samedi 6 avril 2024

Crystal Pite, Jonathon Young, KIDD PIVOT "Assembly Hall" : l'Agora de Terpsichore pour croisés du bocal.Sacré Graal...

 


Avec leurs succès mondiaux Betroffenheit et Revisor, Crystal Pite et Jonathon Young ont redéfini les codes de la danse-théâtre. Dans Assembly Hall, le binôme canadien peaufine encore son langage incisif, où le geste et la parole se défient, s’attirent et valsent ensemble dans une schizophrénie joyeuse. Nous voilà dans une salle des fêtes, de sport et de réunions qui dit le désir d’être ensemble. Mais aussi, par son apparence désuète, la perte progressive du lien social. D’où les déchirements d’une assemblée, pourtant réunie dans un but partagé : Incarner, chaque année, des héros médiévaux. Petit à petit chacun trahit le réel, s’adonnant à des fantaisies mythiques. Et dans la beauté claire-obscure des peintres anciens s’engage une passionnante réflexion sur notre besoin de faire communauté, en salle municipale comme au théâtre.

Une réunion de corps très éloquents, une agora de la danse, du geste, du verbe, c'est à tout cela que nous convient Crystal Pite et Jonathon Young. Dans un décor désuet de salle des fêtes: deux portes battantes à hublot, une estrade et des chaises alignées pour recevoir les ébats de ces porteurs de paroles, de ces harangueurs de communauté qui croient détenir les secrets et la vérité dans des interventions multiples, parlées et doublées d'une gestuelle fort pertinente. Ici pas de mime ni de démonstration futile cernant et doublant les mots. On en vient vite à quitter les surtitres pour ne regarder que la rythmique des déplacements, va et vient et jeu de chaises musicales et chorégraphiques.Belle démonstration d'un savoir être ensemble à l'écoute des autres partenaires de plateau. Puis viennent les scènes plus patibulaires d'un univers grandiloquent et grotesque, évocation de la gente guerrière médiévale. Une sorte de version des "Monty Pyton" revisitée par la danse et le langage du corps."Sacré Graal" en diable ou Don Quichotte de pacotille version plurielle. Ou Kaamelott de fantaisie remise au gout du jour et pour le plateau!On ne s'y prend pas au sérieux et ça fait du bien d'entendre ce chevalier se fracasser de toute sa carcasse au sol, armure et costume dérisoire et caricatural. Quant à la narration, à vous de vous inventer le fil d'Ariane de cette débauche enjouée de corps, de mots, de chant: comme il vous plaira, à loisir...Le "quest fest" dont il sera question comme sujet de débat, discussions et interventions est prétexte à un exercice de style quasi karaoké ou playback: les danseurs doublant les voix préenregistrées de leurs gestes guerriers. Ces "croisés" anti-héros et marionnettes-pantins, fantômes errant dans les vestiges d'une mémoire caduque et erronée. Des tableaux dignes d’Odyssées, de croisades frénétiques et désuètes de plain pied avec moult pieds de nez aux conventions de la "danse théâtre" ici revisitée comme une conférence ou un spectacle haut en couleurs de vaudeville chorégraphique.Une ambiance de pub, de bistrot genré, stylé, associatif, participatif de bon aloi.Ou d'assemblée générale extraordinaire de copropriétaires.

Au Théâtre de la Ville jusqu'au 17 Avril

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