mercredi 20 juillet 2016

Les indisciplinaires au Festival d'Avignon:la mule du pape s'énerve!

Quans Adel Abdessemed esquisse pour l'affiche du 70 ème festival d'Avignon, une mule enchaînée qui tente de s'évader et rue, de dos, à la face du spectateur, tout est dit d'un pan "indisciplinaire" de la programmation de Olivier Py, directeur, agitateur du plus beau festival du monde.

"Het Land Nod" : le pays de nod s'amuse.


Musées, je vous aime, musées je vous adore quand  FC Bergman et son collectif flamand s'empare d'un sujet extra ordinaire: la fermeture annoncée du Musée des Beaux Arts d'Anvers pour rénovation. La salle Rubens sera donc le décor gigantesque de cette fresque théâtrale, au Parc des Expositions d'Avignon: démesure oblige!
On s'y réunit donc, le temps d'une messe partagée dans une cathédrale reconstituée: pour la restauration de cet endroit mythique d'Anvers: la salle Rubens; les toiles y sont décrochées à l’exécution de "Le coup de lance" qui va faire chavirer la narration scénique vers l'absurde de la circonstance;tension, détente, on joue ici de l'urgence et du vide, de la bêtise ou de l'idiotie dans le respect des limites des disciplines.
Restent en place, gardiens, surveillants et rare public, venu voir, constater cette grande désafection
Un technicien chef s'échine en vain à faire passer la toile par une porte sous dimensionnée et tente par tous les moyens acrobatiques d'y remédier. C'est drôle et décoiffant, risqué et haleant, décalé et décapant
L'univers bascule sans cesse et le rythme tient en haleine sans texte ni musique
Danse, courses folles, résistance, tout les corps s'expriment et se jouent de cet immense espace: Ionesco ou Beckett y seraient très à l'aise à l'ombre d'un Kafka Le monde est fou et la scénographie magistrale quand des couvertures bigarrées jonchent le sol, et imite toute référence confondue, un camp de réfugiés, une place forte, une agora.En attendant, le musée explose, se délite et la culture flamande, aussi?

"Caen Amour": sensuelle obscénité du désir.


Trajal Harrell c'est toute l'épopée du voguing, du travestissement, du tissu social, artistique dans le Cloître des Célestins à Avignon; c'est l'endroit et l'envers du processus de création qui est ici "dévoilé" mais on est pas dupe
Frontal, de face, le show est passionnant et inspiré du "hoochie-coochie, danse orientale qui a bercé son enfance et ses fantasmes,Les femmes y sont reines d'un soir et portent sur elles les atours détournés d'un vestiaire orientaliste débridé Joyeusement interprété par des hommes en liesse, sensuels et sensibles, le show est joyeux et grave à la fois
Trajal Harrell nous fait rêver des mille et une nuits à sa façon et "à quand, l'amour" ou résonne comme une fable fantasque, issue des ballets russes du temps de Shéhérazade.On défile sans se défiler, on passe derrière le miroir, le décor pour regarder, observer l'ob scène sans se cacher ni se dissimuler
Ce qui s'y trame et enchaîne? Changements à vue vestimentaires, simplement
Deux femmes dans ce show pour chanter, danser comme des divas de la danse moderne ou japonaise revisitées. Et l'émotion naît doucement, va crescendo pour atteindre des sommets de délicatesse extrême.
C'est beau comme du Trajal Harrell qui s'expose à son corps défendant dans le plus simple appareil: le tissu , l'enveloppe, la peau du monde.

"Que hare yo con esta espada? (approximacion a la ley y al problema de la bellaza)"
Conte cruel et médusant.

Sans doute le spectacle le plus attendu en Avignon: marathon de quasi cinq heures au Cloitre des Carmes avec l'égérie légendaire de la provocation: Angelica Liddell
Seconde partie d'un triptyque comme un retable, voici venir une performance magistrale, basée "sur des faits réels" et "d'après une histoire vraie". Les attentats du 13 Novembre 2015 et un fait divers d’anthropophagie
Et alors que nous dit-elle de l'état du monde sinon qu'il est déréglé, fou, atrophié, romantique ou désabusé

Elle démarre seule prologue, développement et épilogue, vociférant, haranguant les spectateurs dans une logorrhée vertigineuse, épatante, essoufflante.
Virtuose du jeu de scène, démoniaque dans son théâtre de la cruauté à la Antonin Artaud!
Des vierges, nymphes peuplent le plateau comme des icônes interdites ou bibliques, la scénographie et mise en scène génèrent du fantastique comme du trouble.Des danseurs japonais pour évoquer Hijikata et la grâce opère!
Quand les poulpes, matière morte et molle s'emparent et parent les corps en émoi, ce sont des images à la Bosch qui resurgissent et travaillent l'inconscient collectif . Dantesque!
Dévorante passion de l'humain, amour anthropophage seraient les leitmotiv de cette fresque épique, épopée de notre vie et société violente, cruelle.
Références picturales omniprésentes, textes fulgurants maintiennent le suspens et l'adhésion du spectateur, scothché, tétanisé par tant de force et de singularité
La haine, l'amour tout concourt ici à faire du théâtre le lieu du vivant et de l'artificiel, de la beauté et du singulier
Une expérience sensible pour le corps de celui qui écoute, regarde, souffrent aussi des mots et des maux de la condition humaine.

"Ludwig, un roi sur la lune": l'anormalité en jeu.


Madeleine Louarn ausculte la folie des "deux" rois Louis II de Bavière et construit une romance à partir des lettres intimes de ce personnage bousculé par les conventions de son époque: pas libre de sa folie, de ses fantasmes Textes de Frédéric Vossier, musique de Rodolphe Burger sur scène et chorégraphie de Loic Toussé pour traduire le trouble d'un psychotique, d'un être déchiré, au pouvoir exorbitant: celui d'un roi incapable, meurtri mais démoniaque
La compagnie Catalyse, formée de personnes en situation de handicap mental exulte et crève les planches
Un sans faute pour ces personnes que notre regard fragilise, plutôt qu'elles ne le sont vraiment.
Alors des "déséquilibrés" pour jouer "des fous"? Voici un terrain de choix pour le chorégraphe Loic Toussé aguerri à toutes sortes d'expériences humaines dansantes, vivantes. Equilibre, déséquilibre , ces fondamentaux de la danse d'aujourd'hui, questionnent le personnage tourmenté de Ludwig avec justesse et véracité. Les spectateurs enveloppent le dispositif scénique, au cœur du théâtre "L'autre scène" grand Avignon à Vedène et protègent les personnages qui entrent et sortent dans leur plus grande altérité, à leur rythme Belle idée de mise en scène, protectrice mais aussi mise en danger de par l'arène ainsi dessinée de l'espace vu de toute part.
Du bel ouvrage sensible et terrible par le propos d'un être qui comme Mickael Jackson, trébuche dans le noir quand il n'est pas sous les feux de la rampe.

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