jeudi 12 mai 2022

"Mémoire de formes": Nossfell/ Découflé, un couple qui se "débobine-rembobine" ! L'imagerie populaire a son zenith!

 


Nosfell et la Compagnie DCA / Philippe Decouflé ont régulièrement collaboré depuis 2010 (Octopus, Contact, et de multiples projets ponctuels). Ils se retrouvent à l’invitation de La Filature avec 10 danseurs ainsi que Pierre Le Bourgeois, son fidèle complice d’alors, pour proposer une performance inédite : un événement entre le spectacle, le concert et la revue.

« Est-il sérieux de vouloir convoquer à notre mémoire, les heures de nos corps glorieux ? Nous allons tenter de nous souvenir de tout. Nous allons probablement reproduire d’anciennes figures, danser d’anciens morceaux. Nous allons faire de notre mieux pour que les madeleines pleuvent ici et là. Mais rien ne sera plus fort que de se retrouver face à l’audience, avec la mémoire courte et le désir fou de faire rêver. Cette troupe que nous allons être n’est plus celle des années 10. Nous allons imaginer son histoire, en restituer un souvenir incertain, dans le temps le plus bref et l’humeur la plus joyeuse qui soit. »

Ce n'est pas un "coup d'essai" pour ces deux complices qui d'emblée prenne le plateau, se présentent humblement, l'un gainé de noir, l'autre, mèche grisonnante en épis! Une "réunion" in classable au sommet dans un décor de moucharabié en ogive...Une vague de danse exécutée par Nossfell en ondulation suave pour introduction ou prologue...Deux mini-scènes pour les instruments de musique de part et d'autre de la scène, et le show est lancé par "Jean-Claude le maitre de cérémonie en kilt ou dirndl détourné!On va direct par nostalgie sur les bords de la piscine qui fut théâtre d'un ballet nautique pour retrouver les amours de Decouflé: des images de chenilles processionnaires en boucle, points de chainette comme de petits têtards, à la Busby Berkeley à la "Abracadabra": une oeuvre vidéographique emblématique où Decouflé, réalisateur, animait des icônes circassiennes, à l'envi!Les danseurs de la troupe DCA nous on rejoint du haut de la salle, en défilé à la "Kontakhof" de Pina Bausch....Un solo de magicien en paillettes, des jumeaux sortis des rideaux de scène comme des diaphragmes d'appareil photos: deux "iris" pour mieux voir l'ob-scène de tout ce qui se déroule devant nos yeux ébahis d'enfant. Decouflé enfant prodige des effets spéciaux visuels pour retrouver sa grande famille kiné-matographique: Mélies, Nikolais et bien d'autres as du kaleidoscope.La musique, chant, guitare et violoncelle, se glisse dans cette partition des corps dansant, dans cette écriture maline, burlesque et espiègle signée du "maitre à danser" et des compositeurs-interprètes du soir! Un accessoire de plus:Le maître-à-danser est un instrument de géométrie. Il s'agit d'un compas composé de deux branches croisées mobiles reliées par une articulation centrale ...Cela ressemble bientôt à ces images projetées sur écran, comme des visions superposées des gestes des danseurs: géométrie croisée qui se fait et de défait comme une architecture vivante. De même avec des élastiques qui prolongent l'espace, offre des possibilité d'énergie et de mouvements infinies. On se souvient des "élastiques" des jeux olympiques d'Albertville, proposés comme trapèzes volants magnétiques. Les images magiques sorties d'une pochette surprise émerveillent.Duos, solos plus sensuels les uns que les autres s'enchainent, se déchainent: sur fond d'images focalisées de corps nus, comme des montagnes où une termitière  qui ondulent, respirent, acte d'amour et de danse à la respiration, au souffle très érotique 


Decouflé mêle les perspectives, focalise ou zoome à l'envi, donne à voir des points de vue inédits sur les corps. En sculpteur de ronde-bosse, en plasticien du mouvement ondulant, fluide, vaporeux quasi immatériel. Laurent Radanovic, sculpteur vidéo au plus près de l'esprit du chorégraphe plasticien de l'imagerie en mouvement!Le show va bon train, rythmé par la voix, le violoncelle qui fait ses fugues et partita pour bras et jambes voluptueux dans des espaces de lumière, carré rouge et noir, cadrage cinématographiques, du 16ème au carré du moniteur 4 tiers...L'Orient comme ambiance ou le défilé très "crazy horse" où les coiffures et longs cheveux de yaks ou gnou à la Charlie Le Mindu font mouche et très sexy. La danse est musique, balancier, poids et appuis comme ère de jeux, de glissements, de déséquilibre.Et toujours des images projetées à la "Skeleton dance" (silly symphonies) de Disney: les danseurs sur le plateaux en squelettes costumés se projettent en icônes animées comme des hiéroglyphes, un kaléidoscope ou de la vraie symétrie ou paréidolie magique..


C'est drôle, décalé, burlesque et comique, tendre aussi!Une castagne, bagarre, échauffourée sur terrain de foot,  ou cour de collège sur deux niveaux: autant de surface de réparation, d'ères de jeu ludique pour illustrer la tribu, la horde fort gentille des danseurs, groupés: une banlieue bleue où les casseurs endiablés se livrent à leur "tar' ta gueule à la récré"comme des enfants révoltés! Diablotins masqués ou visages africains projetés en forme ethnique sur l'écran qui se plait à métamorphoser le corps en autant de devinettes, de charades visuelles. Le "virelangue" gestuel de Decouflé opère et déstabilise, déplace le sens pour "choux fourrés" ou profiteroles qui ouvrent l'appétit de voir et déguster sans modération, saynètes, sketches,numéros ou entremets à volonté!L'écriture des solos ou duos restant la signature, la patte du maitre de cérémonie: bras voluptueux, petits doigts de magiciens comme "les 5000 doigts du docteur T" qui font office de final en boite à magie, faiseur de trouble ou d'artefact.Robert Houdin,le diable en filigrane pour ce palais des miroirs où la musique colle et se font à l'esprit malin de tous ces diablotins iconoclastes et trublions.Les images comme fondement, animées, émouvantes, esthétique d'un concept de divertissement très contemporain, inclassable grimoire des légendes et contes mimétiques des temps anciens...Un spectacle inédit, visuel, fantastique et enchanteur...

 

 "Mémoires de formes"Nosfell à la Filature Mulhouse le 11 MAI


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