mardi 19 juillet 2016

Festival d'Avignon: 70 ans déjà et toujours de la Danse!

Avignon cuvée 2016, c'est "de l'audace, toujours de l'audace" et le "Etonnez- moi de Diaghilev à Cocteau à propos de "Parade" en 1917 est toujours d'actualité.

En danse, en indiscipline, en théâtre visuel surtout.

"Au Cœur" de Thierry Thieu Niang: consoler, consolider le monde.


La Chartreuse De Villeneuve lez Avignon,brille de lumière, éclabousse de chaleur: 16H dans l'église, le public réuni, face à face sur deux rangées en ligne découvre le spectacle "itinérant" que le chorégraphe, fidèle compagnon du festival, orchestre pour des jeunes adolescents amateurs; fruit d'un travail de longue haleine en milieu scolaire sur le geste, le territoire, la communication, la différence.
Au cœur de la vie, du drame et des joies de chacun assurément.Vagues de courses folles, échappées belles, évasion ou recueillement, les sentiments, les émotions se succèdent, alternent avec des silences, des pauses immobiles. De l'enfance, Thierry Niang garde la fraîcheur, le jeu, la spontanéité mais aussi le chagrin et la souffrance, la douleur partagée d'un groupe, d'un petit collectif où chacun a son identité et garde toute son altérité.
Remarquable direction d'acteurs-danseurs, accueil d'un travail musical et choral, font de cette pièce l'emblème d'une expérience riche et partagée, à l'écoute des bruissements des gestes des enfants, des adolescents.Un musicien partage ce lieu singulier, couloir ouvert, mais résonant des voûtes de l'église: Robin Praho est au centre ou partage l'espace avec sa viole de gambe; Camille, la chanteuse a réglé les chants choral et Claude Lévêque signe la scénographie, de ses néons , griffe et marque de fabrique du plasticien, compère pour cette expérience.Les voix, les sons, portés par l'acoustique résonnent, se dispersent dans l'espace.Travail de danse chorale autant que d'émission de la voix en groupe soudé, vibrant,chaleureux.


La danse, le mouvement irriguent les corps de ses interprètes, assurés, confiants, solides piliers de cette ode bercée par les textes de Linda Lê: une petite fille sera le nerf , la clef de voûte d'un des moments les plus intenses: elle récite sans faille un texte grave et incarne la voix de ces jeunes, autour d'elle, confrontés à leur physique, leur histoire, leurs pensées. On suppose qu'ils ressortiront "grandis" de cette communion partage, de cette "compagnie" éphémère, cum panis où l'on partage chant, danse, pain et jeu, à foison, sans compter, comme en danse disait Martha Graham!

A la Fondation Lambert les 21 22 et 23 Juillet 19H

"Soft virtuosity, still humid, on the edge" : la cour des miracles.


Marie Chouinard fait au corps, du bien, du mal et transforme l'agilité en handicap et claudiquements, fait boiter les os, ronge les angles et raie le tapis de danse dans une chorégraphie à la limite, aux frontière du possible comme à son habitude Ici, plus de prothèses , mais des corps meurtris qui basculent et ânonnent en chorus Qui crient grandeur plus que nature, rehaussés par un dispositif vidéo live qui capte en surdimension, les affres d'une petite communauté en proie à l'horreur et au désarroi.
Deux danseuses enlacées, baignées dans un halo de lumière, se suspendent en image au mur, en spirale, en vrille comme un seul corps torsadé, échine siamoise ou jumelée. Atmosphère de proximité avec ses bouches et visages filmés en direct au plus près, marches et démarches singulières, danseurs arpenteurs de plateau: c'est tout cela Marie Chouinard. Fresque du vivant, à la dérive, navire en perdition, images et icônes traversent ses visions cathartiques. Corps cagoulés de noir, habillés juste au corps.Métamorphose et hybridation par le costume contrarié.
Et de "petites" virtuosités comme les "petits bougés", celles des traits d'un visage qui se plisse, qui vibre, qui transpire.
Elle signe tout les lieux et endroits où se fabrique un spectacle, de la danse au costume, de la scénographie à la vidéo et si la musique lui échappe c'est au profit de sa fidélité à  Louis Dufort.
On vibre sur les pas ubuesques de Chouinard dans une cour des miracles, toujours renouvelée.

A la cour du Lycée Saint Joseph jusqu'au 23 Juillet 22H.

"Espaece": espèces d'espaces.



Aurélien Bory trouve ici l'occasion de réaliser ses visions architecturales les plus folles et se livre à un exercice à la mesure de sa démesure
L'Opéra d'Avignon cède son plateau à la grandiloquence du créateur d'espace et met en danger l'ouvrage de Perec "Espèces d'espaces"en le confrontant à la matière, la constructioN, l'architecture.. Risque et périls en la demeure, un immense dispositif mural en trois parties articulées, grandissime, éprouvant pour les corps qui vont devoir en faire l'ascension, l'apprivoiser ou s'en jouer.Tout débute par l'évocation du livre qui délivre des signes, des lettre ouvertes: les manipulateurs de ces petits objets en projetant des écritures de mots, à découvrir au fur et à mesure.C'est beau et touchant, intimiste et secret
Puis c'est la vague déferlante d'une immense bibliothèque, ou bien de rayonnage de ruche à alvéoles, réceptacle des corps, des livres, des mots.Comme un puzzle, un abécédaire ou tout simplement un jeu de construction, le spectacle serait une sorte de juxtaposition, de calque en couche, en strates, de palimpseste vivant. ou un scrabble géant à construire, à élaborer et deviner par la lecture simultanée.
Et surtout ne pas se cogner aux angles, se faufiler, entre les failles, faire l'ascension d'un décor digne de Gargantua où le risque de la chute peut encore opérer comme au cirque.
A l'Opéra grand Avignon 18H jusqu'au 23 Juillet

"Fatmeh" : le corps arabe

Ali Chahrour est syrien et tente ici de retransmettre rituels, culture et gestes de son territoire bléssé, ravagé par la haine et la guerre.
Deux femmes seront les ambassadrices de sa pensée chorégraphique, vécue comme une transmission de corps à corps; elles ne sont pas danseuses professionnelles mais incarnent la danse à elles seules comme des femmes qui dansent naturellement. Et si l'on ne chante pas en Syrie, la danse qui traverse ces pulsions de vie devant nous, sur le plateau nu du Cloître des Célestins semble aller de soi malgré les interdits, les voiles, les mensonges et les hypocrisies.Les cheveux défaits, libérés de leur carcan ondulent, s'envolent, déchirent l'espace, le fouetteNT.Cérémonies de deuil libanaises, rituels de mort inondent le plateau sobrement et ressuscitent une culture qui tend à disparaître.Fatima Zahra et Oum Kalsoum en mémoire pour leur destin tragique de femmes insurgées, chanteuses, révoltées.La beauté touchante de cette approche très sobre opère dans la nuit bordée de pleine lune; la musique transmet l'âme de Sary Moussa qui fait se mouvoir deux égéries symboles de liberté et de soumission.
Voilées, dévoilées, livrées ou délivrées de leurs peurs, elles existent au delà des frontières et incarnent le visible et l'invisible très audacieusement.

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