mercredi 28 septembre 2011

Donatienne Michel-Dansac: divine diva! Au Festival MUSICA

L'Orchestre Philarmonique de Strasbourg terminait sa tournée régionale dans le cadre du Festival Musica à la Cité de la Musique et de la Danse et offrait gracieusement au très nombreux public rassemblé à cette occasion, un concert patchwork "découverte", tel une traversée du XXème siècle musical.
Après Mozart et Stravinsky, c'est l'œuvre de George Benjamin "A Mind of Winter" qui nous révéla les talents de la soprano Donatienne Michel Danzac. Là où apparait plus particulièrement le génie de cette interprète, c'est dans l'exécution du  choix de mélodies pour voix et piano qu'elle interprète aux côtés du pianiste Vincent Leterme.
Son jeu est juste et très théâtral, truculent, burlesque, plein de discrètes mimiques agacées ou extravagantes.
Un régal pour le spectateur happé par ce charisme partagé avec son accompagnateur aux aguets, à l'écoute, partageant ses audaces avec la chanteuse. Un duo-duel, tandem parfait où les deux artistes tissent une osmose et un réel bonheur de jeu en commun.
La surprise est grande de découvrir une telle complicité entre interprètes.


Puis les "Folk Songs" de Luciano Berio ramènent au calme les élans de l'artiste qui retrouve la simplicité de ces mélodies influencées par les folklores dans des langues multiples, graves, joyeuses, émouvantes.
L'idée de tisser des liens entre musique de répertoire moderne et œuvres plus "classiques" (quoi que les limites soient fragiles) est d'une rare intelligence et relie les pièces à leurs sources et influences d'origine. Du beau "interligere" au sens propre: relier!

lundi 26 septembre 2011

Philippe Manoury à l'Opéra du Rhin dans le cadre de Musica: le geste musical.

Son opéra "La nuit de Gutenberg" produit par l'Opéra National du Rhin, à l'initiative de Marc Clémeur son directeur,était fort attendu et l'impatience de la découverte de la mise en scène de Yoshi Oida dans des décors de Tom Schenk donnait lieu au même appétit de curiosité.Une occasion unique donnée dans le cadre du festival de découvrir l'épanouissement de l' œuvre de Manoury, déjà magistrale!
Figure incontournable de l'histoire strasbourgeoise, Gutenberg est incarné par Nicolas Cavalier, sobre et profond qui confère à l'œuvre sa dimension réflexive et moderne.Le propos est simple: de la révolution de l'imprimerie à la disparition du livre doublé par l'utilisation des nouvelles technologies, que reste-t-il aujourd'hui et pour quels échanges, quelle qualité de communication? L'inquiétude du personnage face à l'évolution du monde est omniprésente, se distille dans l'œuvre musicale, dans l'étau du décor qui se referme sur lui, malgré sa transparence et son aspect clinquant.et rutilant.
Les voix sont traitées dans le style récitatif , les personnages qui entourent Gutenberg, ne sont pas tous bienveillants ni confiants.
Le récit fait ici l'objet d'un solide traitement, la pièce est courte et fait mouche dans les esprits.

Manoury nous offrait le lendemain, son œuvre pour instrument à cordes: "Partita 1" de 2006, prodigieusement interprétée après la "Partia II BWV 1400" de 1720 de Bach par Christophe Desjardins à l'alto.
Après une courte et très édifiante présentation de son oeuvre par le compositeur fort efficace en paroles éclairantes, tout commence pour accomplir un voyage sonore inouï : le son du violon est démultiplié, trituré, façonné en direct par l'électronique. Un tourbillon de sons, d'échos, de "toupies" aspirantes et volubiles s'en dégage.Le geste instrumental est prolongé par l'électronique, pour rendre une texture et un espace denses, habités par des résonances et réverbérations surprenantes.
Alors que l'interprète semble au zénith de son génie,se façonne un  moment rare de plus à conserver dans la mémoire sensorielle de toutes ces expériences sonores cumulées depuis le début du festival!

Musica à Strasbourg: musique et images magnétiques!

"Sandglasses", le concert scénique de Justé Janulyté, au TNS, fut un instant de pure lévitation sonore et visuelle, hypnotique et hallucinant Sur la scène quatre cylindres de toiles tendues, derrière lesquelles se dissimulent ou se révèlent quatre violoncellistes du Gaida Ensemble. Un merveilleux jeu de lumières via des projections vidéo de parcelles scintillantes et tourbillonnantes vient doucement pénétrer l'atmosphère. L'ambiance est fantastique, curieuse, la musique envoutante le temps de cette plongée hors du temps. "Théâtre de son, lumières, espace et temps" cette œuvre est singulière et révèle de façon probante le talent de cette artiste lituanienne. Ce sablier "sandglasses" distille le temps et l'espace sonore avec grâce et quelque marque de volupté dans l'aspect fantomatique des visions proposées. Les pistes se brouillent incessamment et l'on s'immerge dans la musique avec une sensation d'abandon inédite.


"The Cave", le concert suivant de ce samedi ne dérogeait pas à l'idée d'envoutement. Steve Reich et Beryl Korot nous offraient un "oratorio multimédia" en trois parties joué par l'Ensemble Modern.
Le propos est complexe et riche en témoignages divers, collectés à l'occasion d'un questionnement à l'adresse des trois religions monothéistes, donnant naissance à un récit raconté trois fois, du pont de vue de trois cultures différentes. Aux questions "Qui est Sara, Abraham, Ismael et Agar?", un israélien, un palestinien, et un américain répondent. Les images vidéo de ces confessions sont projetées simultanément alors que la musique répond en direct à ces sollicitations. Leur rythme dépend des mots, des paroles: toute une architectonique se construit alors au regard avec ces cinq écrans qui entourent les musiciens.
L'effet est de choc et la structure répétitive de la musique entraine le spectateur dans une sorte d'onirisme, malgré la teneur très grave, politique et sociales des réponses. Les américains font mouche et avec beaucoup plus de détachement et d'humour colorent l'esprit de la partition, demeurée auparavant plus empreinte de dogmatisme.Une expérience musicale hors du commun comme beaucoup dans ce festival de nos musiques d'aujourd'hui!
Poigs