vendredi 20 juillet 2018

La DANSE à la Manufacture, Avignon le Off 2018 : "indisciplinaire !"

Comme il se doit, il faut passer par la Manufacture pour rencontrer les écritures singulières et plurielles de la chorégraphie qui s'écrit et s'invente aujourd'hui !

"Le petit déjeuner"

Rupture de jeune
Et si pour affronter le marathon de la danse, on commençait bien la journé, à potron minet, 9 H précises dans la cour du musée Angladon?
A l'initiative de Derezo, mise en scène par Charlie Windelschmidt, voici une idée de bistronomie conviviale: c'est la messe partagée du verbe croustillant, cérémonie animée par deux officiantes au "piano", femmes, chefs, toquées de noir, comme Carême qui inventa la pièce montée et la coiffe emblématique des cuisiniers. Colonne montante, bigouden gastronomique pour un échange plein de verve, sur la mode "madeleine de Proust": le réveil des papilles à l'heure de la rupture du jeûne: petit dej copieux, à la nage ou au bouillon, au four et au moulin pour le plus grand plaisir des convives, assis autour d'un comptoir ovale; réunissant une assemblée partageant le pain, le tost,fin et subtil jeu des deux prêtresses, hôtesses radieuses, vigilantes et pince sans rire d'un mini banquet (platonique !), ou d'un "festin" de Babette. Anais Cloarec et Véronique Hélies, malines et sagaces, poétiques ou radicales, directives ou relâchées! Chouquettes et œuf coq partagés autour du verbe gourmand: la gourmandise n'est pas un défaut c'est ce que tous les gourmands disent ! A table donc et que s'inspirent les grandes chefs de cette verve culinaire, nouvelle cuisine inspirée, déstructurée et intuitive: cuisine verbale du marché en direct et circuit court pour affamés de bons mots!


"Dans l'engrenage" chorégraphié par Medhi Meghari Cie  Dyptk

Bien huilé !
Le pouvoir, la domination, la meute, la horde de ces sept danseurs en est pétrie et les dénonce avidement. Face à nous, ils font front, galvanisés par un récit de corps dansants, pensants, dominés et dominants.
Les rôles bien définis de chacun semblent se fracturer, se disloquer, être tournés en dérision. Femme soumise, tyran politique déchu, nouvel espoir de révolte....Au profit d'un autre type de fonctionnement? La danse y est virtuose et engagée, effervescente et radieuse et véhicule un message, témoin d'une prise de conscience très corporelle des attitudes, gestion d'espace et de groupe, exemplaire.Un bon moment de restitution de propos chorégraphiques sur fond de dessous de table et abus de pouvoir ! La transparence n'est pas de mise!


"Gesturing Refugees" chorégraphié par Farah Saleh

Exodus
Dans le cadre de "focus arabe, focus danse" cette performance au Chateau de St Chamand, s'inscrit dans une démarche participative et interactive avec le public, considéré comme passeur de frontière, passagers clandestins ou autres migrants éprouvés par l'absurdité mais non moins réalité des flux migratoires.Vos papiers, vos mensurations secrètes vous seront demandées pour induire et conduire ces instants de convivialité partagés Elle mène la barque, Farah Saleh, avec enthousiasme, luminosité et clairvoyance, nous accompagnant pour un singulier bivouac dans une oasis permissive, au sein d'un régime politique international controversé ou incapable...Vidéo, danse, gestes évocateurs d'enfermement, de victimes, ici jamais "passives" mais offensives voire même drôles et pleines d'humour: le décalage s'opère par la force des sourires ou des postures et l'on songe aux films récents "Foxtrot" ou "L'Heroique lande, la frontière brûle": fort de leurs images et humanité puissantes face à la bêtise ou l'idiotie de ce monde qui nomadise, décentre, déstabilise les corps et les âmes de personnes en errance.


"Anatomie du Silence" chorégraphié par Maxence Rey Cie Betula Lenta

Moulage et ronde bosse
C'est un havre de paix, un sanctuaire, ode au silence et à la lenteur que cet opus très plastique.
Un corps de femme, nu, éclairé minutieusement, dévoile peu à peu, formes et sons, membres et positions singulières. D'abord au sol, comme une statue de Maillol ou de Déesses grecques, la danseuse "évolue" très indistinctement et fait bruisser toute sa corporeité. Lumières confondant volumes et courbes, quasi fluorescentes pour modeler des instants féeriques dans l'espace qui frissonne. La sculpture ira jusqu'à s'ériger lentement dans un acte de verticalité laissant percevoir une anatomie ,insigne de beauté, de sérénité, de félicité. Figures de Hans Arp ou de Rodin, l'esprit voyage dans le temps, avec ravissement
Maxence Rey maintien l'énergie à fleur de peau et profondément laisse sourdre magnétisme , hypnotique et confondant
Et si tous les musées se dotaient de danseurs, la sculpture serait muse et inspiratrice de bien des comportements!


"Anima Ardens" chorégraphié par Thierry Smits, Cie Thor

En quéquette de routine
Des fantômes qui mugissent, linceuls ou voiles, suaires arborés par onze danseurs.
L'image frontale est forte et puissante. Puis c'est le dévoilement, la défloraison pour accéder à la vision de la nudité totale: nue et crue
La chair se fait matière plastique façonnée par le mouvement choral de cette horde de mâles en quête -en quéquette- de reconnaissance tribale Meute joyeuse où la chair est parfois "triste" tant les visions architecturales avoisinent celles d'abattoir à bestiaux. Mais n'est pas Pasolini qui veut, ni Dave St Pierre ou Anna Halprin, ayant tous à leur façon aborder la nudité. Ici on bouge, on transpire, on bataille, on joue et s'amuse à son corps défendant. Batterie militaire au poing, rythmes scandés, entraînant, comme à l'armée, alarmée !
C'est parfois drôle, parfois pathétique: un boléro de Ravel, cercle d'hommes tous nus fait un bel effet !
La viande y, est reine, la danse un peu indigente mais le "genre" masculin n'est pas absent!


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