lundi 25 juillet 2011

La danse de Taiwan à Avignon "off"


Pour la cinquième année consécutive, le Centre culturel de Taïwan à Paris, a invité des troupes de l'île pour à se produire dans le cadre du festival. Un éventail très intéressant d'artistes qui mêlent avec grâce théâtre et danse, réflexion sur la société et introspection.Avignon 2011 Off Taïwan danseurs.jpgIl y a dans l'imaginaire des jeunes artistes de Taïwan, l'Isla Hermosa des premiers navigateurs qui la découvrirent et l'aimèrent, l'ancienne Formose, une forte interrogation sur le monde. Une énergie, une intelligence rayonnante qui ne se contente pas d'art pour l'art.
Créer, à Taïwan, c'est donner une cohérence plus forte encore à une forme certaine de résistance.
La présence de Taïwan à Avignon a porté ses fruits puisque nombre des compagnies qui se sont succédé chez les Papes depuis un lustre, ont été invitées en tournée ensuite. Et certaines reviennent au festival.
Dans 1:0 présenté par le M.O.V.E Theatre de Taïwan qui revendique une recherche dans laquelle danse et théâtre s'épaulent et que l'on avait pu déjà applaudir en 2009 dans Fight me now et qui était déjà présent en 2008 avec CH3CC13, des jeunes gens et des jeunes filles s'affrontent. On y danse et on joue. On se jauge. Et l'on s'affronte par exemple dans des tournois de ...ping pong réglés comme des ballets mais où, bien sûr, la part d'aléatoire apporte une grâce et un humour qui font mouche sur le spectateur.
Hong-Zhen Fu, metteur en scène de la compagnie, a été formé auprès d'un maître qui avait travaillé avec Jerzy Grotowski. Il connaît très bien la réflexion sur le corps et le théâtre du grand artiste polonais qui a tant marqué les metteurs en scène, comédiens, chorégraphes européens et même occidentaux en général.
Il dirige  cinq artistes, vifs et déliés. Le spectacle est très soigné, précis. Lumières, vidéo, musique originale, tout est pensé pour faire de cette pièce brève, dense mais aérienne, un objet d'une grande cohérence, d'une originalité profonde. Des surtitrages parfois viennent en appui du spectacle, mais, pour l'essentiel, on comprend tout. On est en osmose avec ces artistes.
Théâtre de la Condition des Soies, 13 rue de la Croix, 84000 Avignon (04 32 74 16 49).
A 13h30 M.O.V.E.Theatre Group (55 minutes); à 15h40 Scarecrow Contemporary Dance Company (50 minutes); 17h50 WCdance (50 minutes); 20h30 Ten Drum Art Percussion Group (55 minutes). Relâches certains jours.
A Paris, le Centre culturel de Taïwan à Paris est situé 78 rue de l'Université, 75007 Paris (01 44 39 88 66).
http://www.ccacctp.org

"Rondes et belles" :les danseuses XXL, grassoulettes!!!!

Ballerines XXL

Danseur obèse, Juan Miguel Mas a créé l'ensemble Danza Voluminosa, une troupe qui commence à trouver son public.
zoom
Previous imageNext image
Cuba, Teatro Nacional. Dans le hall, six femmes exécutent pliés, jetés, pirouettes et autres figures du ballet classique. Ce qui l'est moins, c'est la taille des ballerines et des tutus, ainsi que le regard des curieux à l'extérieur qui pensent, comme le dit le danseur et chorégraphe Juan Miguel Mas, créateur du groupe, qu'il s'agit là d'exercices pour perdre du poids. Or Danza Voluminosa est un ensemble professionnel, pour lequel Mas, formé entre autres au Ballet national de Cuba, imagine des chorégraphies adaptées à la corpulence des sept danseurs, six femmes et un homme.

Danseur et chorégraphe, Juan Miguel Más est le fondateur en 1996 de cette compagnie hors du commun : la troupe « Danza voluminosa » et ses danseuses « XXL ». Si la minceur est devenue un peu partout la référence en matière de beauté, on préfère ici les rondeurs. Toutes les danseuses pèsent plus de 100 kilos!
"Danza Voluminosa" aide les participantes à combattre la routine, les pousse à sortir de chez elles. Les personnes fortes ont tendance à rester chez elles et à manger. C’est un cercle vicieux : plus on est complexé, plus on mange, et plus on sent angoissé. Alors qu’avec la troupe, elle viennent travailler dans une ambiance détendue, elles font bouger leur corps.
Depuis de nombreuses années, Juan Miguel Más est conseillé par une ancienne première danseuse du Ballet nacional de Cuba.

Ses ballerines ne prétendent pas braver la pesanteur. Au lieu de leur imposer des figures sur pointes ou des portés, leur chorégraphe préfère miser sur des pirouettes et des enchaînements de mouvements fluides. Ses personnages ont les pieds sur terre et… une bonne dose d’humour.

Grâce à l’engagement passionné des danseuses, le miracle se produit : elles semblent se métamorphoser tout naturellement en « mariposas », les papillons de la chanson de "Freddy", la chanteuse cubaine obèse des années 50, dont le nouveau spectacle de la compagnie retrace la vie.


Steven Cohen, le performer

Ce Sud-africain, né en 1962 à Johannesburg, est juif, homosexuel, artiste, travesti, préoccupé par le sort du monde. Souvent perché sur des chaussures de 30 cm de semelle qui lui tordent les pieds, maquillé, jouant de son corps, il ressemble un peu à l’artiste Matthew Barney dans son cycle "Crewmaster". Il est rasé, quasi nu, le corps peint de blanc, les oreilles en pointe terminées par des plumets. Il fait couple avec son ancienne nounou, Noire, Nomsa, 89 ans. Celle-ci quasi nue aussi, semble surgir du berceau de l’humanité, résurgence de la Vénus Hottenttote qui frappa tant les esprits européens au XIXe siècle. Elle avance hésitante, souriante, se confronte aux images vidéos ou plastiques que Steven Cohen a préparés : visites des grottes où sont nés les hommes, rappel des galaxies qui nous ont enfantés, souvenir douloureux de l’esclavage, images des grands singes si humains qui sautent de branche en branche parfois pour se dévorer.
Le performeur et son étrange compagne nonagénaire, rejouent l’histoire de l’humanité, issue de cette Afrique que Nomsa symbolise, avec l’art pariétal et la première maîtrise du feu. Elle est parfois habillée d’un tutu blanc illuminé. Lui, a de drôles d’antennes sur le crâne ou danse avec contre son corps, cachant son corps, un grand singe empaillé et criant. L’homme descend du singe, l’humanité n’a pas été créée par Dieu mais s’est faite par une longue et douloureuse évolution. Et nous restons tous, des singes.
Le côté drag-queen, écorché vif de Steven Cohen, est touchant, même s’il est souvent kitsch. Montrer ainsi la nounou vieille, nue, parfois enchaînée, provoque le malaise des voyeurs que nous sommes. Dans une belle scène, Nomsa caresse maternellement le visage de Steven.