mardi 19 juillet 2016

L' Eté Danse au CDC Avignon 2016: bonne pioche! et coups de gueule!

L'équipe du CDC, dernièrement chahutée par l'actualité politique locale est bien là pour accueillir cette saison estivale, sept compagnies de "genres" très différents, travaillant à l'éclosion de nouveaux territoires pour la danse: qu'ils soient géographiques, esthétiques ou poétiques, voir bien politiques.
Petit tout d'horizon, "chronologique" de 10H à 22H : un marathon conseillé!

"Au": qu'elle est verte ma  "prairie"!


Traduire un titre pourquoi pas, puisqu'il est ici question de culture autrichienne avec Christian Ubl et australienne avec Kylie Walter: "Au",Autriche ou Australie,"prairie" en allemand, quelle est la donne dans cette tendre et craquante évocation des cultures chorégraphiques sensibles à chacune de ces "nations", étendard et drapeaux en berne ou en liesse, enroulés sur scène sur des bâtons en guise de scénographie symbolique.Elle est de blanc vêtue, il est en costume cintré, engoncé ou quelque peu entravé par la tradition; elle est pétillante, lui, plus retenu dans la rigidité ou les bonnes manières.
Ils tissent ensemble un "être ensemble" cocasse et décalé qui joue sur les codes de la danse de chacune de leurs origines et ça marche, ça chahute et ça frappe le rythme en présence d'un musicien complice, en live, Seb Martel.La valse légendaire interroge sur ses codes, les cartes d'identités culturelles en prennent leur grade; rituel, décadrage, décalage des genres pour les racines des arbres que nous ne sommes pas!CUBe association se taille la part belle et laisse un "paysage" nouveau éclore pour Gilles Clément, en aborigène efficace de la scénographie imaginaire: deux belles plantes sur scène qui poussent le bouchon jusqu'au délire discret et pesé, mesuré comme les "mille" temps d'une valse défigurée par l'humour et la distanciation.

"So20": la mémoire au travail



Seulement 20 ans d'existence pour la compagnie de ce chorégraphe brésilien Claudio Bernardo, largement soutenu par la Belgique!
Un solo pour nous parler de lui, de son parcours , de ses inspirations littéraires ou cinématographiques: un catalogue pour nous convaincre qu'un danseur est bien "cultivé" et sensible autant à Salgado, qu'à Pasolini, plutôt qu'à Béjart.

photo Salgado

 " Notre siècle a besoin de chorégraphe" lui avouait son maître de Mudra: eh bien ce ne sera pas vraiment lui, l'heureux élu de ce show narcissique et présomptueux, aux images esthétisantes, à la danse faussement habitée par les clichés où les conventions sont reines. Curieuse prestation ennuyeuse de part son égocentrisme exacerbé, sa démagogie sans recul et son nombrilisme indécent. Une remarquable édition livresque nous délivre ses propos sur "Ecrire le geste" aux Editions Alternatives Théâtrales. As Palavras magnifié, glorifié : le petit Claudio est né sous une bonne étoile, mais ne sera pas la star qu'il croit être au vu de la danse.

"Boys don't cry": good and bad boy!


Bouffée d'oxygène et de verve, mimétisme du sport un peu appuyé, mais encore, les deux danseurs se donnent et s'offrent généreusement, s'exposent sexe posent et se rient des conventions.
Sylvain Huc et sa compagnie Divergences donnent ici à voir un spectacle résonnant, percussif en présence de Xavier Coriat qui mène le duo à la baguette. Magique, le feu d'artifice de baguettes, lancées des coulisses par centaines, comme des salves, des éclats de mouvements: "Feu dArtifice" de 1917 n'est pas loin où Balla faisait danser couleurs et formes, sans danseur! Jonché de ses bâtonnets de bois, la scène se transforme en marée montante et les deux danseurs s'échinent à s'y glisser: peut-être pas assez au vu de la plasticité de cet environnement intrusif omniprésent et invasif. Encore plus de manipulation où de corps à corps avec ce jeu de mikado et les boys seraient en phase avec leur propos: dépasser les bornes, surprendre, agacer et magnétiser un public en empathie: celle d'assister à la dépense sans limite de deux corps galvanisés par un "genre" singulier. Etre ou ne pas être de mauvais garçons; alors "comme des garçons" plutôt!

"Une femme au soleil": faunesque.


Perrine Valli est suisse, sa compagnie Sam Hester travaille sur le sensible, l'indicible
Très stylée, cette pièce met en scène sur des parterres de pelouses vertes, découpées ou en ligne droite, les corps de deux danseuses et deux danseurs, fluides dans leurs déplacements, raffinés dans leur poétique mélodique
edward hopper une femme au soleil

Ambiance à la Edward Hopper, gestes faunesques à la Nijinsky, tout ici est serein, grave et concentré. L'énergie passe et se transmet de corps à corps jusqu'au spectateur, hérissé par ce courant de grâce.Calme et volupté, ambiance feutrée, portés de toute beauté, voici des instants plastiques et lyriques qui posent le regard sur le vivant, l'éphémère, le mouvement qui se déploie dans le temps et l'espace, à sa guise. Musique de Polar qui vient électriser l'atmosphère pour clore ce bouquet épanoui de gestes construits.

"What did you say?" dazibao danse et blue boy


"Journal à grand caractère" en chinois, le dazibao donne de l'inspiration à Brahim Bouchelaghem, compagnie Zahrbat pour élaborer un solo très plastique en résonance avec peintures, calligraphie et dispositif scénique à la dazibao, très convaincant.Inspiré de son compagnonnage avec Carolyn Carlson, ce hip-hopeur de renom surprend et trace, signe une pièce unique, originale avec un allant et un punch remarquables.Danse magnétique en osmose avec ses toiles calligraphiées comme son maître chorégraphe Carlson, écrits, traces et signes, tout concourt à une oeuvre aboutie et pleine de rebonds Couleurs à la Alechinsky, graphisme des gestes tracés dans l'espace.Des instants scénographiques en fusion avec l'énergie de la trace et la rémanence du passage du corps dans la rétine.Poésie épurée et pleine de grâce et de sobriété: zen et puissant.Hommage en ombres chinoises à la Blue Lady!

"Floating Flowers": ombres et lumières


La compagnie B. Dance, venue de Taiwan exerce sur le regard la fascination de ces crinolines blanches, déployées comme des tutus romantiques , Lac des cygnes ou Gisèle obligent en référence ou citations. Mais au delà des réminiscence des Willis ou fantômes évanescents ou inaccessibles, les danseurs se caractérisent par une énergie propre, tranchante, virtuose et légère.
Visions féeriques, calmes, lyrique de paysages changeants, imaginaires et poétiques.
Flotaisons de mousselines, tarlatane ou autre fantasmes de blancheur gracile, la danse se glisse dans la légende de pays lointain pour rejoindre des contrées lumineuses très esthétisantes.Po Cheng Tsai, magicien du romantique!  Créateurs d'êtres hybrides et fantastiques comme un épopée de la métamorphose et de l'animalité.

"One-hit wonders": femme au bord de....


Elle est tonitruante, fracassante, sans gêne et sans reproche, cette guerrière éclaboussante, on nommera Sol Pico, bello!
Quel talent lié au rythme, à la construction et dynamique de cette pièce qui mêle danse, verbe, accessoires et narration avec chaleur, bonheur et verve.
Galvaniseé par un sujet absurde, sans queue ni tête comme un pêle-mêle ou méli-mélo où,  la tête en bas, en haut se confondent, elle mène son train d'enfer de bon train et communique sa bonne humeur et son pesps avec générosité
Dans un avion, dans une galère à la Almodovar avec ou sans talon aiguille, elle ""parle" à nos interrogations, sérieusement ou sans vergogne
Une femme explosive, magnétique qui savoure d'être présente sur scène et nous fait goûter à toutes sortes de fragrances et saveurs personnelles.Sur pointe, en flamenco, son caractère de feu, rouge ensorcelle Solo, duo, on ne sait plus, tant tout se bouscule sur le plateau, fébrile, frétillant d'énergie.
Sol Pico titille, agace et réveille ce qui sommeille en nous: la fébrilité de la vie, l'insouciance, le glamour, l'érotisme et la candeur. "Femme, je vous aime", comme une déclaration au destin absurde d'une créature au bord de la crise de nerfs Comme dans une machinerie, déus ex machina, elle renoue avec objets, structures et lumières pour créer des univers fantasmés où le corps se glisse et déclenche des tectoniques de plaques inédites.Grisant.Euphorisant.

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