matthew Thomson
baryton | Joan Miquel Muñoz
composition électroacoustique | Núria Giménez-Comas
réalisation documentaire | Anne Grange
électronique | Jean-Baptiste Barrière
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En deuxième partie de soirée, place aux Tres Coyotes. Les amis de
toujours de Kaija Saariaho, le compositeur Magnus Lindberg et le
violoncelliste Anssi Karttunen, se réunissent aux côtés de la légende
John Paul Jones, bassiste du groupe Led Zeppelin. Un trio extraordinaire
né des intérêts communs de ses membres : improviser librement, être à
l’écoute, apprendre et découvrir, faire disparaître les frontières et
migrer au-delà des idées préconçues. Comme ils l’expriment eux-mêmes, «
dans ce monde où l’on bâtit des murs, où l’on dit aux personnes où elles
peuvent se rendre et où elles ne le peuvent pas, les Tres Coyotes
défendent une musique synonyme d’ouverture ».
Tres Coyotes
piano | Magnus Lindberg
violoncelle | Anssi Karttunen
basse | John Paul Jones
Au Palais des Fêtes le samedi 17 Septembre dans le cadre du festival MUSICA en partenariat avec ARTE
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