lundi 23 septembre 2013

Le Trio Arbos à Musica: la musique de chambre contemporaine "bien chambrée"!


Premier accueil à Musica, du trio espagnol très engagé auprès de la création contemporaine comme l'illustre ce concert matinal et dominical qui lui est consacré au sein du festival.
Quatre œuvres pour illustrer ce compagnonnage fertile: "Trio" de Georges Aperghis , pièce courte rebondissante, claire, légère, comme froissée et frémissante entre les mains des interprètes(piano, violon, violoncelle), "Trio" de Toshio Hosokawa, création mondiale qui s'interroge sur la facture d'un trio classique vers une refonte plus "orientale".
Inspiré par le chamanisme, cette pièce brève illustre la représentation du monde sensible et invisible sous ses aspects divins et cachés.Ésotérique et énigmatique, la musique enchante et se dérobe à notre entendement."Funfzehn Bagatellen" de Ivan Fedele est une composition originale basée sur la volonté de modifier la perception de l'événement sonore pour l'auditeur: une aventure acoustique singulière pour les sens en éveil, bousculés par l'inventivité très tonique de la partition.
Le "Lied ohne Worte" de Michael Jarrell développe les motifs comme autant de germes qui se génèrent, s'accouplent et donnent naissance à des formes musicales hybrides.
Son travail sur le geste instrumental et sur l'organisation de la forme par rapport au timbre s'y glisse harmonieusement et insidieusement.Il y travaille sans relâche un même objet, une même idée et travaille le matériau musical de façon arborescente.Ce lied "sans parole en est une belle illustration sonore, sans les sonorités liées aux mots, au sens et à la sémantique: bel excercice de style empreint de poésie et de sensibilité à "autre chose" d'inédit.
Au coeur de ce concert se glissait une oeuvre vidéo de Robert Cahen, comme une respiration dans ce flot de propositions musicales inoues.

ROBERT CAHEN: chaman de l'image "animée", plasticienne.

"Dernier Adieu" de 1988 est une sorte d'hommage à Jean Marc Tingaud, photographe de la mer. Ensemble, ils façonnent un scénario-images pour évoquer l'idée même de la photographie, sans montrer aucun cliché de l'artiste en question. Ces images seront évoquées plus tard simplement en fin de course, dans la narration comme les œuvres qui vont s'en aller voguer dans des bouteilles lâchées aux quatre coins de douze mers et océans du globe.
Flux et reflux des images vidéo floutées par le ralenti des mouvements de vague, de la verticale à l'horizontale, du bas vers le haut.
Les spectres d'un phare, les volutes et circonvolutions  voluptueuses de la caméra au régime de la lenteur très pondérale des masses de lumière, apparaissent, disparaissent opérant comme un révélateur d'images fantômes.
La musique d'Olivier Messiaen "Vingt regards sur l'enfant Jésus" illumine le tout, nous embarquant dans un voyage maritime au long cours.
L'embarcation est légère, l'image vidéo, mobile et "futile", fébrile comme tous ces électrons libres qui la constituent
Le montage d'Ermeline Le Mézo en souligne le vertige, le déséquilibre permanent. La fluidité aussi de cette lumière capturée, scintillante et vibratile des images sensibles de la mer: autant de vagues jamais échouées qui reviennent, planent et préfigurent déjà l'écriture de Robert Cahen, ce plasticien de l'image, ce chamane vibrant de constellations créatives et sensibles. 0n songe à "Tombe avec les mots", à "Solo", "Parcelles de ciel", écrits pour les chorégraphes Roberto Montet et Susan Buirges dans les années 1989...Et aussi le magnifique "Puits de l'épervier", manifeste de l'image dansée de Hideyuki Yano dansée par lui-même et Yves Aubert.
Danses des surfaces de lumière, immergées comme celles de la méduse de Paul Valéry, cette danseuse aux ondulations saccadées, plongée dans les mouvances maritimes.liquides...
Ce chant du mouvement et du temps, cette ode à la pesanteur autant qu'à l'apesanteur des choses de la vie: autant de "cartes postales" d'un lointain pays des merveilles où la mesure des choses n'est plus tout à fait la même.

dimanche 22 septembre 2013

Les nuits" de Preljocaj à MUSICA: l'obscure clarté du désir

"Les Nuits" de Angelin Preljocaj: un conte d'effets magique

"Les Nuits" s'annonce comme l’étendard du "Pavillon Noir", centre chorégraphique du Ballet Preljocaj à Aix en Provence.
Œuvre créée dans le cadre de "Marseille, capitale européenne de la culture", ce morceau de bravoure renforce la ligne éditoriale de ce démiurge chorégraphe, en possession d'une pleine maturité
Sans Shéhérazade et ses héroïnes féminines, les Mille et une Nuit n’existeraient pas. De leurs aventures, Angelin Preljocaj extrait les notes les plus sensuelles, pour une rêverie flamboyante. Double retour aux sources avec ces Mille et une Nuits. D’abord aux sources de la littérature, grâce à ces contes orientaux et millénaires ayant inspiré une production artistique foisonnante depuis l’Inde jusqu’en Occident. Ensuite aux sources même de l’art de Preljocaj : en privilégiant la dimension érotique de ces contes, le chorégraphe promet d’écrire une pièce lumineuse et fantasmée, dans la veine de Liqueurs de chair. C’était il y a vingt ans. Depuis quelques années, dans des registres très différents, Angelin Preljocaj a pris goût à travailler à partir d’écrits pour plusieurs de ses récentes créations : Blanche-Neige, Le Funambule, l'Apocalypse selon Saint-Jean, Ce Que j’appelle Oubli... Chaque fois, il en livre une lecture totalement éclairée, magnifiée par une esthétique absolument impressionnante où l’espace se découpe géométriquement au gré des mouvements.
Accompagné d’Azzedine Alaïa pour les costumes, de Natacha Atlas, Sami Bishai et le collectif 79D pour les musiques, et de Constance Guisset pour la scénographie, ces Mille et Une Nuits s’annoncent d’ores et déjà comme une machine à fantasmes, comme une ode à la figure tutélaire et puissante de la femme émancipée, mère de désirs et de poésie, d’adversité et de passion.C'est bien d'un Ange dont il s'agit, celui qui ouvre des univers étranges, qui crée une gestuelle vif argent, ciselée et précise, une danse chorale où à l'unisson, les êtres vibrent et se confondent.Preljocaj est ce peintre capable d'orchestrer les corps, de les mettre en résonance, en état de grâce. On se souvient d' "Annonciation" de "Trait d'union" ces deux duos emblématiques de son écriture chorégraphique et filmique."Les Nuits" sera sans doute une toile tendue d'énergie, d'urgence: celle de l'alerte, de l'alarme de sa danse, mais aussi de la sensualité sauvage émanant de l'interprétation virtuose de ses danseurs.Rendre des comptes à cette immense odyssée de l'amour, à cette fresque amoureuse que sont "les mille et une nuits" est une gageure, un défi!
Calligraphe de la danse, Preljocaj trace le récit des corps de cet ouvrage mythique, oriental et romanesque, flux de mots et de textes fantastiques.
A MUSICA ce dimanche 22 Septembre 17H à la FILATURE à MULHOUSE




"The House Taken Over": scènes de ménage et de fratrie en huit-clos!

"La maison occupée": un premier opéra du jeune compositeur portugais Vasco Mendonça, mis en scène par Katie Mitchell, d'après une nouvelle de Julio Cortazar: imaginez le bouquet final: un opéra déroutant en huit-clos sidérant.
Ils sont deux chanteurs, comédiens sur le plateau une heure durant à exécuter et vivre les gestes du quotidien partageant la maniaquerie du "ménage": deux frère et souer dont l'univers va se rétrécir au fur et à mesure dans la tension des bruits surgissants de partout.
Une oeuvre à la Hitchkok ou Ionesco où l'absurde prend la pas sur la réalité, le fantastique sur le quotidien.
Le suspens est grand, ponctué par la musique qui renforce l'étrangeté de la situation.
Chant du cygne pour cet étrange couple confiné dans la monotonie de l'existence, de la routine.
Les deux voix sont celles de la détresse, de l'angoisse, merveilleusement interprétées par  Edward Grint et  Kitty Whately sous la direction de Etienne Siebens La dramaturgie nait littéralement du travail sur l'éclairage dans un décor domestique très classique.La musique sert le théâtre dramatique, au delà du drame, en autant de respirations pour s'en échapper.L'obsession grandissante de l'intrigue, la sensation d'enfermement, de clostration, d'enmurement est prégnante.
On étouffe comme les deux protagonistes, souffrant de claustrophobie. La répétition martèle les situations et l'atmosphère qui s'en dégage est convaincante!Irène et Hector rétrésissent dans le confinement de l'espace-lumière de la scénographie et leur fantôme resurgiront dans nos mémoires comme autant d'empreintes spectrales.
Un opéra entre banalité des tâches quotidiennes et rêveries fantasmées d'un ailleurs inaccessible: du rêve très maitrisé!