Quatre œuvres pour illustrer ce compagnonnage fertile: "Trio" de Georges Aperghis , pièce courte rebondissante, claire, légère, comme froissée et frémissante entre les mains des interprètes(piano, violon, violoncelle), "Trio" de Toshio Hosokawa, création mondiale qui s'interroge sur la facture d'un trio classique vers une refonte plus "orientale".
Inspiré par le chamanisme, cette pièce brève illustre la représentation du monde sensible et invisible sous ses aspects divins et cachés.Ésotérique et énigmatique, la musique enchante et se dérobe à notre entendement."Funfzehn Bagatellen" de Ivan Fedele est une composition originale basée sur la volonté de modifier la perception de l'événement sonore pour l'auditeur: une aventure acoustique singulière pour les sens en éveil, bousculés par l'inventivité très tonique de la partition.
Le "Lied ohne Worte" de Michael Jarrell développe les motifs comme autant de germes qui se génèrent, s'accouplent et donnent naissance à des formes musicales hybrides.
Son travail sur le geste instrumental et sur l'organisation de la forme par rapport au timbre s'y glisse harmonieusement et insidieusement.Il y travaille sans relâche un même objet, une même idée et travaille le matériau musical de façon arborescente.Ce lied "sans parole en est une belle illustration sonore, sans les sonorités liées aux mots, au sens et à la sémantique: bel excercice de style empreint de poésie et de sensibilité à "autre chose" d'inédit.
Au coeur de ce concert se glissait une oeuvre vidéo de Robert Cahen, comme une respiration dans ce flot de propositions musicales inoues.
ROBERT CAHEN: chaman de l'image "animée", plasticienne.
"Dernier Adieu" de 1988 est une sorte d'hommage à Jean Marc Tingaud, photographe de la mer. Ensemble, ils façonnent un scénario-images pour évoquer l'idée même de la photographie, sans montrer aucun cliché de l'artiste en question. Ces images seront évoquées plus tard simplement en fin de course, dans la narration comme les œuvres qui vont s'en aller voguer dans des bouteilles lâchées aux quatre coins de douze mers et océans du globe.
Flux et reflux des images vidéo floutées par le ralenti des mouvements de vague, de la verticale à l'horizontale, du bas vers le haut.
Les spectres d'un phare, les volutes et circonvolutions voluptueuses de la caméra au régime de la lenteur très pondérale des masses de lumière, apparaissent, disparaissent opérant comme un révélateur d'images fantômes.
La musique d'Olivier Messiaen "Vingt regards sur l'enfant Jésus" illumine le tout, nous embarquant dans un voyage maritime au long cours.
L'embarcation est légère, l'image vidéo, mobile et "futile", fébrile comme tous ces électrons libres qui la constituent
Le montage d'Ermeline Le Mézo en souligne le vertige, le déséquilibre permanent. La fluidité aussi de cette lumière capturée, scintillante et vibratile des images sensibles de la mer: autant de vagues jamais échouées qui reviennent, planent et préfigurent déjà l'écriture de Robert Cahen, ce plasticien de l'image, ce chamane vibrant de constellations créatives et sensibles. 0n songe à "Tombe avec les mots", à "Solo", "Parcelles de ciel", écrits pour les chorégraphes Roberto Montet et Susan Buirges dans les années 1989...Et aussi le magnifique "Puits de l'épervier", manifeste de l'image dansée de Hideyuki Yano dansée par lui-même et Yves Aubert.
Danses des surfaces de lumière, immergées comme celles de la méduse de Paul Valéry, cette danseuse aux ondulations saccadées, plongée dans les mouvances maritimes.liquides...
Ce chant du mouvement et du temps, cette ode à la pesanteur autant qu'à l'apesanteur des choses de la vie: autant de "cartes postales" d'un lointain pays des merveilles où la mesure des choses n'est plus tout à fait la même.
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