Prologue:"Créé en 1996, Noir sur blanc (Schwarz auf Weiss) est un incontournable du théâtre musical. Avec pour fil rouge la parabole Ombre d’Edgar Allan Poe, Heiner Goebbels montre comment l’acte solitaire de création artistique est toujours aussi un acte d’invention collective.
L’action se situe hors du temps, dans la profondeur d’un passé antédiluvien — qui pourtant semble résonner avec notre inquiétant aujourd’hui. Un groupe de personnes, des hommes et des femmes, sans doute des survivants, se trouvent confinés dans un grand espace, peut-être un temple avec ses longues rangées de bancs. Derrière la porte d’airain, ils se croient protégés des catastrophes du monde extérieur. Ils jouent, ils boivent, ils chantent… jusqu’au moment où, soudain, une ombre apparaît sur le mur. De leur désœuvrement naît alors une action collective, tout d’abord désorganisée, mais qui semble peu à peu tendre vers un but commun. Lequel ?"
Ils sont déjà sur scène pour les uns, en costume de ville, assis sur des bancs en rangée, alignés et préparent leurs instruments. De dos alors qu'une voix murmure en off.Puis la scène se peuple, chacun rentre avec sa qualité de gestes, de déplacement et suggère un personnage.Ils jouent, de dos en rang serré, un rythme soutenu puis émigrent en grappe, jouent à la balle de tennis: joyeuse assemblée réunie pour se divertir. Un bruit continu de machine en fond d'atmosphère.Puis dans une belle accalmie après ce tsunami musical très ventilé de cuivres, de vents et autres trombones,se dresse en devant de scène un petit théâtre d'objets, une collection d'embouchures en étal, boutique fantasque, symbole de mémoire artisanale.Six panneaux en fond de scène laissent découvrir des ombres, des images de cité perdue.On songe à Kentridge dans ce défilé de silhouettes burlesques, à l'orchestre dégingandé, débridé de Kusturika...
william kentridge |
Trompette et trombone en majesté pour des soli remarquables de dramaturgie, de mise en scène imaginative et décalée On leur donnerait bien un "zéro de conduite" à ces guignols pas tristes de théâtre visuel et sonore.Un joli tintamarre en perspective s'installe, ponctué de jeu, de voix et de texte. Un solo de saxophone virtuose, digne de free-jazz se défoulant à l'envi pour donner le ton de ce concert décapant!Un échafaudage d'échelle, un panneau qui s'écroule pour mieux ventiler l'espace et faire voler les feuilles des partitions. Une marche collective, défilé-parade, de dos, efface les silhouettes, les rend spectrales.Une marche funèbre comique en diable.Un petit faune joue du pipeau devant sa bouilloire face à cette vision dantesque, enchanteresse, onirique à souhait.Un soupçon de référence à Bernstein et son "West side story" avec ses vents menaçants, plein de suspens et de couleurs sonores.Des simulacres de sons de goutte de pluie sur les cordes et corps des violons pour créer une ambiance étrange mais toujours rassurante Au pays des spectres et des ectoplasmes, le suaire n'est jamais blanc, le linceul jamais triste, plutôt évocation de gaieté, de réjouissance, de sobri-ébriété jouissive!C'est écrit noir sur blanc dans la partition à tiroir de cet opéra ludique plein de malice et de verve, éventée, cuivrée, le bec dans les anches et autres articulations instrumentales....
Epilogue:"L’Ensemble Modern est le protagoniste collectif de cette extraordinaire parabole donnée dans le monde entier avec un succès constant depuis vingt-cinq ans. Les 18 musiciens et musiciennes investissent la scène avec leurs instruments et la font vivre comme jamais auparavant. Pour Heiner Goebbels, il s’agissait d’explorer en profondeur le potentiel théâtral de la musique, mais aussi de façonner une allégorie de l’écriture et des voix multiples qui l’accompagnent. Sous la forme d’un manifeste pour l’invention partagée, le compositeur-metteur en scène déploie le cœur de sa vision : toute œuvre d’art est un héritage collectif et doit être reconnue comme tel.
Noir sur blanc n’a été donné en France qu’à deux occasions, au Festival d’automne à Paris en 1997 et à la Filature de Mulhouse en 1999. C’est donc une occasion unique de découvrir ce chef-d’œuvre du théâtre musical dans sa mise en scène originale."
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Heiner Goebbels Noir sur blanc / Schwarz auf Weiss (1996)
spectacle pour dix-huit musiciens
conception, musique, direction et mise en scène | Heiner Goebbels
scénographie et lumière | Jean Kalman
costumes | Jasmin Andreae
Ensemble Modern
flûte, flûte piccolo, flûte basse | Dietmar Wiesner
hautbois d'amour, voix, didgeridoo | Cathy Milliken
clarinette | Jaan Bossier
saxophone, clarinette contrebasse | Matthias Stich
basson | Barbara Kehrig
cor, récitant, direction musicale | Franck Ollu
trompette, récitant | William Forman
trombone | Uwe Dierksen
clavicorde, harpe | Ueli Wiget
accordéon, échantilloneur, cymbalum | Hermann Kretzschmar
percussion, cymbalum | Rumi Ogawa
percussion | Rainer Römer
violon | Jagdish Mistry
violon | Megumi Kasakawa
alto, voix | Freya Ritts-Kirby
violoncelle | Eva Böcker
violoncelle | Michael Maria Kasper
contrebasse, e-basse | Paul Cannon
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